SYNOPSIS: Lorsque les investigations de la police nord irlandaise sur une série de meurtres n’avancent pas, la détective et commissaire de police, Stella Gibson, est envoyée à Belfast pour suivre l’affaire de plus près. En parallèle de l’enquête, le meurtrier, un père de famille qui semble irréprochable du nom de Paul Spector, continue ses crimes au nez et à la barbe des forces de l’ordre…
Méticuleux. C’est le mot qui vient à l’esprit quand on regarde The Fall, la série britannico-irlandaise diffusée en France depuis le 28 janvier dernier sur NRJ 12. La réalisation d’Allan Cubitt et Jakob Verbruggen est d’une maîtrise implacable, avec des travelling shots super contrôlés et une minutie qui ne peut que provoquer l’admiration, notamment le travail fait sur la bande-son, qui est incroyablement pointu. Tournée dans le nord de l’Irlande, The Fall impose dès les premières secondes une photographie froide et aseptisée (grâce aux efforts concertés de Ruairí O’Brien et David Brennan) qui fait bien plus pour asseoir l’atmosphère que toutes les scènes d’exposition de la planète. On y voit l’inspecteur Stella Gibson (Gillian Anderson de X-Files) vêtue d’un pyjama en train de nettoyer sa salle de bain, image prophétique s’il en est car elle nous dit (presque) tout ce qu’il y a à savoir sur le personnage. Stella Gibson est par nature quelqu’un qui nettoie, que ce soient les erreurs judiciaires et bureaucratiques de ses collègues de la police, les dégâts causés par les criminels, ou la société, en envoyant malfaiteurs en tous genres derrières les barreaux. Stella Gibson, c’est le cerveau dévoreur de hamburgers et de verres de vins aussi larges qu’un bocal à poisson qu’on appelle quand il y a une investigation qui fait du sur-place, et c’est comme ça qu’elle se retrouve à travailler sur le meurtre d’Alice Monroe, fille d’un politique assez en vue. Il ne lui faut pas longtemps pour réaliser que le meurtre est sans doute l’œuvre d’un tueur en série et qu’il récidivera bientôt.
De l’autre côté de l’histoire, nous avons Paul Spector (Jamie Dornan, dans le rôle qui jettera toute la lumière sur le pourquoi et le comment il a fini dans 50 nuances de grey), un père de famille bien sous tous rapports, psychologue de son état, qui fait du volontariat pour SOS Suicide ou plutôt, pardon, qui fait semblant de faire du volontariat mais passe en fait ses nuits à traquer les femmes puis à les tuer d’une manière… on va dire protocolaire, qui n’a de sens que pour lui. C’est là ce qui fait de The Fall un procédural un peu à part dans le monde (extrêmement peuplé) des enquêtes policières télévisées, puisqu’on ne suit pas juste les démarches de la police pour attraper le salaud, mais on suit aussi le salaud qui essaie d’échapper à la police. Au vu de l’incompétence, avouons-le, assez navrante des services de l’ordre et de la stupidité générale qui semble régner sur Dublin, le face-à-face entre Stella et Paul prend une importance grandissante : ils sont d’intelligence égale, ce qui fait que Stella est la seule personne, probablement dans le monde entier à pouvoir arrêter l’assassin. Le type a fait des études, quand même.
Le script, écrit par Allan Cubitt, à qui l’on doit notamment la minisérie Anna Karenina, repose entièrement sur ce jeux d’échec entre les deux pôles de l’enquête. Bien sûr, la tension dramatique vient principalement du fait que le spectateur est censé être tiraillé entre Stella et Paul, toujours incertain dans ses loyautés et ses sympathies. Le problème de base avec cette structure cependant, c’est qu’elle repose sur le fait que les deux personnages aient un capital sympathie assez égal au départ, ce qui n’est pas du tout, mais alors, pas du tout le cas. Stella a beau flirter avec le côté obscur (comprenez qu’elle invite des hommes dans sa chambre d’hôtel) elle est loin du niveau de Paul qui lui, a carrément emménagé du côté obscur et boit des coups régulièrement avec l’Empereur (traque les femmes puis les étrangle). On ne peut pas dire qu’il y ait vraiment d’équilibre, ou même de comparaison possible. On a beaucoup écrit sur la fétichisation des meurtres de femme à la télévision (vous vous souvenez de la dernière fois où la victime d’un meurtre était un homme ? Ben moi non plus), donc si vous recherchez un peu d’originalité, ou que c’est un problème qui vous tient à cœur, on vous déconseille de vous brancher sur The Fall. Sans vouloir vous spolier, il ne s’agit pas d’une histoire de rédemption, mais d’un duel à mort entre le bien et le mal. Par contre, si vous êtes intéressés par les portraits psychologiques un peu sombre et si vous apprécier de vous plonger dans des atmosphères ultra stylisées, la série peut vous plaire, voire même vous enchanter. Surtout qu’il y a Gillian Anderson qui casse la baraque avec son rôle d’inspecteur clairvoyant et perspicace. On savait déjà qu’elle était géniale, mais là pour le coup, elle est carrément fantastique.
Crédits: NRJ 12 / Showshank Films /BBC Two
Sans aucun doute l’une des meilleures séries- ou plutôt enquête – qui existe, peut-être la meilleure. Tout y est impeccable malgré un rythme et un découpage très lent (mais parfaitement maîtrisé) qui ne plaira probablement pas aux férus des séries policières américaines clipesques, bruyantes et rutilantes. Et pourtant on en devient addictif. Un magistral coup de pied. Tout comme Paul après ses exactions, quand vient le générique final, on ressent un profond malaise, mélange paradoxal d’amertume, de solitude – voire de détresse – et de grande satisfaction. Chapeau (melon) bas!