J'ai quelque chose à vous dire...

J’ai quelque chose à vous dire… Victor Lanoux (Hommage)

Cher Monsieur Lanoux

Je viens d’apprendre avec tristesse que vous veniez de rejoindre les étoiles. Cela me cause une peine immense et pourtant nous ne nous connaissions pas, mais c’est le privilège d’un spectateur avec les comédiens qu’il aime, ils font partie de sa vie, s’y lovent dans un coin et reviennent à intervalles réguliers faire une apparition dans cette zone aujourd’hui orpheline: le cœur. Vous étiez, aussi loin que je m’en souvienne, un de ces visages familiers qui apparaissait sur l’écran de mon imaginaire, un de ces acteurs à la gouaille inimitable que l’on ne parvenait pas à mettre dans une case. Vous pouviez être charmeur et charmant puis en une fraction de seconde exploser de fureur ou devenir la pire des ordures, vous embrassiez la comédie et le drame d’un même mouvement, sans chercher à travestir vos vérités. Vos masques d’artiste laissaient entrevoir vos fêlures, car vous étiez à chaque fois à hauteur d’homme, et c’est pour ça que je vous aimais autant.

Pour moi comme pour des millions de gens vous êtes bien évidemment rattaché au Bouly de Un éléphant ça trompe énormément et de Nous Irons tous au paradis, ce macho au cœur tendre qui pouvait être aussi veule qu’attachant. Avec vos trois compères vous m’avez arraché autant de larmes que de rires et je ne me lasse jamais de vous revoir dans ces deux films si chers à mon cœur. Avec Bouly vous avez fait transpirer toute l’humanité dont vous étiez capable que ce soit dans cette scène où à travers la vitre d’une brasserie vous regardez Claude Brasseur tout casser en riant aux larmes ou celle où Guy Bedos qui vient d’apprendre la mort de sa maman vous frappe sur le torse avant de fondre en larmes dans vos bras en passant par le « tes ailes de géant elles t’empêchent pas de marcher » asséné à Brasseur sur le court de tennis au mythique « elle a la maison, les mômes, son transistor, 38 piges, j’aime pas les formules mais c’est une femme heureuse ». Bouly je l’aime pour toujours, il fait partie intégrante de ma vie de cinéphile mais de ma vie tout court. C’est aussi en grande partie grâce à lui que votre place dans mon cœur ne s’est jamais démentie.

Mais comme ce serait réducteur (malgré ce que font déjà bon nombre de médias) de vous réduire à vos derniers rôles à la télévision, ça le serait de ne parler de vous en ne mentionnant que ce personnage. Car c’est votre talent à jouer sur tous les tons toute les facettes de l’humanité que votre carrière a été si riche et que vous avez marqué de votre empreinte une certaine idée d’être comédien. J’aime aussi me rappeler de vos rôles dans le délicieux Cousin, cousine de Jean-Charles Tacchella (1975) aux côtés de Marie-Christine Barrault, qui vous avait valu une nomination pour le César du meilleur acteur, de votre personnage abject de Lardatte dans Adieu Poulet où vous rivalisiez de duplicité face à l’incorruptible Lino Ventura, de ce Martial Gaulard que vous jouiez avec gourmandise dans La Carapate de Gérard Oury aux côtés de votre complice Pierre Richard avec qui vous aviez formé un inoubliable duo de cabaret. En me repenchant sur votre filmographie, je repense aussi à l’un des premiers films de Jean-Marie Poiré, Retour en force, à Un moment d’égarement de Claude Berri, à Y’a t-il un français dans la salle? de Mocky, au Louisiane de Philippe De Broca ou à vos passages chez Bernie Bonvoisin. Et évidemment à vos personnages plus troubles, peut-être moins accessibles dans Canicule d’Yves Boisset, Les Chiens d’Alain Jessua, Un dimanche de flic de Michel Vianey

J’ai le cœur lourd de vous voir tirer ainsi votre révérence. Fort heureusement, comme vous étiez un acteur majuscule, vous resterez pour toujours dans nos mémoires et puis comme Nous irons tous au Paradis et que vous avez rejoint les étoiles vous continuerez de briller encore longtemps. Bonne route monsieur Lanoux.

Votre dévoué Fred Teper

Un éléphant ça trompe énormément / Nous irons tous au paradis (Critique)

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