SYNOPSIS: Au Libéria, pays d’Afrique ravagé par la guerre, le docteur Miguel Leon, médecin humanitaire, et le docteur Wren Petersen, directrice d’une ONG, tombent passionnément amoureux l’un de l’autre.
S’ils sont tous les deux engagés corps et âme dans leur mission, ils n’en sont pas moins profondément divisés sur les politiques à adopter pour tenter de régler le conflit qui fait rage.
Ils devront surmonter leurs clivages et le chaos qui menace d’emporter le pays tout entier – sous peine de voir leur amour voler en éclats…
Celle-là, on ne l’avait pas sentie venir… Placée vers la fin d’une compétition cannoise riche et variée, où les claques tant espérées (signées Park Chan-wook, Bruno Dumont ou Nicolas Winding Refn) avait côtoyé de solides films de vieux briscards (de Ken Loach à Pedro Almodovar), la nouvelle réalisation de Sean Penn nous laissait présager un énième film humanitaire et engagé comme Hollywood aime en pondre à la chaîne. Il n’a fallu même pas une minute pour que le sort du film soit immédiatement scellé : le temps d’une phrase édifiante affichée à l’écran (« La violence de la guerre ne peut se comparer qu’à la violence des rapports entre un homme et une femme »), le fou rire est immédiat, inattendu, irrésistible. Tout comme le frisson de voir un cinéaste réputé pour son engagement politique oser une comparaison aussi idiote. Aussi obscène, pourrait-on même dire. Parce que, oui, The Last Face est clairement de ces films qui donnent au mot « indécence » un relief que l’on ne soupçonnait pas. N’en déplaise à un Luc Besson décidément aux fraises, dont les productions EuropaCorp battaient jusque-là des records de caricature outrancière, et qui s’est donc logiquement posé en unique défenseur de cette purge après la projection officielle à Cannes.
Qu’il s’agisse de bêtise ou d’inconscience, Sean Penn ne s’est ici rien refusé, embarquant sa compagne de l’époque – une Charlize Theron hyper « sexe » – dans un calvaire de cinéma qui offre, à bien des égards, un regard assez détourné sur son parcours personnel. On récapitule : ancien bad boy du cinéma de l’Oncle Sam, armé d’une casquette de citoyen engagé (souvenez-vous de ses interventions très médiatisées en Louisiane ou en Haïti…) et d’un lourd passif d’acteur multi-récompensé qui lui assure le respect du tout-Hollywood, sans oublier un statut de président du jury à Cannes il y a huit ans où sa première déclaration (« Je veux récompenser un film politique ! ») ne laissait plus aucun doute sur son virage à 180°. Au vu d’une carrière de réalisateur marquée jusque-là par des polars efficaces (Crossing Guard et The Pledge) et un trip hippie à peine potable (Into the wild), on pouvait donc imaginer que The Last Face incarnerait enfin de façon concrète son engagement politique. Mais après coup, on aimerait surtout l’inviter à se remettre en question, surtout dès qu’il s’agit prendre le pouls d’une situation de guerre – située qui plus est sur un autre continent que l’Amérique – et de la traiter avec un minimum de dignité. A l’instar du nauséabond Blood Diamond d’Edward Zwick (mais en dix fois pire), le résultat nous ramène à une tendance très colonialiste du cinéma US, flattant l’humanisme de son audience en filmant des stars glamour, en appuyant fort sur la plaie du pathos, et ce sans la moindre connaissance du sujet ou du contexte politique.
