Critiques Cinéma

LES FLICS NE DORMENT PAS LA NUIT (Critique)

4,5 STARS TOP NIVEAU

SYNOPSIS: De nouvelles recrues font leur entrée dans un commissariat de Los Angeles, parmi lesquelles Roy Fehler, étudiant en droit entré dans la police pour subvenir aux besoins de sa famille. Il fait équipe avec Andy Kilvinski, vieux briscard engagé dans la police depuis 23 ans, qui lui apprend toutes les ficelles du métier. Roy devient vite accro à la rue et à ses dangers, et délaisse peu à peu ses études et sa famille…

Les films américains mettant en scène des policiers ont beau être légion et en avoir fait des personnages inscrits dans l’imaginaire de tous les amateurs du cinéma américain, très peu de films les ont mis en scène dans leur quotidien, se sont intéressés à ce qu’ils sont en tant qu’hommes, leur place dans la société, et non uniquement l’enquête autour de laquelle s’articule le scénario. Des films comme Serpico (1973) et le Prince de New York (1981), même s’ils offrent un vrai point de vue sur la police, ses mœurs et ses fonctionnaires, s’articulent autour d’un cas particulier, d’une enquête qui tient lieu de fil rouge. La grande singularité du scénario de The New Centurions et tout son intérêt est d’avoir choisi d’embrasser les codes du « film de bureau » et du drame, plutôt que de se reposer sur une enquête autour de laquelle s’articulerait le récit. Les missions quotidiennes, les rapports entre les personnages, leur vocation, leur vie privée, sont le cœur du film qui déjoue les attentes, opte pour une approche plus documentaire et intime que spectaculaire et ne craint pas de montrer ces policiers sous un jour favorable, dans un refus salutaire de tout sensationnalisme. Roy (Stacy Keach), Gus (Scott Wilson), Sergio (Erik Estrada) ne sont pas des disciples de l’inspecteur Harry mais des cols bleus dont le bureau est la rue. Ils se sont engagés plus par nécessité que par vocation, pour payer leurs études ou même sortir de la délinquance. De jour comme de nuit, ils patrouillent dans les rues de Los Angeles pour y maintenir l’ordre et venir en aide à leurs concitoyens. Dévoués à leurs missions et conscients d’être les mal aimés de la cité, ils sont, comme le dit Roy à Kilvinsky (George C. Scott), les nouveaux centurions, descendants de ceux qui protégeaient l’empire Romain.

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L’adaptation du best seller éponyme de Joseph Waumbaug qui était alors sergent au sein de la police de Los Angeles a été confiée à Richard Fleischer, couteau suisse du cinéma américain, capable de mettre son talent de metteur en scène au service de tous les genres. Avant ce film, il réalisa aussi bien des films noir au début de sa carrière à la fin des années 40 (Bodyguard, Le Traquenard, L’énigme du Chicago Express …) que de grands films d’aventures (20 000 Lieues sous les Mers, Les Vikings…) des comédies (Sacré Printemps) et des films de science fiction (Le Voyage Fantastique). Richard Fleischer est de ces réalisateurs qui sont d’excellents faiseurs, expression devenue aujourd’hui péjorative mais qui en l’occurrence est une qualité rare et précieuse. Il ne se définit pas par rapport à un genre et des thèmes récurrents mais dans la façon dont il envisage la narration, le rythme de ses films et le traitement de ses personnages. Sa mise en scène s’attache ainsi ici à trouver une vérité quasi documentaire, celle du territoire, la rue, où évoluent ces policiers. Pour reprendre la formule employée par Joseph Waumbaug , The New Centurions ne s’intéresse pas tant à ce que font les policiers dans la rue, qu’à l’effet qu’elle a sur eux. Par sa mise en scène captant l’énergie de la ville, son de cette jungle urbaine dans laquelle ils évoluent et son effet sur eux, Richard Fleischer, sans effets ostentatoires, sans maniérisme, sert totalement son propos. On retrouve dans The New Centurions la précision de sa mise en scène, jamais démonstrative, Fleischer n’étant pas un grand formaliste, mais un technicien qui se met au service de son récit. Par exemple, lors d’une scène de fusillade, là ou d’autres réalisateurs auraient cédé au spectaculaire et cadré l’action, son parti pris est de rester collé à son personnage, à ce qu’il perçoit et ressent.

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Au cœur du film et de ce groupe de policiers, se dessine la relation entre Roy et Kilvinsky, lesquels se construisent en miroir l »un de l’autre. Le jeune policier n’envisageant pas encore de faire carrière une fois payée ses études, apprend son métier et se découvre une vocation au contact du policier pour lequel la rue n’est plus seulement un bureau, mais une seconde maison. Kilvinsky se retrouve en Roy et lui enseigne ce que la rue lui a appris et qu’il appelle les lois de Kilvinsky. Le schéma est classique mais l’interprétation de Stacy Keach et George C. Scott rend palpable ce qui se passe entre eux.  Leurs destins croisés, dressent aussi en creux un portrait de la société américaine du début des années 70, de ses transformations économiques et morales, Kilvinsky étant le représentant de l’ancien temps, mu par une vocation profonde et un idéal de justice.

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D’avantage qu’une page qui se tourne, son départ à la retraite résonne comme la fin d’une époque et un retour impossible à une vie pour laquelle il n’est pas fait. Tout est dit dans un magnifique plan saisissant la mélancolie et la tristesse qui le gagne alors que, revenu rendre visite à ses anciens collègues, il reste seul, sur le parking, à regarder leurs voitures s’éloigner. Tout le propos du film s’incarne ici en un seul plan. grâce au regard et à la sensibilité de Richard Fleischer. Tout au long de sa filmographie, si éclectique, s’il y a quelque chose qui ressort,  c’est l’attention qu’il porte à ses personnages, à leur milieu social, leur quotidien, y compris lorsqu’il dresse le portrait d’un serial killer, dans l’un de ses chefs-d’œuvre, 10 Rillington Place, réalisé 2 ans avant The New Centurions. Par ailleurs, pour rendre compte de la place de plus en plus importante que son métier va prendre dans la vie de Roy, Richard Fleischer use des ellipses. Qu’il s’agisse d’événements privés douloureux ou heureux, ou même de drames survenant au cours d’une mission, le récit évacue les lendemains de souffrance ou les jours heureux, avance et ramène systématiquement ses personnages dans la rue, dans leurs nouvelles missions.  En s’éloignant des représentations alors en vogue dans le cinéma des années 70 et en montrant des policiers qui ne sont ni des justiciers, ni corrompus, Richard Fleischer signe un film passionnant, un grand drame humain et social, dont il ne faut pas négliger l’influence sur bon nombre de séries qui ont ensuite inondées les écrans.

Titre Original: THE NEW CENTURIONS

Réalisé par: Richard Fleischer

Casting : Stacy Keach, George C. Scott, Jane Alexander, Erik Estrada …

Genre: Policier, Drame

Sortie le: 11 janvier 1973

Sortie le : 9 novembre 2016 en DVD et Blu-Ray

Distribué par: Carlotta Films

4,5 STARS TOP NIVEAU

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