Critiques Cinéma

DEEPWATER (Critique)

4 STARS EXCELLENT

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SYNOPSIS: La plateforme Deepwater Horizon tourne non-stop pour tirer profit des 800 millions de litres de pétrole présents dans les profondeurs du golfe du Mexique. Mike Williams, électricien sur la plateforme et père de famille, connaît les risques de son métier mais fait confiance au professionnalisme de son patron Jimmy Harrell. En revanche, tous se méfient de la société locataire de la plateforme dirigée par Donald Vidrine, qui ne pense qu’à son bénéfice. Lorsque cette société décide contre l’avis des techniciens de la déplacer trop rapidement, il sont loin de se douter que les 5 millions de barils sous leurs pieds sont prêts à exploser… Le seul courage de Mike et ses collègues suffira-t-il à limiter les dégâts et sauver ce qui peut encore l’être ? 

Certains films peuvent entacher durablement la réputation d’un réalisateur même chevronné et estimé, au point qu’ils seront évoqués pour dévaloriser chacun de ses nouveaux longs métrages et deviendront même un sujet de moquerie virale sur les réseaux sociaux. Il en est malheureusement ainsi de Peter Berg, souvent moqué et caricaturé comme le tâcheron qui a réalisé Battleship avec Rihanna. S’il n’est pas question de réhabiliter ce film qui n’est pas non plus, loin s’en faut, le blockbuster le plus honteux de ces dernières années et qui souffre plus de son scénario que de sa mise en scène, il est utile de rappeler que les états de service de Peter Berg incitaient à penser que Deepwater Horizon pouvait renouer avec la glorieuse tradition des films catastrophe à grand spectacle. Nous attendions en effet plus le nouveau film du réalisateur des excellents Le Royaume, Friday Night Lights et des certes imparfaits mais réussis Lone Survivor, Hancock, Very Bad Things et The Rundown que la nouvelle boursouflure décérébrée du réalisateur de Battleship. Ce genre qui connu son âge d’or dans les années 70 (Airport, L’Aventure du Poséidon, La Tour infernale, Earthquake, L’odyssée du Hindenburg … ) avait par ailleurs grandement besoin de se régénérer tant ses derniers représentants, dont le très moyen Poséidon (2006), remake du film de Ronald Neame, pouvaient laisser penser qu’il n’était qu’un prétexte à une démonstration technique de réalisateurs absolument pas inspirés par leur sujet.

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Au final, Deepwater portait ainsi la promesse d’une réhabilitation de son réalisateur au yeux de certains mais aussi d’un genre qui avait tendance à s’auto caricaturer. En adaptant l’histoire vraie de l’explosion de la plateforme pétrolière « Deepwater Horizon », le 20 avril 2010, durant laquelle périrent 11 travailleurs et qui entraîna la plus grande marée noire de l’histoire des États-Unis, la tentation de céder au spectaculaire pouvait toutefois entraîner le récit vers le fond en le transformant en un spectacle pyrotechnique déshumanisé et bas du front. Peter Berg et son scénariste Matthew Michael Carnahan (avec lequel il a collaboré sur Le royaume) ont le grand mérite de ne pas s’emparer de cette catastrophe pour en faire un blockbuster ultra calibré, sans âme et qui n’a rien d’autre à nous montrer que les millions de dollars dépensés dans quelques scènes que l’on aurait déjà, pour la plupart, vues dans les trailers. Le parti pris de ne pas de traiter des conséquences écologiques de cette catastrophe ne nous paraît pas problématique, tant elles sont connues et ont été traitées dans les médias. Peter Berg s’intéresse en effet uniquement aux causes de l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon et à la façon dont les employés pris au piège y ont fait face pour éviter un désastre encore plus grand. Deepwater est donc en quelque sorte le « making of » ultra réaliste et documenté de cette catastrophe, qui distille ce qu’il faut de scènes spectaculaires, d’explosions dont les impacts vous clouent au siège, et d’humanité dans ses personnages, pour offrir 2 heures d’un spectacle étourdissant de maîtrise et d’efficacité mais ne faisant jamais de ses personnages des pantins dont le sort serait accessoire ou soudainement sur-dramatisé de façon artificielle.

