Critiques Cinéma

L’ENFER DU DIMANCHE (Critique)

le rendez vous ciné club

4 STARS EXCELLENT

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SYNOPSIS: C’est la descente aux enfers pour les Miami Sharks, une équipe de football américain qui subit une série de revers. Pour se maintenir à son poste, l’entraîneur qui commence à être serieusement contesté fait jouer un débutant talentueux. A travers cette fresque sur les enjeux du football americain, le réalisateur dresse un bilan des névroses de l’Amérique. 

Le football américain a beau être un sport dont la complexité des règles échappe au plus grand nombre et dont la longueur des matchs et les innombrables coupures publicitaires, découragera les autres, quand un cinéaste engagé et enragé, par ailleurs grand fan de ce sport, décide, pour clore une décennie qui l’a vu réaliser des films aussi importants que Les Doors (1991), JFK (1991),  Heaven & Earth (1993), Tueurs nés (1994) , Nixon (1995) et U-Turn (1997), d’écrire et mettre en scène un film sur l’évolution de son sport préféré,  on est totalement partant pour une immersion de 2h30 sur le terrain et dans les coulisses de ce sport qui plus que tout autre est synonyme de show et de business.
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L’enfer du dimanche s’ouvre avec un gros plan sur un ballon de football américain et la main bandée et couverte de plaies qui le saisi. Ce qui frappe d’emblée c’est le parti pris d’Oliver Stone de filmer cette partie de football américain entre les Miami « sharks » de Tony d’Amato (Al Pacino) et les Minnessota « Americans », comme une guerre sur un champ de bataille opposant deux armées obéissant aux commandements de leur stratège. On est saisi par la violence des impacts, la férocité de ces joueurs essayant de se frayer un chemin à travers les lignes ennemies, certains se sacrifiant et tombant sous la puissance des coups. Ce sera le cas de leur ouvreur star Jack « Cap » Rooney (Dennis Quaid) et de son remplaçant, ce qui  offrira l’opportunité inespérée à Willie Beamen (Jamie Foxx) de démontrer sa valeur. Cette scène d’ouverture est au film sportif, un morceau de bravoure équivalent à ce que l’ouverture de Saving Private Ryan représente pour le film de guerre. Oliver Stone attrape le spectateur par le col et le place au milieu de ce combat, sa caméra capte la puissance des impacts tout en profitant de chaque arrêt de jeu pour nous faire découvrir, au cœur de l’action, le rôle de chacun de ses personnages majeurs.

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De même que l’on ressent les impacts des chocs on ressent aussi la relation quasi filiale avec leur coach qui les suit et les dirige sur le bord du terrain. S’ils sont des stars largement payées ils sont aussi de la chair à canon pour leurs dirigeants qui n’hésitent pas à jouer avec leur santé, pour peu que cela servent les intérêts financiers du club. Dans cet univers où les enjeux financiers prédominent, l’entraîneur est comme un général qui va défendre ses troupes auprès de son état major si leur intégrité est en jeu mais qui, au final, devra toujours se plier à la décision de ses supérieurs. Oliver Stone poursuit une thématique qui lui est chère en  filmant ces hommes qui pensent avoir leur destin entre leurs mains alors que celui-ci leur échappe et qu’ils sont utilisés pour servir des intérêts supérieurs . Si le système les récompense très largement en faisant de ces joueurs des stars et des millionnaires, il les casse physiquement et mentalement pour son plus grand profit. Oliver Stone s’attache à montrer les coulisses de ce sport fait roi par la télévision qui l’a transformé en un spectacle dont les acteurs principaux vont jusqu’à mettre leur vie en danger, soit consciemment comme Sharks (Luther « Shark » Lavay interprété par Lawrence Taylor), soit poussés par des médecins sans scrupule (Harvey Mandrake interprété par un James Woods au sommet de sa forme, tétanisant de cynisme) leur cachant la gravité de leur blessure. Il s’appuie sur un casting cinq étoiles pour dresser un portrait sans fard d’un sport dont il est fan mais dont il déplore l’évolution. Ce portrait qui se veut exhaustif et sans complaisance repose sur des personnages qui sont définis comme des archétypes mais qui sont tous incarnés par des acteurs totalement habités par leur rôle auquel ils donnent une dimension tragique: la star montante dont la médiatisation et l’arrogance met en péril le collectif (Willie Beamen) , le joueur star sur le déclin (Jack Rooney), la propriétaire sans scrupules (Christina Pagnacci interprétée par Cameron Diaz pour ce qui est un de ses meilleurs rôles), le médecin pensant plus au business qu’à la santé des joueurs (Harvey Mandrake), le coach passionné (Tony d’Amato), dernier vestige d’un temps ancien où les valeurs de sacrifice de ce sport et son aspect tactique prédominaient. Lorsqu’il se concentre sur ses personnages, L’Enfer du Dimanche est d’une redoutable efficacité, se construisant autour de grandes scènes de confrontation, des matchs dans le match, opposant des personnages aux visions radicalement opposées: Tony d’Amato Vs Harvey Mandrake/Christina Pagnacci Vs Willie Beamen, Willie Beamen Vs Luther Lavay. Ce qu’il se dit durant ces scènes vaut toutes les longues tirades explicatives sur l’état de ce sport et les enjeux qui le gangrènent. Stone n’assène jamais son propos et passe systématiquement par le biais de ces « confrontations ». Il les illustre néanmoins parfois un peu lourdement comme lors de cette scène entre d’Amato et Beamen, dans lesquelles Stone insère des extraits de Ben Hur (pour continuer de filer la métaphore du joueur/soldat/gladiateur) et d’un ciel menaçant annonçant l’arrivée d’une tempête. C’est peut être d’ailleurs sur la forme que le bât blesse et fait, à notre sens, perdre un peu de sa puissance au récit.

