Critiques Cinéma

INVASION (Critique)

3 STARS BIEN

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SYNOPSIS: Dans un stade mystérieux sur lequel plane un étrange brouillard, un meurtre a eu lieu. Tandis qu’une reconstitution est organisée par la police, le tueur et ses complices mettent en place un autre assassinat. Mais peu à peu, tout ce petit monde semble pris dans une boucle temporelle infernale.

S’il arrive dans une période où se multiplient les films se lançant le défi de n’être constitués que par un seul plan séquence, le troisième film de Maverick Sharam échappe à cette « mode » qui finit par vider de tout son sens ce parti pris de mise en scène. Invasion poursuit en effet les expérimentations formelles de celui que l’on  présente comme le plus talentueux de la nouvelle vague du cinéma iranien et prolonge l’expérience de son second film (Fish And Cats, 2015) déjà composé d’un seul plan séquence, d’autant plus impressionnant qu’il était au service d’un récit dont Maverick Sharam ne cessait de travailler la narration. Dans Invasion, l’ambition formelle rencontre à nouveau  l’ambition narrative d’un récit qui navigue avec les points de vue, les temporalités et les genres, multiplient les jeux de miroirs et le travail sur le hors champs jusqu’au point de rupture au delà duquel on perd le fil et le sens de l’histoire.

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Invasion est une sorte de millefeuille formel et narratif dont les couches successives se dévoilent, se superposent, apportant un éclairage sur les circonstances du meurtre de Saman, à travers la reconstitution dont Ali est à la fois l’acteur principal, comme accusé du meurtre, puis le spectateur. Se présentant comme un thriller en quasi huis-clos, coupé d’un monde extérieur que l’on nous dit ravagé par un mystérieux virus (le Zicka 10), Invasion est en vérité un film transgenre (ce qui fait écho avec sa thématique sous-jacente)  qui navigue aussi bien vers le film post apocalyptique, fantastique mais aussi le film de vampire, Shahram Mokri utilisant la figure du vampire, comme l’avait fait avant elle sa compatriote Ana Lily Amirpour dans A Girl Walks Home Alone At Night.

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Construit autour d’une boucle temporelle , de la répétition d’une même scène dans laquelle Ali est d’abord acteur puis se dédouble pour en être le spectateur, d’un jeu assez vertigineux (même si parfois difficile à suivre) sur le hors champs, sur le dédoublement, le récit part d’un point central duquel on s’éloigne au fur et à mesure des répétitions de scène, sans jamais quitter Ali. Le cadre du film est un gymnase à la structure labyrinthique, sorte de dédale mentale dans lequel déambule Ali, la géographie des lieux faisant écho à la structure du film. Dans ce que le film demande comme lâcher prise et ce qu’il construit, on pense au cinéma fantastique de l’Europe de l’Est, notamment tchécoslovaque et polonais qui sont probablement des influences plus ou moins conscientes d’un cinéaste aussi travaillé par le langage cinématographique depuis ses premiers courts métrages.

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Au delà du fil rouge de ce récit et de l’enquête sur les circonstances du meurtre de Samar et sa véritable identité, par l’ambiguïté entretenue sur les liens entre Ali et lui, sur la sexualité de Saman (surnommé Freddy Mercury par ses coéquipiers), par l’introduction aussi du personnage androgyne de Negar, sa sœur jumelle – qui peut être aussi vue comme un double fictif, une façon de représenter cette ambiguïté et ce qu’elle signifie dans le cadre exclusivement masculin du gymnase – Shahram Mokri interroge ce que signifie la question du genre dans la société iranienne. Comment peut-on affirmer une différence et donc l’accepter dans une société qui dresse des barrières entre ses citoyens, se construit sur un dogme religieux et sur des interdits? Le choix de faire de Saman et de Negar des personnages de vampire au genre sexuel indéterminé est lourd de sens et vaut bien la plus explicite des critiques du pouvoir et de la société iranienne. Face à la grande tradition du cinéma réaliste sur laquelle s’est construit le cinéma iranien,  Shahram Mokri, comme Babak Anvari (Under The Shadow) ou Ana Lily Amirpour, choisi de passer par le genre pour parler de son pays, tout en proposant une stimulante expérience de cinéma qui lui permettra de toucher un plus large public et donc de faire porter son message.

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Titre Original: HOJOOM

Réalisé par: Shahram Mokri

Casting : Abed Abest, Elaheh Bakhshi, Babak Karimi, Behzad Dorani …

Genre: Fantastique, Thriller

Sortie le: 31 octobre 2018

Distribué par: Damned Distribution

3 STARS BIEN

BIEN

 

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