Vidrine (John Malkovich), Andrea Fleytas (Gina Rodriguez), Jimmy Harrell (Kurt Russell)

Côté technique, il faut saluer le travail extraordinaire qui a été fait sur le son , déjà l’un des points forts de Lone Survivor et qui lui vaudra probablement également une nomination aux oscars. L’immersion dans cet enfer est totale, les impacts, les explosions prennent aux tripes et impliquent physiquement le spectateur dans des scènes d’une brutalité et d’un réalisme inédits. Ce souci de réalisme se retrouve dans la mise en scène de Peter Berg qui privilégie l’immersion au découpage, cherchant à coller au plus près de ses personnages, dont les corps seront blessés, mutilés, projetés avec une violence à couper le souffle contre les parois de cette plateforme pétrolière. Sans ostentation, sans volonté affichée de créer des « money shots », Berg enchaîne pourtant de véritables morceaux de bravoure, reposant sur la fluidité de sa mise en scène et le réalisme de l’environnement qu’il a recrée en faisant au maximum l’économie d’effets numériques. Dans la grande tradition des films qui ont fait la gloire de ce genre dans les années 70, Deepwater tire sa force du réalisme permis par la création de plateaux gigantesques qu’aucun effet numérique ne pourra remplacer. Il y a quelque chose de fascinant et de jouissif à voir cohabiter, avec autant de bonheur, une forme de travail artisanale avec les techniques les plus modernes et des effets spéciaux qui ne sont pas utilisés comme une facilité mais pensés en terme d’efficacité et de valeur ajoutée. Quant à la photographie d’Enrique Chediak (127 Hours, The Maze Runner), elle est en totale adéquation avec le souci de réalisme de Peter Berg et est absolument sublime dans le rendu des scènes éclairées par les flammes ravageant la plateforme ou dans ces scènes plongées dans une semi obscurité éclairée par la seule lampe torche d’un personnage.

Mike Williams (Mark Wahlberg)

Au delà de la perfection technique, le récit et le sort de ses hommes reste toujours le cœur du film, ce qui intéresse le plus Peter Berg, même dans les scènes les plus spectaculaires. En cela le film se démarque de la majorité des blockbusters de ces dernières années. Si Deepwater est aussi efficace lorsqu’il nous immerge dans cette catastrophe, il le doit notamment à une première partie qui prend son temps pour installer ses personnages et son environnement. Les employés de cette plateforme sont des types ordinaires, pour la plupart pères de famille, qui acceptent les risques et la dureté de leur mission. De ce point de vue, le casting de Mark Wahlberg est pertinent. S’il ressemble de plus en plus à son frère Donnie à la fois physiquement et par son jeu qui semble s’appauvrir, perdre en subtilité de film en film, son charisme de « bad boy » que les années ont transformé en « regular guy » est parfait pour incarner Mike Williams. Les hommes et la femme (Andrea Fleytas interprétée par Gina Rodriguez) travaillant sur Deepwater Horizon sont montrés par Peter Berg comme des « working class heroes » dont le sort est entre les mains de compagnies dont la première préoccupation est d’accroître leur profit. La responsabilité de BP est pointée sans équivoque, notamment dans une scène centrale opposant Mr Jimmy le responsable de la plateforme (Kurt Russell) à Donald Vidrine (John Malkovich). John Malkovich trouve son meilleur rôle depuis une éternité, en parfait « executive » sans scrupules, obsédé par le profit et ne tenant aucun compte des mises en garde. Donald Vidrine, executive de BP, faisant passer le souci du profit maximum avant celui de la sécurité des employés de la plateforme, est un superbe salaud de cinéma, dans la grande tradition de ces cols blancs lâches et sans états d’âme, dont on attend la mort ou le poing dans la figure que viendra leur mettre le héros à la fin du film (on pense notamment à Carter Burke dans Aliens). Le traitement des personnages et de l’action, dans cet environnement coupé du monde, qui pourrait aussi bien être une gigantesque navette de la Weyland Company, a d’ailleurs quelque chose de James Cameron-esque qui n’est pas pour rien dans l’incroyable efficacité du film de Peter Berg. Deepwater ne perd jamais en efficacité ou en pertinence, même lorsqu’il adopte quelques recettes un peu trop classiques, dans la caractérisation du rapport de Mike Williams et de sa fille ou dans les quelques « allers-retour » entre la plateforme et la maison familiale où sa femme, Felicia (Kate Hudson) apprend l’explosion puis essaie de s’informer. On sent une telle sincérité dans le propos, qu’on n’arrive pas en vouloir à Peter Berg, d’avoir voulu injecter encore un peu plus d’humanité dans son récit. Pour son huitième film, Peter Berg concrétise toutes les promesses entrevues et fait largement oublier l’embarrassant Battleship. Espérons qu’à l’avenir, son nom sera définitivement associé au meilleur blockbuster américain de 2016, à ce grand film aussi impressionnant qu’émouvant.

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Titre Original: DEEPWATER HORIZON

Réalisé par: Peter Berg

Casting : Mark Wahlberg, Kurt Russell, John Malkovich,

Kate Hudson, Dylan O’Brien, Gina Rodriguez…

Genre: Drame, Action

Sortie le: 12 octobre 2016

Distribué par: SND

4 STARS EXCELLENTEXCELLENT

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