Critiques Cinéma

3 BILLBOARDS, LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE (Critique)

4,5 STARS TOP NIVEAU

SYNOPSIS: Après des mois sans que l’enquête sur la mort de sa fille ait avancé, Mildred Hayes prend les choses en main, affichant un message controversé visant le très respecté chef de la police sur trois grands panneaux à l’entrée de leur ville.

Trois panneaux abandonnés perdus au bord d’une route déserte noyée dans le brouillard, voilà le seul espoir qu’il reste à Mildred, dans lequel elle va investir ses économies pour enfin se faire entendre et obtenir justice pour la mort de sa fille. Trois panneaux dont plus personne ne veut et que plus personne ne voit depuis la construction de l’autoroute qu’empruntent désormais les automobilistes souhaitant se rendre à Ebbing. C’est sur ce plan chargé de sens qui fait écho à ce que traverse Mildred, abandonnée à son deuil impossible et son chagrin, que s’ouvre le quatrième film de Martin McDonagh, s’aventurant dans des territoires qu’il avait déserté depuis son formidable court métrage Six Shooter. Il y est en effet question de deuil, de résilience et de solitude, sans que cela n’enferme le film dans le drame lacrymal et encore moins le pathos alors que, sur le papier, Martin McDonagh jongle avec des matières hautement inflammables. Il y a plus de drames dans la vie des personnages de 3 Billboards que dans bon nombre de films qui ambitionnent de vous terrasser d’émotion. Seulement Martin McDonagh est un formidable alchimiste qui manie les ruptures de ton, le cynisme et l’humour noir avec une maestria qui fait que son film s’élève haut, très haut et va loin, beaucoup plus loin que ne semblaient l’indiquer son pitch et les premières bandes annonces.

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Mildred Hayes (Frances McDormand) est une mère qui aujourd’hui ne vit plus que pour sa défunte fille et la recherche de l’identité de celui qui l’a sauvagement assassinée. Séparée de son mari violent qui l’a quitté pour une fille de 19 ans, elle vit seul avec son fils, dans l’impossibilité de faire son deuil, ce dont elle tient pour responsable la police d’Ebbing, raciste et incompétente, dont l’enquête n’a menée nulle part depuis 9 mois. Si la Mildred du chef-d’œuvre de Michael Curtiz (Le Roman de Mildred Pierce, 1945) était prête à tout pour assurer le bonheur de sa fille, Mildred Hayes est elle prête à tout pour que la vérité soit faite sur la mort de sa fille et que justice soit rendue. A l’instar de Mildred Pierce tout glisse sur elle quand il s’agit de sa fille et personne ne saurait se mettre en travers de son chemin. Peu lui importe l’opinion de la population, les leçons de morale d’un prêtre s’invitant chez elle pour la raisonner, Mildred Hayes est une femme qui se bat de toutes ses forces pour rester debout et trouver le chemin d’une résilience impossible. Pour peu qu’il faille encore accorder du crédit à ces cérémonies, l’interprétation fantastique de Frances McDormand, dont c’est ici à nos yeux le plus grand rôle, devrait lui permettre d’aller chercher son deuxième oscar sur la scène du Kodak Theatre. La palette d’émotions sur laquelle elle joue permet d’explorer toute la complexité et la douleur de cette mère au verbe haut, cassante et déterminée mais brisée de l’intérieur. Mildred est le premier grand personnage féminin de la filmographie jusque là très masculine de Martin McDonagh. Pour un essai c’est assurément un coup de maître puisqu’il a écrit l’un des plus beaux personnages féminins que l’on ait pu voir dans le cinéma américain depuis des lustres, quand les grands rôles offerts aux femmes de plus de 40 ans sont par ailleurs si rares.

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Le scénario et la mise en scène de Martin McDonagh trouvent un équilibre miraculeux entre cette trame dramatique, à laquelle se grefferont d’autres drames individuels, et le pastiche de la ruralité américaine. 3 Billboards nous fait en effet passer du rire aux larmes, nous cueille, à chaque fois, par la sincérité avec laquelle il parvient à parler de sujets aussi lourds dans un cadre souvent burlesque. Le rire naît de l’absurdité de certaines situations, du tempérament des personnages, pour certains particulièrement bas du front et de dialogues contenant leur lot de headshots et de répliques cultes. Avant de passer au cinéma et d’être oscarisé pour son premier court métrage, Martin McDonagh était un auteur de théâtre à succès, pastichant dans ses pièces la ruralité de l’Irlande où il a grandit et évoquant déjà, avec la même sensibilité et le même humour, des sujets que l’on retrouve dans 3 Billboards. De sa formation de dramaturge, Martin McDonagh a aussi développé un grand respect et une grande attention, rares aujourd’hui dans le cinéma américain, pour le travail avec les acteurs auxquels il pense par ailleurs dès l’écriture. Il n’est ainsi pas surprenant de le voir faire appel à des acteurs qui ont eu une expérience à Broadway et notamment deux acteurs avec lesquels il a travaillé sur son précédent film : Woody Harrelson (Willoughby) et surtout Sam Rockwell (qui interprète Dixon et ne mérite pas moins d’éloges que Frances McDormand) qu’il dirigea même au théâtre pour la pièce A Behanding in Spokane (2015).

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Dans le scénario comme dans l’interprétation des acteurs, 3 Billboards explore la complexité et les ambiguïtés de personnages qui à priori, au début du récit, se présentent comme des archétypes (Dixon le flic brutal et raciste, Willoughby le shérif indifférent/incompétent, Mildred la mère endeuillée pleine de rage et de rancœur). Si Mildred cherche la vérité sur la mort de sa fille, Martin McDonagh cherche la vérité de ses personnages, cette fêlure qui n’apparaît pas au premier abord, l’humanité derrière l’outrance, la rage et parfois même la violence. Ils existent ainsi au delà de leur fonction dans le récit et des thèmes qu’ils permettent d’aborder. La découverte de l’identité du tueur tient lieu ici de McGuffin, c’est le point de départ du récit, ce qui anime Mildred et l’amène à s’opposer aux autorités, c’est aussi ce que l’on suppose être son point d’arrivée, mais la grande réussite de 3 Billboards est de  nous intéresser davantage au chemin qu’au but poursuivi. Comme la plupart des spectateurs, nous pensions aller voir une comédie noire et nous sommes sortis en ayant vu un très grand film, émouvant, subtil, porté par des acteurs au sommet de leur art, excellemment dirigés, donnant vie à des personnages qui nous resteront longtemps en mémoire.

Titre Original: THREE BILLBOARDS OUTSIDE EBBING MISSOURI

Réalisé par: Martin McDonagh

Casting : Frances McDormand, Woody Harrelson, Sam Rockwell …

Genre: Drame, Comédie

Sortie le: 17 Janvier 2018

Distribué par: Twentieth Century Fox France

4,5 STARS TOP NIVEAUTOP NIVEAU

 

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