En effet, à l’instar d’un BHL qui refuse de salir sa chemise repassée en allant au contact des combattants anti-Kadhafi, Sean Penn se livre à ce que Hollywood peut produire de pire en matière de caractérisation odieuse. Au beau milieu d’un continent africain filmé comme une pub Jacques Vabre où la présence des miséreux se limite au surlignage non-stop de leur enfer quotidien et où les milices armées ne sont que d’abominables raclures dopées à la coke et à la violence gratuite, les deux héros – forcément bien coiffés et bien éclairés – se font des regards mielleux ou sont carrément cadrés comme des gravures de mode très « sexe », incarnant un humanisme packaging qui sonne toujours faux. Tout ceci en rappelant aléatoirement à quel point la guerre c’est moche et que les gens ne doivent pas rester inactifs face à de telles horreurs. Le choix du mélodrame se révèle être le pire choix possible, servant une louche de pompiérisme visuel à tous les étages (d’une flopée de plans malickiens déplacés à une soupe musicale envahissante signée Hans Zimmer), et épargnant – en les embellissant – ses stars occidentales, histoire d’en faire malgré eux les représentants d’un Occident libérateur et supérieur. Le principe est donc très simple : ils sont beaux, ils sont gentils, ils viennent aider ceux qui souffrent, mais eux ne souffrent ici qu’au travers de leurs problèmes conjugaux, créant ainsi le plus artificiel des contrepoints.
Il est ici profondément intolérable de voir les très sexy Charlize Theron et Javier Bardem passer le plus clair de leur temps à se rouler des pelles, à se brosser les dents face-à-face devant un rideau (!) ou à se disputer dans une chambre comme des cocufiés chez Danièle Thompson (oh mon Dieu, quelle difficile épreuve ils doivent endurer !) alors que les Libériens n’ont ici comme seule option que de crever en silence (au mieux, ils ont juste le droit de fuir ou de pleurer) afin qu’on puisse les plaindre ensuite dans de longs discours démagos. Un peu à l’image de ces artistes ou intellectuels pseudo-humanitaires qui, histoire de polir leur hypocrisie et d’entretenir leur narcissisme jamais éteint, s’en vont jouer les touristes dans des pays ravagés par les génocides. Sean Penn leur emboîte le pas, avec un Scope ultra-publicitaire (par pitié, réhabilitez Michael Bay !) et tout un tas d’effets gratuits (zooms, ralentis, chants africains…) qui donnent envie de vomir. Avec, en guise de bouquet final, un discours de Charlize Theron qui bat des records d’abjection en matière de mauvaise conscience. A titre de comparaison, cela nous rappelle notre Steven Seagal adoré qui, à la fin de son inénarrable Terrain miné, lançait soudain un discours à la Nicolas Hulot juste après avoir causé une catastrophe écologique en faisant exploser une station pétrolière en plein Alaska ! C’est juste inouï…
Les Français ne sont pas non plus gâtés dans l’affaire, entre un Jean Reno justifiant de film en film le déni intégral d’actorat (à noter que ses grandes théories sur l’amour – il s’appelle d’ailleurs ici Dr Love ! – ont provoqué de violents fous rires en pleine projection cannoise !) et une Adèle Exarchopoulos qui annonce ici sa séropositivité à Bardem en le voyant peu à peu s’éloigner d’elle (une scène assez optimale pour flinguer sans crier gare un début de carrière hollywoodienne). Sans parler des dialogues qui, par leur seule présence, transforment un gros navet démagogique en un parangon de connerie nanardesque. Comme on vous aime bien, on vous en livre quelques exemples : la description d’un coup de foudre (« Avant de le rencontrer, j’étais l’idée de moi-même ! »), de l’amour en général (« Me pénétrer n’implique pas que l’on puisse alors me connaître ») ou d’un lien hypothétique entre l’amour et la guerre (« Sans la guerre, il n’y aurait sans doute pas de Nous »). Coincé entre la gêne et le fou rire, on ne sait plus quoi penser, sinon qu’un tel ratage, ayant réussi l’exploit de récolter la pire moyenne critique jamais enregistrée au festival de Cannes (à peine 0.2 sur 4 : un record absolu !), a d’ores et déjà gagné une place dans l’Histoire. Quoiqu’il en soit, même après plusieurs jours de repos, on n’en revient toujours pas qu’un film aussi con puisse exister. Merci pour ce moment.
Titre Original: THE LAST FACE
Réalisé par: Sean Penn
Casting : Charlize Theron, Javier Bardem, Jean Reno,
Adèle Exarchopoulos, Jared Harris, Sibongile Mlambo…
Genre: Drame
Sortie le: Prochainement
Distribué par: Mars Films
NUL
Catégories :Critiques Cinéma
Quel courage d’avoir posé autant de mots sur ce film minable. Allez, ça sent le remontage et le changement de nom d’ici un an.