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ROOM 104 (Critique Saison 1) Singulier et virtuose mais difficilement accrocheur

SYNOPSIS: La chambre #104 d’un motel américain cache bien des histoires. Certaines sont drôles ou grotesques, d’autres tragiques et terrorisantes. Entre ces murs impersonnels, les secrets d’une galerie de locataires d’un soir sont bien gardés puisque personne ne les voit… sauf nous, spectateurs. Une baby-sitter en charge d’un enfant étrange, un père de famille rongé par la culpabilité, un aspirant écrivain en pleine lutte téléphonique avec sa mère, un couple sulfureux, un gourou et son adoratrice, tous trouvent refuge ici, le temps d’un épisode.

Vous êtes-vous jamais demandé ce que les murs d’une chambre d’hôtel auraient à dire s’ils pouvaient parler ? Si la réponse est oui, vous serez ravi d’apprendre que Room 104, la dernière création de Mark et Jay Duplass se penche sur ce problème épineux avec tout l’émoi d’un étudiant de cinéma de première année (quoiqu’avec beaucoup plus de savoir-faire). Les frères Duplass, qui ont monté leur maison de production en 1996 juste avant la sortie de leur premier film Connect 5, se font un nom avec leurs comédies douce-amères, un peu mélancoliques et parfois légèrement abstraites, dans la lignée de Safety Not Guaranteed, leur premier grand succès critique en 2012, ou du charmant Adult Beginners sorti en 2014. En 2015, le duo se lance, comme toute âme créative qui se respecte, dans l’aventure télévisée et lance Togetherness sur HBO, petite série sans prétention qui séduit énormément la critique avec un score de 93% sur Rotten Tomatoes pour la première saison. Hélas, le public lui, ne suit pas et Togetherness est annulée à la fin de sa deuxième saison. Les frères Duplass font le deuil, se regroupent, et font cette année leur retour sur nos petits écrans avec Room 104, une série d’anthologie sans fil conducteur narratif mais respectant l’unité de lieu si chère aux tragédies de Racine.

Chaque épisode de Room 104 est une histoire à part, qui s’applique à nous donner un aperçu trente minutes dans la vie des différents locataires. La plupart des gens ne restent pas très longtemps dans leurs chambres d’hôtel, ce qui fait qu’on ne passe pas beaucoup de temps avec nos personnages. Le premier épisode tourne autour d’une babysitter et de l’enfant qu’elle doit garder, le troisième sur une femme vivant une expérience spirituelle assez intense avec un gourou, le cinquième sur un jeune auteur au téléphone avec sa mère, etc. Pas de continuité d’un épisode à l’autre, si ce n’est que toutes ces histoires se déroulent au même endroit : la chambre 104 d’un motel miteux au fin fond des États-Unis. Un exercice de style qui fascinera sans doute les passionnés du cinéma et avec lequel les deux frères se sont visiblement beaucoup amusés. On exploite l’espace, la luminosité grâce à la photographie de Doug Emmett, la « chorégraphie » de la caméra, limitée dans ses mouvements par les contraintes de la chambre et, comme dans toutes les productions Duplass, la musique, ici composée par Julian Wass. Room 104 est davantage une étude de style qu’un tour de force scénaristique, ce qui ne veut pas forcément dire que les scripts soient mauvais, même s’ils sont clairement secondaires. Le but principal de la série est de créer un univers différent pour chaque épisode, rehaussant l’individualité de chaque tranche de vie pour offrir au spectateur des échantillons d’intrigue et des esquisses de développement qui n’iront pas forcément très loin, ce qui, en toute honnêteté, marche plus ou moins bien selon les épisodes. Le manque de structure peut être une merveilleuse catalyse créative mais à la télévision, il a tendance à fatiguer. C’est la raison pour laquelle certaine séries hyper structurées (comme NCIS ou Grey’s Anatomy) en sont à leurs quinzième et treizième saison respectivement, tandis que d’autres séries, indéniablement plus originales, perdent leurs spectateurs en quelques épisodes.

L’originalité est en quelque sorte la marque de fabrique des frères Duplass et le fait est qu’avec Room 104, ils s’inscrivent droit dans la ligne qu’ils ont déjà tracée. Reste à voir comment le public réagira à cet espèce d’ovni qui, s’il est clairement intelligemment fait, conceptuellement intéressant et techniquement irréprochable, manque un peu de cette magie qui fait que l’on en redemande. Singulier ? Indubitablement. Virtuose ? Absolument. Accrocheur ? Pas sûr…

Crédits: HBO / OCS

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