SYNOPSIS : Un père soudain doué de pouvoirs surnaturels tente difficilement de renouer avec sa fille confrontée à une situation dangereuse.
Pour son premier film live, Yeon Sang-Ho avait su investir le genre ultra balisé du film de zombies avec un épatant cocktail de virtuosité dans l’action et de sensibilité dans le traitement des personnages, pour réaliser un film qui fut l’une des excellentes surprises de l’année 2016, véritable bouffée d’air frais dans un été rendu morne par la qualité des blockbusters américains inondant alors nos écrans. Dernier Train pour Busan était à nos yeux un modèle d’équilibre dans le dosage des ingrédients qui font la réussite d’un film d’action qui ambitionne de toucher un large public: le propos, l’émotion et le spectacle ne se parasitent jamais et s’enrichissent mutuellement. C’est donc peu dire que nous étions très impatients de voir Yeon Sang-Ho s’attaquer et, nous l’espérions, apporter du sang neuf à un autre genre dans lequel une certaine lassitude commence à s’installer: le film de super héros.
Dès les premières minutes du récit, il est clair que Psychokinesis se place résolument dans le registre de la comédie super héroïque. Il faut en accepter le ton décalé, les grosses ficelles scénaristiques, les personnages archétypaux et la minceur des enjeux si l’on veut entrer dans le nouveau film de Yeon Sang-Ho, en capter la fréquence, tant elle paraît de prime abord éloignée de celle sur laquelle nous avions réglé nos récepteurs après Dernier Train pour Busan. Il n’est pas question ici de sauver le monde et de combattre une menace surnaturelle mais simplement d’aider des commerçants menacés d’expropriation et harcelés par les hommes de main du grand groupe voulant raser leur quartier. Aux crispations de mâchoire et aux exploits super héroïques, Yeon Sang-Ho préfère la maladresse d’un homme ordinaire, dont le plus difficile des combats est de regagner la confiance de sa fille qu’il a abandonné après avoir quitté sa mère. Ramener le film de super héros à un enjeu « local » et le cantonner dans un registre légèrement décalé n’est pas en soit une mauvaise idée pour peu que le réalisateur parvienne à ne pas se laisser enfermer dans le petit confort douillet de la comédie inoffensive dont on voit tous les fils. Le fait est que Psychokinesis ne parvient malheureusement pas à décoller, à changer de braquet pour être autre chose qu’un petit film sympathique qui nous arrache quelques sourires, fait à peine semblant de tenter de nous émouvoir et sera au final oublié aussi vite que le générique de fin apparaîtra.
Là où Dernier Train pour Busan naviguait dans différents registres pour enrichir son récit et nous entraîner dans un véritable rollercoaster émotionnel, Psychokinesis est de ces films qui reposent sur une seule note d’intention et dont l’intérêt se dissout lentement à mesure que s’égrènent les minutes d’une histoire sans saveur. Que le récit penche vers le mélodrame ou vers l’action il est toujours rattrapé par une incapacité ou peut être plus simplement un refus d’approfondir la personnalité et les motivations de ses personnages. L’émotion sonne creux et l’action se vit en simple spectateur passif quand les situations, les enjeux et les personnages paraissent avoir déjà été vu 100 fois ailleurs. Le scénario semble ainsi tout droit sorti d’un programme informatique laissant le film sur pilote automatique sans que la mise en scène parvienne à réellement nous sortir de notre torpeur.
Avec ce récit d’un père qui au milieu du chaos essaie de se racheter aux yeux de sa fille, Yeon Sang-Ho est certes en terrain connu mais reste au stade de l’esquisse. La relation entre Seok Yehon (Ryu Sung Ryong) et Roo-Mi (Shim Eun-Kyung) ne parvient pas à nous émouvoir, le problème étant que ce père et sa fille ne sont pas dans la communication après une dizaine d’années de séparation et que dans un tel cas la mise en scène et le scénario doivent nous permettre de combler les trous, ce qui n’est absolument pas le cas. Ce qui était le cœur et la valeur ajoutée du Dernier Train pour Busan est ici l’une des plus grandes faiblesses d’un film dont on peine à croire qu’il ait pu être écrit et réalisé par la même personne. Quand dans un film dont le héros a des supers pouvoirs, on ne peut s’attacher véritablement à aucun personnage, ni dans le « camp du bien », ni dans celui « du mal », tous les exploits, les taules froissées d’un simple geste de la main, les sauts de toits en toits, les ennemis éparpillés façon puzzle, ne restent que de simples « cascades » plutôt bien exécutées mais qui n’ont aucun « poids ». Quant au propos sur la critique de la société coréenne, la dénonciation de la corruption de ses grandes corporations et de sa police, pour féroce qu’il soit, il ne s’agit jamais que du xxxxxxème film à le faire, un bon paquet d’entre eux l’ayant fait avec plus de finesse. Notre jugement est peut être sévère mais lorsqu’un réalisateur commence sa carrière par un excellent film, il n’est pas illogique que l’on attende de lui qu’il ne se retrouve pas à réaliser un film aussi générique que Psychokinesis, le genre de film qui est au cinéma ce que la junk food est à la gastronomie.
Titre Original: YEOM LYEOK
Réalisé par: Sang-Ho Yeon
Casting : Ryu Seung-Ryong, Eun-Kyung Shim, Jung-min Park …
Genre: Comédie, Fantastique, Action
Date de sortie: 25 avril 2018
Distribué par: NETFLIX
PAS GÉNIAL
Catégories :Critiques Cinéma
(evilashymetrie) Cette façon d’ancrer le super héros dans le monde très réel, dans une dimension sociale, me rappelle ce que les italiens ont fait l’an passé avec leur très triste (mais très bon) JEEG ROBOT…
très juste, j’ai failli le citer mais j’essaie autant que possible de ne pas avoir l’air de critiquer un film pour en encenser un autre. J’avais adoré Jeeg Robot qui est à mes yeux en tout point plus réussi que ce morne Psychokenesis