Critiques Cinéma

LAST FLAG FLYING (La dernière tournée) (Critique)

4 STARS EXCELLENT

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SYNOPSIS: En 2003, Larry « Doc » Sheperd, un ancien médecin de la Navy, retrouve Sal Nealon, un gérant de bar et le révérend Richard Mueller. Tous les trois ont combattu ensemble au Vietnam mais ils ne s’étaient pas revus depuis trente ans. Larry est venu leur demander de l’accompagner aux funérailles de son fils, mort au combat en Irak et dont le corps vient d’être rapatrié aux Etats-Unis. Sur la route, l’émotion se mêle aux fous-rires car les trois hommes voient leurs souvenirs remonter et ils retrouvent leur camaraderie… 

Peu de réalisateurs américains actuels peuvent se vanter d’avoir su construire une filmographie aussi cohérente que celle de Richard Linklater, dont chaque nouveau film vient écrire un chapitre supplémentaire d’une œuvre qui dessine un portrait doux amer de son pays. Ses films, à l’image de ceux de Hal Ashby, sont de ceux qui derrière leur apparente modestie, leur absence de cynisme, la place faite à des personnages aussi attachants que fragiles, portent un discours extrêmement lucide sur leur époque. Le recul des années permet d’apprécier la pertinence de leur propos, la justesse avec laquelle ils ont saisi le zeitgest de l’époque dans laquelle se déroule leur récit. Leurs films sont un éloge de la simplicité, d’une mise en scène au service de la narration, attentive à faire entrer le spectateur dans le récit, plutôt que de vouloir se signaler par son inventivité. En cela Hal Ashby détonnait en plein essor du Nouvel Hollywood et Richard Linklater fait lui aussi entendre une voix qui dissone dans cette grande industrie du spectacle qu’est devenue le cinéma américain. Avec son nouveau film, cette filiation avec le si précieux cinéma de Hal Hashby est plus que jamais évidente et assumée, Last Flag Flying étant adapté d’un roman de Darryl Ponicsan, auteur du roman dont fut adapté The Last Detail (1973).

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The Last Detail et Last Flag Flying ont en commun d’aborder la guerre par le prisme de la comédie dramatique et du road movie, de ne pas montrer le théâtre de guerre mais le hors-scène, en l’illustrant par le chemin (au sens propre comme figuré) de ses personnages. The Last Detail, à travers le récit de ces 2 marines, en attente d’affectation, chargés d’escorter l’un des leurs jusqu’à la prison de Portsmouth, dénonçait les abus de pouvoir et les injustices au sein de l’armée américaine, alors engagée dans la guerre du Vietnam. D’une guerre à une autre, Last Flag Flying parle du deuil d’un vétéran du Vietnam dont le fils a été tue pendant la guerre en Irak. Au delà, en se retournant sur cette guerre, comme le fit également Hal Ashby avec la guerre du Vietnam dans Le Retour (1976) Richard Linklater traite de la question du sens de l’engagement et du sacrifice de ces jeunes soldats que l’armée érige en héros pour ne pas que l’opinion se retourne contre elle.

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Cinéaste de l’enfance et du début de l’adolescence (Boyhood), du passage à l’âge adulte (Dazed and Confused, Everybody Wants Some), de la confrontation avec les difficiles réalités d’une vie affective et professionnelle matures (la trilogie Before Sunrise/ Sunset/ Midnight), Richard Linklater s’aventure dans un territoire inconnu avec ce récit mettant en scène trois hommes, la cinquantaine passée. Sal (Bryan Cranston), Richard (Laurence Fishburne) et Larry (Steve Carell) sont toutefois, eux aussi, à un moment charnière de leur vie, rattrapés par leur passé matérialisé par le retour de l’un d’entre eux, venu chercher le soutien de ses anciens compagnons d’arme, pour accompagner son fils jusqu’à sa dernière demeure. Chacun a pris des chemins très différents depuis son retour du Vietnam et Linklater utilise ces différences comme ressort comique et dramatique du film, sans pour autant enfermer ses personnages dans leur archétype de départ (la vertu: Richard le pasteur, le vice: Sal le propriétaire de bar, la raison: Larry ). Chacun d’entre eux va évoluer, s’ouvrir ou s’apaiser au contact l’un de l’autre et face à l’épreuve que traverse Larry et les obstacles que l’armée dresse sur sa route.

