Critiques Cinéma

MES MEILLEURS COPAINS (Critique)

SYNOPSIS: Quelques amis de jeunesse approchant de la quarantaine se retrouvent à l’occasion de la venue à Paris d’une rock star québécoise, Bernadette Legranbois, qu’ils ont connu durant leur jeunesse. C’est l’occasion pour Jean-Michel, Richard, Guido, Antoine et Dany de régler quelques vieux comptes et de faire un bilan mi-doux, mi-amer de ce qui reste de leurs rêves d’adolescents.

De leur longue collaboration d’écriture débutée de manière collégiale avec la troupe du Splendid sur Le Père Noël est une ordure, poursuivie (avec aussi Martin Lamotte) pour l’adaptation de Papy fait de la résistance et pour le scénario de Twist Again à Moscou, le tandem Jean-Marie Poiré – Christian Clavier s’est retrouvé pour la première fois seul à présider aux destinées d’un film avec Mes Meilleurs Copains. Si l’inspiration des deux auteurs ne semble pas très mystérieuse (le diptyque magique d’Yves Robert Un Éléphant ça trompe énormément – Nous irons tous au Paradis (1976 – 1977), Vincent, François, Paul et les autres (Claude Sautet, 1974), Nous nous sommes tant aimés (Ettore Scola, 1974) ou encore Les Copains d’abord de Lawrence Kasdan (1983)), Mes Meilleurs Copains possède une vraie singularité et une personnalité propre qui lui permet de trouver une place de choix parmi les films de potes, ces films qui nécessitent que le spectateur puisse se projeter dans les personnages et s’y identifier. C’est la première fois que Jean-Marie Poiré et Christian Clavier abordent un registre qui ne soit pas purement comique, qui s’éloigne à ce point de la farce et qui soit imprégné d’un réalisme si prégnant. Pas étonnant lorsque l’on sait que le postulat de départ du scénario est surtout lié aux souvenirs personnels de Jean-Marie Poiré*, chanteur éphémère du groupe The Frenchies parti tenter de trouver la gloire sous le pseudonyme de Martin Dune. En cherchant un sujet avec Clavier, ce dernier lui demande ce que sont devenus les membres du groupe et Poiré lui explique que chacun s’est reconverti dans des activités totalement différentes mis à part la chanteuse du groupe, une certaine… Chrissie Hynde qui partit faire carrière aux États-Unis, où elle deviendra une future vedette en étant la chanteuse des Pretenders. De cette anecdote naquit les cinq Meilleurs Copains du film qui se retrouvent un week-end autour de leur ancienne copine, Bernadette, devenue une star de la chanson. En affûtant leur scénario, Clavier et Poiré agrègent à la pure fiction des élément véridiques (Dany, le personnage de Jean-Pierre Darroussin étant inspiré du guitariste des Frenchies, Morgan Davis et son timbre si caractéristique, de la voix d’un photographe de plateau sur Twist Again à Moscou, Moustique*) et créent une troupe totalement cohérente.

On ne sait pas toujours d’où provient la magie d’un film, mais ici comme ailleurs, de la réussite d’un casting semble t-il en osmose à une histoire à la fois drôle et émouvante, Mes Meilleurs Copains offre une ribambelle de scènes marquantes et touchantes qui furent pour beaucoup dans la popularité du film au fil du temps (à sa sortie le film fut un échec cuisant avec moins de 360000 entrées). Si le talent des auteurs pour les répliques qui font mouche ne se dément pas, on est surpris par la profondeur de certaines situations, par la densité psychologique apportée aux personnages, par l’émotion en filigrane qui dévoile une sensibilité à laquelle on n’était pas réellement habituée ainsi qu’une justesse et une véracité qui symbolisent une remarquable réussite. Formellement Jean-Marie Poiré se permet plusieurs séquences en noir et blanc, puis d’autres scènes avec une colorimétrie et des costumes typiquement seventies (pantalons pattes d’éléphant aux couleurs bigarrées) émaillant le film de flash-back réjouissants contant la jeunesse puis l’adolescence des protagonistes et mettant en perspective les fondations de leur amitié, leurs expériences sentimentales, leur initiation aux drogues mais aussi leurs fêlures intimes qui permettent de comprendre comment ils sont devenus ce qu’ils sont, la voix-off du narrateur (Christian Clavier) rythmant avec délice, telle une musique, l’ensemble du film.

Au-delà de la complicité qui lie nos six amis, de leur amitié indéfectible qui dépasse toutes les situations conflictuelles qu’ils peuvent rencontrer, chaque scène aussi anecdotique semble t-elle, amène de la substance à leurs personnalités et de la crédibilité aux situations qu’ils traversent et aux mots qu’ils prononcent. Évoquant les problématiques de la réussite, de la maturité, des crises existentielles de la perte de ses illusions et  du délitement de ses rêves, Mes Meilleurs Copains est une chronique remarquablement écrite, avec une histoire qui tient la route du début à la fin, portée par des dialogues irrésistibles. La mise en scène de Poiré, efficace et rythmée par un montage savamment orchestré est une des grandes forces du film mais son centre névralgique, c’est l’interprétation des six comédiens principaux qui sont tous réellement formidables. Gérard Lanvin, Philippe Khorsand, Jean-Pierre Bacri, Louise Portal, Christian Clavier et Jean-Pierre Darroussin forment un groupe d’amis auquel on croit instantanément, avec qui on voudrait partager du temps encore et encore, que l’on ne voudrait pas quitter à la fin d’un film qui a fait son nid dans nos cœurs pour la vie. Un bon film? « La faux-curie à ce point-là a des vertus hallucinogènes » comme dirait le personnage de Christian Clavier. Un grand film!

*Entretien avec Jean-Marie Poiré in Schnock n°5

Titre Original: MES MEILLEURS COPAINS

Réalisé par: Jean-Marie Poiré

Casting: Christian Clavier, Gérard Lanvin, Jean-Pierre Bacri,

Jean-Pierre Darroussin, Phillippe Khorsand, Louise Portal…

Genre: Comédie

Sortie le: 1er mars 1989

Distribué par: –

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