Critiques Cinéma

RUE BARBARE (Critique)

3,5 STARS TRES BIEN

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SYNOPSIS : Daniel Chetman, alias Chet, ancien malfrat, est aujourd’hui un homme nouveau et droit. Un soir, alors qu’il rentrait chez lui, il surprend des délinquants en train de violer une jeune chinoise et décide donc de lui porter secours. Les truands appartiennent au gang de Mathias Hagen, avec qui il faisait affaire par le passé. Mathias décide de tirer un trait sur cette histoire mais Daniel, ne supportant la violence qui règne dans son quartier, décide de s’opposer à lui, quoi qu’il lui en coûte.

Il fut un temps où le cinéma français était capable de produire et de distribuer des films de genre aussi mal aimables que contestataires, mettant les deux pieds dans la série B la plus badass dans laquelle les personnages se battent pour s’en sortir à coups de punchlines, de barre de fer et de poings américains. Celui qui découvrirait Rue Barbare aujourd’hui avec en tête les standards actuels du cinéma français en terme de production et de distribution pourrait légitimement penser qu’il s’agit d’une petite série B vouée à l’oubli, sortie au forceps dans quelques cinémas et qui aura au mieux connu un petit succès au moment de sa sortie vidéo. Produit par Les Films de La Tour (L’Argent des Autres, Le Coup de Torchon …), cette adaptation d’un roman de David Goodis, alors auteur en vogue dont Jean Jacques Beneix venait d’adapter un autre roman (Diva) avec le succès que l’on connait, le 3ème film de Gilles Béhat ne se distribua pas sous le manteau, bien au contraire, et fut l’un des grands succès français du box office de 1984 avec plus de 2 millions d’entrées. Avec en tête d’affiche Bernard Giraudeau, star montante du cinéma français, dont la côte a encore grimpé avec le succès de Le Ruffian (José Giovanni, 1983), Rue Barbare s’invitait même, sans rougir, au journal télévisé d’Antenne 2, chose absolument impensable aujourd’hui pour un film français qui préfère les blousons noirs et les coups de boule à la ménagère de moins de 50 ans et aux bons sentiments.

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A la croisée des Guerriers de la Nuit (Walter Hill, 1979) et de Mad Max pour son ambiance quasi post apocalyptique de banlieue que l’État a complètement déserté, dans laquelle la loi du plus fort s’impose à tous dès le plus jeune âge, Rue Barbare, pousse à fond tous les boutons de la série B qui ne regarde pas de haut la série Z. Dans ses dialogues et dans la caractérisation de ses personnages, Rue Barbare n’a pas peur d’aller très loin dans le mauvais goût, jusqu’aux frontières de la vulgarité et du nanar. S’il n’en est pas un et loin de là, c’est qu’il est porté par d’excellents acteurs pleinement investis dans leur rôle et un réalisateur qui connaît suffisamment ses limites pour leur laisser une place absolument centrale et ne pas se prendre pour Walter Hill. Avec sa plongée dans la voyoucratie de cette ville de banlieue offrant une galerie de personnages hauts en couleur, cette demoiselle en détresse enlevée par un bad guy particulièrement sadique et excentrique, au secours de laquelle se lance un ancien sbire du bad guy reconverti en anti-héros/sauveur ultra charismatique, le tout sur la bande originale très rock composée par Bernard Lavilliers, Rue Barbare est de ces films qu’il ne faut pas avoir de pudeur de gazelle à défendre.

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Bernard Giraudeau dont c’est le premier rôle aussi physique interprète ce bad ass (Daniel « Chet » Chetman) en retraite anticipée, la figure classique de celui qui ne voulait pas d’ennuis, cherchait à rompre avec son passe pour mener une petite vie paisible mais qui se retrouve embarqué dans une histoire qui l’oblige à nouveau à laisser parler son grand cœur et ses poings. Il vit avec un père libidineux et sa « belle-soeur », une prostituée délaissée par Rocky Malone (Jean Pierre Kalfon) qui se présente comme une ancienne gloire du rock devenu aujourd’hui toxicomane. Une fois le contexte posé, le film ne s’embarrasse pas de flashbacks et va à l’essentiel, c’est à travers le parcours de Chet et ses retrouvailles avec ceux qu’il a fuit ou abandonnés que l’on en apprend plus sur son passé. Pratiquant déjà les arts martiaux depuis de nombreuses années, Giraudeau s’est spécialement mis à la boxe thaïlandaise plusieurs semaines en amont d’un tournage dans lequel il s’impliquera par ailleurs beaucoup aux côtes de Gilles Béhat, tant dans la réécriture de ses dialogues que dans la mise en scène. Dans des combats à la chorégraphie somme toute assez basique et souffrant d’une mise en scène trop anonyme, il se révèle  étonnamment convaincant, tant il est surprenant et même assez réjouissant de voir le jeune premier, jusqu’ici un peu cantonné à des rôles de beau gosse, balancer des coups de pieds sautés au visage de ses assaillants. Mais il ne faut pas se méprendre, pas plus que son intrigue principale assez classique et typique des ‘ »actionners » des années 80, ce n’est pas pour ses scènes de baston que Rue Barbare a si bien traversé les décennies, mais bien pour ses personnages et le premier degré réjouissant avec lequel les interprètent quelques uns des acteurs les plus charismatiques de cette décennie.

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Le premier d’entre eux est Bernard-Pierre Donnadieu, impressionnant Mathias Hagen, chef du gang des barbares, sadique et fucked up à souhait dont les penchants pédophiles clairement explicités dans des dialogues que l’on imagine très mal pouvoir être tournés aujourd’hui, l’amènent a jeter son dévolu sur l’adolescente asiatique que Chet tentera de sauver. Gilles Béhat joue parfaitement de chacune des apparitions de ce bogeyman déguisé en dandy et fait monter la tension jusqu’à une confrontation finale qui ne fait aucun doute et dans laquelle le spectateur se trouve alors pleinement engagé aux côtés de Chet. Par sa mise en scène et l’interprétation exceptionnelle de Donnadieu, il en fait un petite monarque décadent, terrifiant mais aussi ridicule par certains aspects, ce qui colle complètement avec le ton général du récit qui assume à 200% ses excès, sans une once de cynisme. La galerie de personnages de son petit royaume barbare est à l’avenant avec un formidable homme de main lanceur de couteaux narcissique et obsessionnel, des petits voyous aux surnoms avantageux (Monocouille, Nez de Boeuf…), et des personnages féminins qui ne sont pas en reste, notamment Emma la Rouge (Christine Boisson) aux punchlines mémorables. Au final,  Rue Barbare est le pavillon témoin d’un temps aujourd’hui révolu où le cinéma français « populaire » prenait des risques, frappait sous la ceinture, n’était pas dépendant du bon vouloir de chaines de télévision et de producteurs, qui à force de vouloir toucher un large public produisent et distribuent à la chaîne des films consommés et oubliés comme des produits d’une chaine de fast food.

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Titre Original: RUE BARBARE

Réalisé par: Gilles Béhat

Casting: Bernard Giraudeau, Bernard-Pierre Donnadieu, Jean-Pierre Kalfon,

Christine Boisson…

Genre: Action, Drame

Sortie le : 4 janvier 1984

Distribué par: –

TRÈS BIEN

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