SYNOPSIS: Charlie et Elie Sisters évoluent dans un monde sauvage et hostile, ils ont du sang sur les mains : celui de criminels, celui d’innocents… Ils n’éprouvent aucun état d’âme à tuer. C’est leur métier. Charlie, le cadet, est né pour ça. Elie, lui, ne rêve que d’une vie normale. Ils sont engagés par le Commodore pour rechercher et tuer un homme. De l’Oregon à la Californie, une traque implacable commence, un parcours initiatique qui va éprouver ce lien fou qui les unit. Un chemin vers leur humanité ?
On est toujours un peu perplexe lorsqu’un cinéaste français, aussi reconnu soit-il, décide de s’aventurer outre-atlantique pour tenter l’aventure hollywoodienne. Le control freak des producteurs américains ne sied pas forcément aux réalisateurs français qui jouissent d’une certaine liberté artistique en France. De Jean-Pierre Jeunet à Mathieu Kassovitz, on ne compte plus les réalisateurs repartis éreintés de leur expérience américaine. La peur d’être dépossédé de son œuvre est un risque que Jacques Audiard a pris trois ans après la palme d’or pour Deephan. A 66 ans, le réalisateur doublement césarisé pour De battre mon cœur s’est arrêté et Un prophète s’attaque à un genre typiquement américain : le western. L’histoire est tirée d’un roman éponyme du canadien James DeWitt. Au regard de sa récente filmographie, il n’est pas très étonnant de le voir traiter d’un tel sujet : la violence, la famille et la quête d’un idéal. Pour quel résultat ?
Il faut découper le film en deux parties pour comprendre l’ampleur d’un tel projet. Tout d’abord, le film est construit autour d’une histoire banale d’une chasse à l’homme où deux frères recherchent un scientifique possédant une formule mystérieuse. Audiard et son scénariste depuis quatre films, Thomas Bidegain se concentrent sur ce duo fraternel totalement à l’opposé. Charlie, le beau gosse sanguinaire, cupide et alcoolique, agit avant de réfléchir. Eli, jouissant d’une certaine bonhommie, attend de fonder une famille et rêve d’une vie meilleure mais reste condamné à suivre éternellement son frère afin de réparer ses imprévisibles coups de sang. Mais pour Eli, le lien fraternel est plus fort que la raison surtout quand on est l’ainé. Cette amour/haine n’est pas sans rappeler le duo Duris/Arestrup de De Battre… L’évolution des personnages au cours du récit est un des éléments clés du cinéma d’Audiard. Les personnages ne restent pas dans des carcans et tout vole en éclat à la suite de rencontres fortuites. Une des grandes forces du metteur en scène est d’avoir toumjours su s’entourer du meilleur casting possible : de Romain Duris à la révélation Tahar Rahim en passant par Emanuelle Devos, son dernier film ne déroge pas à la règle. Il faut voir la formidable performance de John C. Reilly qui, après le risible Kong Skull Island deviendra au fur et à mesure le vrai héros de cette odyssée. Il alterne parfaitement la composition de ce loser magnifique puis du héros sanguinaire touchant. Riz Ahmed, Jake Gyllenhal et Joaquin Phoenix complètent excellemment le casting.
Audiard filme magnifiquement cette Amérique des plaines perdues et de la ruée vers l’or, l’histoire se déroulant dans l’Oregon, état au nord de la Californie. Il est ici très bien aidé pour la première fois par Benoit Debie, l’habituel directeur de la photographie de Gaspard Noé. On retrouve tous les tics qui sied au western : les saloons, les hommes de mains, les longues traversées à cheval etc. Une fois n’est pas coutume, le metteur en scène a recours à des purs moments humoristiques dans son récit souvent teinté d’ironie. Ainsi, la découverte par Eli de cet instrument nommé « brosse à dent » ou de la chasse d’eau nous laisse toujours présager que ces deux frères sont un peu des bouffons dans un univers impitoyable. Même si le propos n’est pas novateur, on est toujours intéressé par cette période cruciale américaine qui a façonné l’histoire de ce pays et qui résonne encore de nos jours comme l’utilisation des armes, l’argent roi, l’individualisme, le tout dans un univers ultra violent. Le scientifique idéaliste interprété par Riz Ahmed veut croire en l’existence d’une alternative où les maux de la société américaine pourraient se résolver dans une communauté qui prône la tolérance et la fraternité. Cette idéologie très 70’s parcourait déjà certaines personnalités américaines à l’époque du Far West. Peut-on supposer que DeWitt voit son pays le Canada comme l’eldorado ? On est en droit de se poser la question. On notera également l’absence totale de personnage féminin dans cet univers ultra masculin. C’est dans la dernière partie qu’Audiard abandonne totalement l’ironie voir le cynisme de son sujet pour laisser libre court à l’émotion qui manquait tout au long du récit. La mort du cheval d’Eli avec le dialogue qui suit est un moment très émouvant avec ses plans rapprochés sur le visage exténué de John C. Reilly. Chacun prend conscience de sa vie passée, de ses erreurs. Après toutes leurs péripéties mortifères, les frères terribles cherchent une quiétude qui leur paraissait si lointaine et inatteignable. A la différence de beaucoup d’histoire de ce type (ATTENTION SPOILER), les deux frangins s’en sortiront alors que tout les préparait à une mort certaine où les petits cailloux que vous avez semé reviennent comme un boomerang. Cette particularité fait de ce Sisters Brothers une vraie réussite dans la filmographie culte d’Audiard.
Titre Original: THE SISTERS BROTHERS
Réalisé par: Jacques Audiard
Casting: Joaquin Phoenix, John C.Reilly, Jake Gylenhaal, Riz Ahmed…
Genre: Western
Sortie le: 19 septembre 2018
Distribué par: UGC Distribution
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma
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