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On retrouve la bienveillance habituelle de Richard Linklater pour ses personnages, sa foi en l’humain au delà des systèmes dans lesquels on cherche à l’enfermer. Ses trois vétérans se sont affranchis de l’armée, de son autorité, pour s’accomplir en tant qu’hommes et prendre du recul sur le sacrifice qu’elle impose à ses troupes et leur famille. Linklater prend autant le temps d’explorer les rapports entre eux, la dynamique de leur relation et leur évolution qu’il s’attache au fil rouge de ce récit: l’enterrement du fils de Larry, la confrontation avec son état major, lequel voit d’un très mauvais œil que le corps puisse être transporté et enterré dans un cimetière civil. Le film est ainsi parcouru d’éléments disruptifs, Last Flag Flying étant aussi le récit de trois amis qui se retrouvent, partagent leurs souvenirs et se reconnectent avec les jeunes hommes qu’ils ont été. Le chemin qu’ils empruntent pour accompagner leur ami et lui permettre d’enterrer son fils est aussi un chemin personnel, un retour en arrière salutaire pour avancer dans leur vie.  Comme chez Hal Ashby, ce mélange de mélancolie, de légèreté au sein d’un récit traitant de thématiques dramatiques peut paraître en amoindrir la portée et certaines scènes être vues comme d’inutiles digressions. Pour peu que l’on capte la fréquence particulière sur laquelle émet Richard Linklater, que l’on soit sensible à l’humeur de ses films, ces  digressions seront plutôt perçues comme des échappées. Lorsque le récit se met en pause pour s’attarder sur Paul, Larry et Sal le temps d’une soirée, de l’achat d’un téléphone portable (le film se passe en 2003), ce sont à nos yeux des moments pendant lesquels le film va chercher quelque chose de plus intime dans les personnages, dans leur rapport au monde, aux évolutions de la société.

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Si les acteurs sont au centre du cinéma de Richard Linklater, il ne va pas chercher leur performance mais plus une forme de vérité et d’abandon, comme le faisait Hal Ashby avec des géants de la trempe de Jack Nicholson, Bruce Dern, Jane Fonda, Jon Voight et évidemment Peter Sellers, absolument inoubliable dans Being There (1979). Devant la caméra de Linklater, Steve Carell confirme ainsi sa sensibilité d’acteur dramatique, quand Bryan Cranston enfile un costume sur mesure lui permettant d’exprimer à la fois son extravagance et sa capacité à émouvoir en un seul regard. Il est certainement l’un des acteurs américains ayant la palette de jeu la plus large et il faut espérer que ce magnifique rôle en appelle encore beaucoup d’autres, à la hauteur de son talent jusque là mal exploité. Laurence Fishburne est au diapason de ses partenaires mais s’il est plus en retrait, les enjeux de son personnage étant moins grands dans la mesure où il est celui qui la vie plus stable. Si son propos est actuel, Last Flag Flying, dans son rythme, sa narration et sa direction d’acteurs est un objet assez insolite dans le cinéma américain, peut être un peu désuet ou dirons nous plutôt hors du temps. Il pourra vous laisser au bord de la route ou, comme nous, vous emporter et vous faire vivre l’une des premières grandes séances de cette nouvelle année.

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Titre Original: LAST FLAG FLYING

Réalisé par: Richard Linklater

Casting : Steve Carell, Bryan Cranston, Laurence Fishburne

Genre: Drame, Comédie

Sortie le: 17 janvier 2018

Distributeur : Metropolitan FilmExport

4 STARS EXCELLENT

EXCELLENT

 

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