Critiques Cinéma

HIGH FLYING BIRD (Critique)

4 STARS EXCELLENT

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SYNOPSIS: En plein blocus de la ligue professionnelle de basket, l’agent sportif Ray Burke se retrouve au centre d’une querelle opposant joueurs et officiels. Alors que sa carrière est en jeu, Ray voit grand. Avec seulement 72 heures pour trouver un plan, il parvient à défier les meilleurs joueurs grâce à une faille qui pourrait changer à tout jamais l’histoire du basket américain. Au final, qui est le vrai maître du jeu ? 

Le sport, que ce soit par sa pratique, la place qu’il occupe dans les médias ou l’incroyable business qu’il représente est indissociable de la culture américaine. Pour autant, il est surprenant de se rendre compte qu’il ait inspiré si peu de grands cinéastes, si on ne tient pas compte des films traitant de destins individuels de champions et qu’on se penche sur ceux qui en ont analysé les aspects tactiques, sociologiques ou économiques. Des trois sports collectifs les plus populaires aux USA et des 3 ligues qui les dirigent, le baseball (MLS), le football américain (NFL) et le basketball (NBA), seuls les deux premiers ont leurs films de référence : Moneyball (Bennet Miller, 2011) et L’enfer du Dimanche (Oliver Stone, 1999) devenus des classiques dont se sont à leur tour inspirés les acteurs de ces sports. S’agissant de la NBA, s’il faut absolument voir le fantastique documentaire Hoop Dreams (Steve James, 1994) , aucun metteur en scène de l’envergure de Steven Soderbergh ne s’était jusqu’ici penché sur les coulisses de la NBA, qui de l’extérieur apparaît comme une ligue de millionnaires, mais qui cache , en réalité,  une multitude de destins brisés par la logique économique de la ligue.

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Continuant ses expérimentations formelles en même temps que son exploration des genres à travers lesquels il déroule ses thématiques habituelles (parmi lesquelles le combat d’un homme/femme seul face à une « corporation », l’exploitation économique du corps), Steven Soderbergh s’est à nouveau emparé de son Iphone pour réaliser, en un temps record (13 jours), un film aussi édifiant que captivant qui n’évitera probablement pas la polémique tant ce qu’il montre des dessous de la NBA et de la place des joueurs dans cet énorme business est peu reluisant. Si Soderbergh est un grand formaliste qui s’est parfois un peu égaré dans de brillants exercices de style qui n’avaient plus grand chose à raconter, il a trouvé, avec le scénario de Tarell Alvin McCraney (Moonlight), un sujet dont il tire le meilleur en construisant un récit divertissant qui peut se suivre comme un film de braquage, dans lequel il affirme clairement son point de vue.

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Pour appuyer sa charge, Steven Soderbergh mêle brillamment la fiction et le documentaire, les deux se répondant sans que l’on ne décroche du récit. Il s’appuie, en effet, non seulement sur un scénario extrêmement documenté qui ne cherche pas à simplifier les mécanismes économiques dont il traite,  des dialogues vifs et ciselés qui rendent électrisantes toutes les discussions de business qui auraient pu être de longs tunnels verbeux pour initiés, mais aussi, sur des témoignages face caméra de joueurs NBA qui racontent leurs premiers pas dans la ligue et leur découverte de ce monde: Reggie Jackson (Detroit Pistons), Karl-Antony Towns (Minnesota Timberwolves), Donovan Mitchell (Utah Jazz). Le témoignage du second est particulièrement intéressant et pertinent dans ce récit, de par son parcours de superstar universitaire, drafté en première position qui a dû comprendre et intégrer les exigences de la ligue auxquelles il n’était pas préparé. En cela il fait écho à ce que traverse Erick Scott (Melvin Gregg), le jeune joueur star dont s’occupe Ray Burke (André Holland) Fiction hyper documentée basculant vers le documentaire, High Flying Bird soigne autant la forme que le fond et s’appuie sur la très convaincante interprétation de celui qui est en train de s’affirmer comme l’un des meilleurs acteurs de sa génération : André Holland (The Leftovers, Moonlight, The Knick …)

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Le point d’entrée dans cet univers à priori assez hermétique est le lock out qui paralyse toute la ligue et empêche la saison de commencer, suite à un désaccord entre les franchises et les joueurs sur la répartition des revenus générés par les matchs et notamment les droits TV. Il faut préciser qu’il ne s’agit pas que d’une simple fiction puisqu’un tel lock out a déjà paralysé la NBA, pour les mêmes raisons, notamment en 1998 puis en 2011. Tout en reprenant les enjeux des précédents locks out, High Flying Bird intègre les problématiques nouvelles apparues depuis, notamment l’importance prise par les réseaux sociaux, la façon dont les joueurs peuvent s’en servir pour échapper au contrôle total de la NBA et l’apparition de nouvelles plateformes de diffusion comme Netflix et Hulu qui sont citées dans le film. Face à ce blocage, Ray Burke (André Holland) agent de joueurs au sein de l’agence SAV va en quelque sorte braquer la NBA. Le récit va ainsi suivre les 72 heures durant lesquelles il va user de son influence et des nouveaux outils que représentent ces plateformes pour œuvrer à inverser le rapport de force et faire céder les patrons de franchise pour obtenir une meilleure répartition des revenus au profit de joueurs.

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La charge politique est claire, sans pour autant tomber dans un récit manichéen ou une « victimisation » déplacée. De ce point de vue, le personnage de Spencer (Bill Duke), vieux sage et coach universitaire qui a connu les débuts de la ligue et la lutte pour les droits civiques est essentiel, en venant tempérer à plusieurs reprises les propos d’autres personnages visant à comparer la situation des joueurs noirs de la NBA à celle de leur ancêtres. Pour autant, il s’agit bien là, derrière ces enjeux économiques et ces contrats à plusieurs millions, de la question du rapport de force imposé par une ligue dirigée par des hommes blancs sur des joueurs majoritairement noirs et issus de milieux modestes. En citant explicitement le sociologue Harry Edwards, l’auteur de The Revolt of The Black Athlet (1969), High Flying Bird se fait le porte parole de la cause d’athlètes dont on pense, à tort, au vu des millions qu’ils gagnent, qu’ils sont traités de façon équitable par une ligue à laquelle ils rapportent des milliards. Tout le talent de Soderbergh est d’arriver à trouver la parfaite balance entre le côté ludique, voire fun, assumé de son film et le propos sans concession qui le sous-tend.

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Titre Original: HIGH FLYING BIRD

Réalisé par: Steven Soderbergh

Casting : Andre Holland, Melvin Gregg, Zazie Beetz

Genre: Drame, Sport

Sortie le: 8 février 2019

Distribué par: NETFLIX

4 STARS EXCELLENT

EXCELLENT

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