Critiques Cinéma

L’ODYSSÉE (Critique)

3,5 STARS TRES BIEN

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SYNOPSIS: 1948. Jacques-Yves Cousteau, sa femme et ses deux fils, vivent au paradis, dans une jolie maison surplombant la mer Méditerranée. Mais Cousteau ne rêve que d’aventure. Grâce à son invention, un scaphandre autonome qui permet de respirer sous l’eau, il a découvert un nouveau monde. Désormais, ce monde, il veut l’explorer. Et pour ça, il est prêt à tout sacrifier. 

L’art du biopic est délicat et si les américains ont assimilé depuis longtemps ce qui s’apparente à un sport national, en France les réussites ont mis plus longtemps à arriver jusqu’à nous. Il a fallu notamment que des auteurs aient l’audace d’embrasser des projets autour de figures nationales déclarées intouchables pour que les choses commencent à bouger sensiblement, mais au-delà de l’audace, il fallait également des moyens, un point de vue et le luxe de ses ambitions. Des personnalités de la chanson (Gainsbourg, Piaf, Claude François), de la haute couture (les deux Yves Saint Laurent) ont notamment eues les honneurs de films qui, quelle que soit la manière avec laquelle ils ont été accueillis, ne peuvent être taxés d’avoir manqués d’ambition artistique ou financière. S’attaquer à un monument comme le Commandant Cousteau était loin d’être une tâche facile, mais L’Odyssée réussit parfaitement sa mission: Divertir intelligemment, raconter la vie d’un personnage emblématique de la société française ancré dans son époque et ce, sans verser dans l’hagiographie, tout en racontant une histoire avec des sentiments forts et des rebondissements mais sans avoir recours à des ficelles artificielles.

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La vie de Jacques-Yves Cousteau est suffisamment romanesque pour que les scénaristes n’aient nul  besoin d’en rajouter dans le pathos ou la surenchère dramatique et ici, la forme et le fond se confondent pour donner naissance à un film beau, élégant et enlevé, qui peut se targuer de ses aspérités pour épouser le contraste d’un homme loin d’être parfait. En choisissant de raconter plus que la trajectoire rectiligne d’un personnage haut en couleurs, Jérôme Salle et son co-scénariste Laurent Turner ne sont d’ailleurs pas simplifié la tâche. Mais force est de constater que raconter cette histoire en partant du point de vue du destin croisé d’un père et de son fils dont la relation tumultueuse influencera le cours de leurs vies respectives, était un challenge difficile à relever mais qu’ils s’en tirent au final extrêmement bien. Pour réussir un biopic, l’évidence est déjà de s’entourer d’un casting suffisamment mâture et talentueux pour éviter de tomber dans l’imitation pure et dure et même si c’est une condition nécessaire cela n’est évidemment pas suffisant. Il faut une mise en scène à l’avenant, capable d’épouser son propos, voire de le sublimer et que le tout soit enrobé dans un rythme propice à un récit dramaturgique.

Odyssee SD23- Scenes: 113, 121, 118, 120

Avec L’Odyssée, Jérôme Salle semble avoir rempli quasi l’ensemble de ces figures imposées. Sa mise en images, splendide et majestueuse ne tombe jamais comme on aurait pu le craindre dans le petit précis illustratif. Il filme une nature envoûtante et exaltante, y plonge ses personnages et les suit au plus près, avec talent et efficacité, aidé par une photographie d’une indescriptible beauté signée Matias Boucard. Après Zulu, qui confirmait ce que les deux Largo Winch avaient suggéré sur sa capacité à mener un récit sans renier sur ses ambitions atmosphériques et visuelles, Jérôme Salle confirme qu’il n’a rien d’un manchot pour filmer et que les mouvement de caméra intempestifs qui filent la nausée ne sont pas dans sa culture, qui est plutôt celle de l’élégance et de l’épure. On pense dans un tout autre registre au Florent Emilio Siri de Cloclo pour la fluidité dont Jérôme Salle pare son film. Le réalisateur est indubitablement fait pour un cinéma d’aventures, clair et riche, qui ne rogne pas sur l’esbroufe visuelle sans pour autant flirter avec une désagréable impression de m’as-tu-vu. La reconstitution des différentes époques montrées dans L’Odyssée, la minutie des plans et la beauté des séquences que ce soit sur terre, sous l’eau ou sur la glace vous emportent pour un long voyage réellement bluffant visuellement.

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En terme de distribution, L’Odyssée peut se vanter d’avoir eu la main heureuse. Lambert Wilson est impeccable dans le rôle pas simple du commandant Cousteau et il s’en tire avec virtuosité sachant faire ressortir toute l’ambiguïté d’un homme qui n’a pas hésité à des compromissions pour assurer sa réussite. Pierre Niney, dans le rôle de son fils Philippe, qui a agit comme un révélateur sur la conscience écologique tardive de son père, continue de bluffer grâce à son talent et à l’intensité qu’il fait passer dans tous ses rôles du plus intériorisé (Frantz) au plus démonstratif comme ici. Il n’a pas fini d’avoir la main mise sur les projets les plus fascinants du cinéma français. Audrey Tautou est un peu plus en retrait que le duo masculin mais elle ne s’en tire pas moins bien lorsqu’elle apparait, même si son rôle est moins écrit et semble du coup et sans doute à tort, moins primordial. Ses interactions avec Lambert Wilson dans une relation sinusoïdale ne sont pas toutes de la même teneur, les deux comédiens paraissant parfois être sur deux tempo différents, mais le film n’en souffre fort heureusement pas trop. On pourra peut-être apporté un bémol sur l’utilisation de la musique d’Alexandre Desplat, certes très belle mais parfois un peu envahissante, ainsi que sur le sentiment diffus que certaines périodes ont souffert de coupes intempestives (que l’on retrouvera peut-être dans un director’s cut ultérieur) et qui donnent parfois la sensation que le film aurait pu avoir une ampleur encore plus importante. Mais ne faisons pas la fine bouche. L’Odyssée est une production impressionnante et la preuve par A plus B, que nous sommes parfaitement capables d’un cinéma inventif, ambitieux et exaltant même si il prend racine dans notre passé.

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Titre Original: L’ODYSSÉE

Réalisé par: Jérôme Salle

Casting : Lambert Wilson, Pierre Niney, Audrey Tautou,

Laurent Lucas, Thibault de Montalembert, Benjamin Lavernhe…

Genre: Biopic, Drame, Aventure

Sortie le: 12 octobre 2016

Distribué par: Wild Bunch Distribution

3,5 STARS TRES BIENTRÈS BIEN

 

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