Critiques

GILMORE GIRLS: Une nouvelle année (Critique) Une magnifique lettre d’amour à la vie de tous les jours

5 STARS CHEF D'OEUVRE

gilmore_girls_a_year_in_the_life_ver6

SYNOPSIS: Trois générations de femmes Gilmore font face au changement et à la complexité des liens familiaux qui les unissent pendant une année à Stars Hollow.

Dans la famille des séries cultes, on demande les filles Gilmore. Diffusée pendant sept ans (2000-2007) sur la chaîne WB (qui deviendra la CW en 2006), la série d’Amy Sherman-Palladino fut injustement boudée en France (et diffusée quasi exclusivement sur Gulli) jusqu’à ce que France 4 ne la diffuse en intégralité à partir de janvier 2008, autrement dit, après la fin de la série aux États-Unis. C’est bien dommage d’ailleurs, car pour un public qui apprécie généralement les répartie spirituelles de Sacha Guitry ou Michel Audiard, on aurait pu penser que les français tomberaient raide dingues du style Sherman-Palladino, mélange d’obscures références littéraires et de jeux de mots improbables dans la grande lignée des screwball comedies américaines. La créatrice est en effet une lectrice vorace et une grand fan de théâtre et n’a pas hésité une seule seconde à bourrer son script de citations de Proust, Beckett et Tolstoï, débitées à toute allure et avec un énergie folle, rehaussant des dialogues en or massif qu’on ne pourrait confondre avec aucune autre série sur les ondes. Et si Amy Sherman-Palladino travaille principalement avec son mari Daniel Palladino pour écrire, réaliser et produire sa série, elle a aussi donné leur premier job à nombre de scénaristes qui comptent aujourd’hui parmi les voix féminines les plus innovantes de la télé. Pour vous donner quelque exemples, la liste comprend notamment Jane Espenson (la grande dame de la science fiction, qui a contribué à Buffy, Battelstar Galactica, Game of Thrones, on en passe et des meilleures), Jenji Kohan (créatrice de Weeds et Orange is the New Black), Jenny Snyder Urman (Jane The Virgin), Janet Leahy (Mad Men) et Sheila Lawrence (Ugly Betty, Devious Maids). La qualité des scripts est absolument époustouflante pendant six ans mais prend un douloureux coup en 2006 lorsque la CW décide de virer Amy Sherman-Palladino de sa propre série. Le scénario en pâtit, les parts d’audience aussi, et un an plus tard, c’est le clap de fin pour une série qui, malgré son parcours compliqué, restera à jamais gravée dans le cœur de toute une génération.

gilmore-girls-une-nouvelle-annee-1-cliff-and-co

C’est Netflix qui reprend la série. Le géant américain qui s’est fait un nom grâce à la qualité de ses séries originales (House of Cards, Orange is the New Black, Master of None), prend aussi l’habitude de faire revivre les séries cultes, adorées par les fans et plus ou moins injustement annulées par les chaînes. Il y a avait eu une nouvelle saison d’Arrested Development en 2013, Wet Hot American Summer en 2015 et cette année, Gilmore Girls. Amy Sherman-Palladino est connue pour sa plume, certes, mais également pour être une créatrice qui aime avoir les commandes. Elle et son mari écrivent, produisent, réalisent, mais font également énormément attention à la cinématographie, la lumière, les costumes, et surtout, ne plient pas facilement face aux exigences de Warner Bros. C’est cette tension entre créateur et compagnie qui a fait qu’en 2006, la chaîne alors en plein milieu d’un changement de management et d’une sérieuse restructuration, décide de se séparer de Sherman-Palladino. C’est une déception pour les fans bien sûr, qui ne font que vaguement attention à la nouvelle saison, mais c’est également une déception pour la créatrice qui ne cache pas que le grand final de Gilmore Girls n’est pas du tout celui qu’elle avait imaginé. Elle affirme avoir écrit les quatre derniers mots de la série au tout début de l’aventure et fulmine de voir le mot « FIN » s’étaler sur l’écran alors que les quatre mots magiques n’ont pas été prononcés. Le deal avec Netflix est donc l’occasion de raconter l’histoire qu’elle voulait raconter et pour nous de savoir, enfin, après presque dix ans d’absence et de longues années à faire le deuil, quels sont ces mots si mystérieux.

