SYNOPSIS: Nord de la France. L’usine d’Hervé est délocalisée. Il est le seul ouvrier à s’y résigner car il poursuit un autre destin : devenir pêcheur et transmettre cette passion à son fils. Banlieue de Tunis. L’usine est relocalisée. Foued, au chômage, pense y trouver le moyen de soigner sa mère, et surtout de séduire la fille qu’il aime. Les trajectoires de Hervé et Foued se ressemblent et se répondent.
D’emblée la photo de Vent du Nord contraste avec ce que le film semble augurer, à savoir un film à la trame sociale forte, où la thématique lourde de la délocalisation va servir de toile de fond pour raconter le parcours d’un ouvrier qui, fort de son envie de se reconvertir, va plier sans se battre, quand ses patrons lui proposent une somme dérisoire pour quitter son poste après 32 ans de bons et loyaux services. Si la première séquence de Vent du Nord (un feu d’artifice auquel assistent le couple Philippe Rebbot-Corinne Masiero) nous donne donc ce sentiment de lumière et de couleurs c’est pour mieux nous prendre à revers et nous raconter avec réalisme le quotidien de ces ouvriers dont l’usine va être délocalisée et dont les uns acceptent la situation quand les autres laissent éclater leur colère. La première partie de Vent du Nord s’inscrit dans la tradition des films sociaux français, au récit aride mais jamais misérabiliste. Bien interprété, sans pathos et avec énergie, on croit sans réserves à cette famille qui ploie mais ne plie pas devant les coups du sort, une famille qui se bat avec ses armes et un père qui se bat avec ses rêves pour offrir un avenir moins sombre qu’il ne se dessine pour son fils.
Ce pourrait être ça et seulement ça Vent du Nord, l’histoire d’une famille en difficultés, du travail que l’on perd, des espoirs que l’on nourrit, de l’énergie que l’on puise en soi pour survivre et ne pas se laisser engloutir par la réalité. C’est d’ailleurs en partie ce qui se déroule sous nos yeux jusqu’à ce que le récit change totalement de braquet et nous fasse quitter la France pour la banlieue de Tunis, où un jeune ouvrier célibataire a trouvé un emploi dans l’usine relocalisée. S’il travaille c’est surtout pour pouvoir aider sa mère malade et séduire la jolie ouvrière qui travaille non loin de lui. Le film, en proposant ce croisement des destins aurait pu verser dans le manichéisme et ne proposer que deux visions lambda des difficultés au travail mais le metteur en scène Walid Mattar évite brillamment cet écueil en offrant au contraire la peinture de deux sociétés en apparence différentes et pourtant si proches dans ce qu’elles mettent comme bâtons dans les roues de ces deux employés. Les deux récits se répondent, reflètent les mêmes peurs, les mêmes situations figées face à des administrations sourdes au désir des hommes et qui se retranchent derrière des textes sans même chercher à aider correctement à la réorientation professionnelle de ces hommes. La réussite du film réside dans ses humeurs paradoxales, souriante et rêveuse lorsque l’on est en France, amoureuse et frustrée en Tunisie et dans sa manière très juste de parler de la froideur de la réalité qui se dresse devant la naïveté de certains désirs.
Les allers et retours entre les deux pays sont parfois un peu abrupts mais trouvent un bel écho crédible et juste à l’issue du film où les protagonistes se croisent sans se voir. Les comédiens justement aident à croire en ce récit. L’humanisme est palpable sur le visage de Rebbot qui excelle autant dans la fantaisie que dans des situations plus tendues et son couple avec Corinne Masiero est totalement crédible et participe à la justesse de l’ensemble. Kacey Mottet Klein qui interprète leur fils est lui aussi très juste, explosif et plein de fougue et le trio fait des étincelles sans jamais surjouer ou appuyer leurs effets. Mohamed Amine Hamzaoui et Abir Bennani sont également très bons et leurs sentiments traversent joliment l’écran. Si l’émotion du film est plutôt diffuse, si certaines situations auraient peut-être méritées d’être exploitées un peu plus en profondeur, l’authenticité et la sincérité du film de Walid Mattar ne souffre aucune contestation et il parle avec cœur des désillusions et des espérances dans le monde d’aujourd’hui.
Titre Original: VENT DU NORD
Réalisé par: Walid Mattar
Casting : Philippe Rebbot, Mohamed Amine Hamzaoui, Corinne Masiero…
Genre: Drame
Sortie le : 28 mars 2018
Distribué par: KMBO
BIEN
Catégories :Critiques Cinéma