Critiques Cinéma

AMERICAN HONEY (Critique)

4,5 STARS TOP NIVEAU

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SYNOPSIS: Star, une adolescente, quitte sa famille dysfonctionelle et rejoint une équipe de vente d’abonnements de magazines, qui parcourt le midwest américain en faisant du porte à porte. Aussitôt à sa place parmi cette bande de jeunes, dont fait partie Jake, elle adopte rapidement leur style de vie, rythmé par des soirées arrosées, des petits méfaits et des histoires d’amour…

Empruntant à la fois la radicalité de ses deux premiers films (Red Road et Fish Tank) et la sensualité des Hauts de Hurlevent, American Honey est un voyage sur les routes de l’américana à la rencontre de cette Amérique du milieu, cette Amérique « White Trash », celle des déclassés du rêve américain. Dans un format 4:3, la caméra d’Andrea Arnold suit au plus près cette jeunesse paupérisée, partie loin du foyer familial pour trouver meilleure fortune. Cette « beat generation » là, produit d’une Amérique ultra libérale qui a abandonné une partie des siens sur l’autel de l’ultra libéralisme, a choisi ce mode de vie plus par nécessité que par philosophie. L’enrichissement recherché par ces voyages n’a rien de culturel et on embarque avec eux sur la banquette arrière du van les emmenant de ville en ville, à la recherche de clients/gogos pour vendre leurs abonnements. Ces commis voyageurs, ressemblent pour certains aux adolescents croisés chez Gus Van Sant et pour d’autres à ceux croisés chez Larry Clarke et Harmony Korine. On rit, on chante avec eux et on peut presque sentir l’odeur et les effets du crack qui enfume l’habitacle. La musique majoritairement diégétique tient une place centrale dans leur vie comme dans le film, scandant le récit, lui transmettant son flow et lui insufflant une vitalité folle. Elle vient habilement au soutien de l’émotion et de l’énergie que veut transmettre Andrea Arnold dans ses scènes, même si on peut aussi entendre les critiques qui lui reprocheront une utilisation parfois trop illustrative. Dans l’absolu, elles n’auront pas tort mais ces scènes s’inscrivent parfaitement dans l’énergie du film et du groupe et ne font jamais factices, « clipesques ».

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Si American Honey excelle et enthousiasme dans les scènes de groupe, dans le registre du road movie , il touche aussi à l’intime du spectateur et de son héroïne, par la sensibilité et la justesse dont il fait preuve pour traiter de sa relation compliquée et intense avec Jake, magistralement interprété par Shia Labeouf qui trouve là son meilleur rôle. Ce séducteur tête à claques, très sûr de lui, ce vendeur impitoyable scannant, comme il le dit lui même, ses clients en quelques secondes, cache un grand sensible tourmenté et ne pouvait probablement pas trouver de meilleur interprète. Shia Labeouf a ici un espace, une liberté qui ne lui avait jamais été donné auparavant et le naturel avec lequel il incarne Jake est réjouissant. Andrea Arnold confirme aussi qu’elle est une excellente directrice d’acteurs, arrivant à capter l’invisible, la grâce d’un mouvement, utilisant au mieux la personnalité de ses acteurs pour leur permettre de donner la pleine mesure de leur talent sans jamais devoir passer en force. L’alchimie entre Sasha Lane et Shia Labeouf est bluffante et on croit à leur coup de foudre (magnifique scène qui donne immédiatement le ton) , à chacun de leurs regards et de leurs baisers. Sasha Lane éblouit et émeut, actrice non professionnelle dont c’est la première apparition à l’écran, elle est le cœur vibrant du film, le gage de sa sincérité, elle imprime la pellicule dès les premières minutes. Le récit n’est jamais en avance sur ce qu’elle ressent et c’est avec elle et à travers son regard que se font les rencontres avec les autres personnages. On est au diapason de ses émotions, suspendu au moindre de ses mouvements. Il faut aussi dire un mot d’une actrice qui est en train de s’imposer depuis un an et son rôle dans Mad Max Fury Road. Riley Keough déjà sensationnelle dans The Girlfriend experience (l’excellente série de Amy Seimetz et Lodge Kerrigan, coup de cœur de ce début d’année) interprète Krystal, la tête pensante, manager de ce groupe , à la fois glaçante et sexy, elle a un charisme et une variété de jeu qui ne trouve pas d’équivalent dans les actrices de sa génération. Dirigée par Andrea Arnold, même dans un rôle secondaire, elle explose et on peut mettre une pièce sur le fait qu’elle sera une des grandes stars féminines des prochaines années.

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Andrea Arnold réussit un tour de force en arrivant par ses personnages, à insuffler du romanesque et de la sensualité dans un film qui ayant pour cadre de départ l’Amérique white trash se plaçait dans une mythologie maintes fois explorée en littérature et au cinéma. Si l’on croise quelques personnages hauts en couleur (notamment 3 « cowboys » et une petite fille dont les goûts musicaux vous surprendront autant qu’ils vous feront rire), American Honey va bien au delà du programme attendu, s’intéresse autant à l’intime qu’aux rencontres et à l’énergie de ce groupe de vendeurs. Si les films de plus de 2h30 gagneraient souvent à se voir amputer d’une bonne demie-heure, la durée d’American Honey (2h42) n’est ni un renoncement, ni une facilité, elle contribue au contraire totalement à cette expérience cinématographique unique. Elle correspond au temps de son récit et de ses personnages, à la nécessaire maturation des sentiments. Elle contribue à créer une connexion unique, un rapport presque intime avec un film à l’intérieur duquel on se sentait si bien et que l’on quitte à regrets mais avec des images et des musiques plein la tête.

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Titre Original: AMERICAN HONEY

Réalisé par: Andrea Arnold

Casting : Shia Labeouf, Sasha Lane, Riley Keough,

Arielle Holmes, Will Patton, Chad Cox …

Genre: Comédie dramatique

Sortie le: 08 Février 2017

Distribué par: Diaphana Distribution

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