Critiques Cinéma

EQUALS (Critique)

4,5 STARS TOP NIVEAU

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SYNOPSIS: Dans un monde où les sentiments sont considérés comme une maladie à éradiquer, Nia et Silas tombent éperdument amoureux. Pour survivre, ils devront cacher leur amour et résister ensemble. 

Dans un futur que l’on devine proche, où les émotions sont perçues comme une menace pour la société, où les relations amoureuses sont donc bannies et criminalisées, Drake Doremus poursuit son exploration des ressorts de la naissance du sentiment amoureux, de cette vague qui vous submerge et vous fait aller à l’encontre de vos principes ou de l’ordre établi. Cinéaste éminemment sensoriel travaillant énormément sur le ressenti et la relation qu’il crée avec ses acteurs, il s’était jusqu’à présent affranchi des conventions en refusant de travailler avec un scénario. Ce parti pris, louable mais extrêmement risqué, s’était révélé judicieux tant ses deux précédents films Like Crazy et surtout Breathe In nous avaient terrassés par leur sensualité et la façon avec laquelle, tel un créateur de parfum, il parvenait à extraire l’essence même du sentiment amoureux pour le reproduire et le diffuser dans son film avec une justesse bouleversante. Cette « improvisation » avait peut être toutefois atteint ses limites sur l’épilogue de Breathe In qui nous avait paru évidemment frustrant, mais surtout assez contradictoire avec ce que l’on avait jusqu’alors ressenti. Il n’en reste pas moins qu’avec ses deux premiers films, Drake « The Alchimist » Doremus a réussi le genre de miracle cinématographique qui vous convainc qu’à défaut d’être un génie, ou de révolutionner le cinéma, ce réalisateur a en lui quelque chose d’unique, une sensibilité à fleur de peau qui ne pourra jamais nous laisser indifférent.

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Avec Equals, Drake Doremus collabore pour la première fois avec un scénariste, Nathan Parker dont le CV plaide pour lui, puisqu’il est l’auteur du scénario d’un des meilleurs films de SF de ces 20 dernières années: Moon de Duncan Jones (2009). Accompagné de ce brillant scénariste, Drake Doremus est parti avec son bagage habituel dans un univers qui lui est complètement inconnu et avec des compagnons de voyage (Kirsten Stewart et Nicholas Hoult) qu’il a dû découvrir. L’univers de la science-fiction et la gestion des effets spéciaux sont bien éloignés des univers très réalistes de Like Crazy et Breathe In, dans lesquels il pouvait se concentrer uniquement sur sa mise en scène et la direction de ses acteurs. Loin, comme on aurait pu le craindre, de se disperser et de perdre son mojo, Drake Doremus investit ce nouveau territoire avec élégance et sensualité, en se focalisant sur la relation entre Silas (Nicholas Hoult) et Nia (Kirsten Stewart), dans cette société qui a tellement peur d’elle même, qu’elle vit sous médicaments et banni l’amour. Cet univers et ses codes nous rappelle celui d’Equilibrium de Kurt Wimmer (2002) mais Drake Doremus ne donne pas à ses personnages de costume de révolutionnaires. La seule révolution qu’ils veulent accomplir est intime, les seuls murs qu’ils veulent casser sont les murs chimiques, les empêchant de ressentir jusqu’au goût de la nourriture. Atteint tous les deux du Switch On Syndrome, ils rêvent à nouveau, retrouvent l’usage de sens aussi élémentaires que le toucher, l’odorat, le goût, n’étant jusqu’alors que des citoyens sous camisole chimique, répétant chaque jour la même routine. Deux êtres dépourvus de spiritualité et d’émotions pour lesquels la nourriture n’est qu’un carburant et l’autre, un être sans personnalité, agissant comme eux, pour le bon fonctionnement de cette société.

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Drake Doremus capture avec une infinie délicatesse, les gestes, les regards qui trahissent le réveil des sentiments et l’amour (interdit) naissant entre Nia Et Silas. Déjà orfèvre dans l’art de faire ressentir le frisson d’un effleurement, l’attraction irrésistible entre deux êtres, il trouve ici un écrin dans lequel son talent s’exprime avec encore plus de force. A notre sens, si l’efficacité de ce parti pris d’une mise en scène sensorielle, dans un cadre réaliste, dépendait beaucoup du ressenti de chaque spectateur, la fébrilité de Nia et Silas, l’infinie délicatesse avec laquelle ils se découvrent, paraîtra plus crédible aux moins romantiques d’entre nous. Redécouvrant des sens oubliés, submergés par ces sentiments qui étaient jusqu’alors enfouis en eux, ce qu’ils ressentent est forcément décuplé et Drake Doremus, excelle à nous communiquer leur frisson. Si Felicity Jones était l’interprète idéale pour Like Crazy et Breathe In, le jeu à fleur de peau, l’extrême fragilité de Kirsten Stewart apportent beaucoup de profondeur et de sensibilité à son personnage. Elle forme avec Nicholas Hoult, dont la palette de jeu ne cesse de s’enrichir de film en film, un couple d’une sensualité et d’une fragilité bouleversante qui rend palpable l’étincelle qui se crée entre ces deux personnages, devant cacher aux autres leur amour et leurs sentiments. On retrouve la thématique de l’amour impossible chère à Drake Doremus (la relation à distance dans Like Crazy, la relation adultère dans Breathe in). Ici c’est l’ensemble de la société qui est hostile à la relation entre Silas et Nia, qui n’ont d’autre choix que de se cacher et de préparer leur fuite. Preuve de l’importance de Drake Doremus, les personnages qui accompagnent en arrière plan, le parcours de Silas et Nia, sont interprétés par des acteurs de premier plan: Guy Pearce (avec lequel il a déjà collaboré pour Breathe In), Jacki Weaver (Picnic à Hanging Rock, Animal Kingdom, Happiness Therapy) et deux des actrices les plus prometteuses de leur génération: Kate Lyn Sheil (Queen of Earth, Listen Up Philip, The Girlfriend experience) et Bel Powley (The Diary of a Teenage Girl, Detour). Tous jouent la même partition, leur jeu étant parfaitement accordé à la mise en scène sensorielle de Doremus qui ne passe jamais en force, ne se départi jamais de l’infinie délicatesse et empathie avec laquelle il filme ses acteurs dont il s’attache à capter la vérité plus qu’une performance. La bande son composée par le fidèle Dustin O’Halloran (déjà à l’œuvre sur Like Crazy et Breathe In) et le petit nouveau Sascha Ring est à l’avenant, concourant totalement à l’expérience proposée, accompagnant l’émotion sans la surligner, à tel point qu’on a le sentiment qu’elle a été composée et a en tout cas évoluée pendant le tournage.

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Pour son incursion dans la science fiction, Drake Doremus réussit un coup de maître, en reproduisant, loin de son univers habituel, le miracle de ses deux précédents films. Equals est d’une beauté formelle et d’une sensualité renversantes, le genre de film qui vous rentre sous la peau et dont l’évocation vous fait revivre les sensations d’une séance inoubliable. Si les exemples de grands films sortis directement en vidéo semblent se multiplier et qu’on en arriverait presque à être blasé, il est quand même désolant d’avoir été privé de la possibilité de découvrir Equals dans des conditions qui assurément, auraient décuplé la puissance de ce merveilleux film.

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Titre Original: EQUALS

Réalisé par:  Drake Doremus

Casting :  Kirsten Stewart, Nicholas Hoult, Guy Pearce,

Jacki Weaver, Toby Huss, Kate Lyn Sheil…

Genre: Science fiction, Drame, romance

Sortie en e-cinema le: 20 octobre 2016

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