Résumé du livre: Montag est pompier, mais dans cette société futuriste, son rôle tient plus du censeur que du secouriste. Il est en effet interdit de posséder des livres et ceux-ci sont systématiquement brûlés. Il finit pourtant par en voler un et sa vie en sera bouleversée. A quoi serait-on exposé dans un monde où le loisir supplanterait toutes formes d’idées, où l’esprit critique n’éxisterait plus? Telles sont les questions qu’aborde ce grand roman d’anticipation.
Publié quatre ans après le monumental 1984 de George Orwell, Fahrenheit 451 reprend le genre littéraire du roman dystopique inventé le siècle précédent. On y voit une société imaginaire où l’état a pris le contrôle des citoyens les empêchant de penser par eux-mêmes dans le but de faire des citoyens zombies pro consommateurs. Il est intéressant de lire ce livre en 2018 avec l’arrivée de Facebook il y a de ça un peu plus de dix ans. A l’heure où le patron du réseau social vend des millions de données aux multinationales et passe devant le congrès américain pour s’expliquer sur cet énorme dysfonctionnement, Fahrenheit 451 prévoyait parfaitement la période qui allait arriver.
Quoi de plus simple pour un état totalitaire que de supprimer toute histoire et de faire de ses citoyens des consommateurs zombies en contrôlant les contenus. A l’image du personnage de Winston Smith dans 1984, Guy Montag est perturbé par cette situation. Malgré le bonheur naturel que devrait lui procurer cette situation, il se sent de plus en plus isolé dans cette société où le totalitarisme se manifeste par l’absence totale de lecture. L’État brûle volontairement les livres pour éviter la moindre réflexion sur le monde, sur son passé et ses problématiques. Il veut l’anéantissement pur de la pensée. Mais dans une société, aussi contrôlée, la moindre petite étincelle peut perturber cet ordre. Tout d’abord par l’absence totale d’amour qui caractérise le couple que forme Guy avec sa femme Mildred. La machine étatique a réussi à former des couples qui sont étrangers l’un pour l’autre, ne se souvenant même plus de leurs rencontres. Puis par la rencontre avec la mort qui ne peut laisser Guy totalement hermétique.
Ce qui va faire totalement basculer Montag est sa relation avec son supérieur qui reste le personnage le plus complexe du récit. A première vue, le capitaine Beatty est un exécuteur des basses œuvres de l’État (dont on ne voit d’ailleurs aucun visage). Il brûle les livres et les Hommes. Mais ce dernier a une vraie réflexion intellectualisée des choses et de la vie ce qui n’est pas courant dans ce monde sans âme. Pis, il cite des auteurs ce qui laisse penser à un possible traitre à la cause. Dans un dernier acte, on se demande même ce qu’il a vraiment voulu lors d’une ultime confrontation avec Montag.
La puissance de Bradbury est d’avoir su prévoir la puissance de l’image sur l’écrit, la puissance de l’Homme sur l’Homme, l’uniformisation de la pensée (coucou Disney et la télé réalité), l’hédonisme sans contrainte (coucou mai 68 et le flower power), la culture de masse de la future mondialisation et la volonté auto-destructrice de l’Homme. L’auteur pensait qu’il aurait fallu brûler les livres pour interdire la réflexion. Les écrans ont permis de faire cette révolution sans heurts. L’Homme moderne fait constamment face à la publicité durant son quotidien sur son ordinateur, son smartphone et sa télévision. Les grands networks vendent aux marques « du temps de cerveau disponible ». Mais l’Homme aura toujours cette capacité à gommer ces excès et, contrairement au 1984 d’Orwell, la fin du roman rend optimiste la vision du monde de Bradbury.
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