gilmore-girls-une-nouvelle-annee-2-cliff-and-co

Lorelai Gilmore (Lauren Graham), jeune femme née dans le milieu aisé et extrêmement codifié de la grande bourgeoisie américaine a eu le mauvais goût de tomber enceinte à l’âge de seize, détruisant au passage tous les plans que ses parents Emily (Kelly Bishop) et Richard (Edward Herrmann) avaient fait pour son avenir. Lorelai quitte la maison parentale et accouche d’une petite fille, Rory (Alexis Bledel) qu’elle décide d’élever toute seule, ayant refusé d’épouser le père Christopher (David Sutcliffe) malgré la pression des adultes. Seize ans plus tard, alors que la série commence, Lorelai est le manager d’un charmant petit hôtel de campagne et rêve d’ouvrir un jour son propre établissement avec son amie Sookie (Melissa McCarthy), actuellement en charge des cuisines de l’hôtel. Lorelai et Rory se sont installées à Stars Hollow, une petite ville peuplée de personnages sortis tout droit d’un film de Fellini. Y habitent entre autres Luke (Scott Patterson), le propriétaire du diner qui est toujours là quand on a besoin de lui, Lane (Keiko Agena) et sa mère qui tient un magasin d’antiquités, seules coréennes dans cette partie paumée du Connecticut et Taylor (Michael Winter), maire de la ville et propriétaire du supermarché. Lorelai s’est créée une vie confortable et chaleureuse et s’il n’y avait pas le fait que sa fille Rory est une élève brillante avec des vues sur Harvard, Lorelai aurait parfaitement pu passer le restant de ses jours à l’écart de ses parents. Mais quand Rory est acceptée dans une école privée super-exclusive, super-compétitive et super-chère, notre protagoniste se voit forcée de renouer avec Richard et Emily, ce qui fait remonter toutes les vieilles rancunes à la surface et rouvre les anciennes blessures.

gilmore-girls-une-nouvelle-annee-3-cliff-and-co

Toute l’équipe originale est de retour : Amy Sherman-Palladino, bien sûr, les Gilmore Girls Lauren Graham, Alexis Bledel et Kelly Bishop, mais également les rôle secondaires et tertiaires ; tout le monde a dit oui, même Jared Padalecki, pourtant très occupé avec sa propre série Supernatural et Melissa McCarthy. comédienne la plus bankable du box-office US et sans doute caméo le plus cher de l’histoire de Netflix. La seule personne manquante est Edward Hermann, père de Lorelai, mort il y a deux ans d’une tumeur au cerveau. A Year In The Life, reprend l’histoire plusieurs années plus tard, alors que Rory a trente-deux ans et une vie bien à elle et nous entraine, au cours de quatre épisodes d’une heure et demie, au travers des saisons de Stars Hollow. La série se penche sur la mort de Hermann avec beaucoup d’émotion et de délicatesse, mais également sur la relation compliquée de Lorelaï avec sa mère, sur les maux des jeunes professionnels d’aujourd’hui, et sur l’effort constant que chacun doit faire pour trouver son bonheur. Candide disait qu’il fallait cultiver son jardin et Gilmore Girls acquiesce de tout cœur. Sous ses dehors de boîte à bonbon et ses répliques à deux cent à l’heure, la série touche à des sujets personnels plutôt douloureux et tout à fait ordinaires. Une magnifique lettre d’amour à la vie de tous les jours, aux étrangetés de tout un chacun et aux parents qui font de leur mieux et se plantent régulièrement, écrite avec tout l’esprit et l’élégance qu’on leur connaît. Vous nous avez manqué les filles.

Crédits: Netflix

Laisser un commentaire