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Si ce qu’Oliver Stone nous montre de la coulisse de ce sport roi est passionnant, L’Enfer du Dimanche est quelque peu parasité par une forme clinquante/tonitruante et un montage à la mitraillette. Si ce partis pris de mise en scène est cohérent avec la nature de ce sport, il finit  par lasser. Dénonçant la main mise des télévisions sur ce sport, il en adopte les codes pour la mise en scène des matchs. Les ralentis, les rugissements pour souligner la férocité des joueurs, à force de répétition, perdent de leur efficacité. Les actions censées nous galvaniser sont parfois confuses voire illisibles. Certes, Stone s’intéresse plus aux hommes qu’au jeu et cherche plus à nous donner les sensations du match, nous en transmettre l’énergie, nous plonger au cœur du terrain qu’à filmer des actions. Si sa mise en scène ne ménageant que peu de temps mort nous a parfois lassé, elle nous a constamment impressionné par sa capacité à situer ses personnages et leur rôle dans le match. En quelques plans, chacun d’entre eux est placé au cœur de l’action, chacun dans sa fonction, sans jamais nuire à la fluidité de la mise en scène qui file à toute allure durant ces séquences de match qui peuvent durer plus de dix minutes.  Mais c’est véritablement quand Stone se mue en tragédien, qu’il réussit de très belles scènes où le clinquant s’efface derrière les enjeux dramatiques. Luther Lavay et Tony d’Amato sont de magnifiques personnages de tragédie qui se définissent entièrement par la passion et l’esprit de sacrifice qui les anime. L’un est prêt à mourir sur le terrain plutôt que d’abandonner avant d’avoir atteint ses objectifs, l’autre est complètement dévoré par sa passion qui lui donne infiniment plus de satisfaction que sa vie privée. Pour d’Amato « the game is pure » mais « life is fucked », il a tout donné à ce sport et n’existe et n’est caractérisé qu’à travers son rôle d’entraîneur. Stone ne s’attarde pas sur sa vie en dehors du terrain, son passé familial, tout juste le voit-on s’éprendre d’une call girl qu’il fréquente régulièrement et à laquelle il propose une relation désintéressée. Ses joueurs sont comme ses enfants et il les dirige comme des soldats, les mobilisant pour un objectif commun, la valeur du collectif dépassant la somme de la valeur de chacun des joueurs. Le paradoxe de ce sport est qu’il véhicule des valeurs ultra individualistes alors qu’il repose sur la force du travail collectif qui part du manager au staff médical, aux coachs. La capacité de D’Amato à transcender ses joueurs en leur transmettant ses valeurs, est mise en avant dans une scène qui est depuis entrée dans l’histoire du cinéma et au delà, est même entrée dans la culture populaire. Ce discours de 4 minutes, avant le match décisif opposant son équipe aux « Knights » de Dallas, colle encore aujourd’hui la chair de poule et beaucoup s’en inspirent encore aujourd’hui, en entreprise et dans le sport, pour réveiller l’esprit d’équipe. Au delà de cette scène, L’Enfer du Dimanche, malgré ses boursouflures, n’a rien perdu de sa puissance et de sa pertinence. Il a par ailleurs largement dépassé le cadre du film sportif dans lequel on aurait vite fait de l’enfermer si on s’en tient à son sujet. Il transpire par tous ses pores de la passion communicative de son metteur en scène qui en profite, à nouveau, pour égratigner l’Amérique en dévoilant les coulisses de son sport roi. Si ce n’est pas son chef-d’œuvre, c’est un morceau de bravoure qui gagne à être revu, de préférence dans sa version director’s cut.

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Titre Original: ANY GIVEN SUNDAY

Réalisé par: Oliver Stone

Casting :  Al Pacino, Jamie Foxx, Cameron Diaz,

James Woods, Dennis Quaid, Lawrence Taylor…

Genre: Comédie dramatique

Sortie le: 12 avril 2000

Distribué par: Warner Bros. France

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