Critiques Cinéma

THE LOBSTER (Critique)

4 STARS EXCELLENT

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SYNOPSIS: Dans un futur proche… Toute personne célibataire est arrêtée, transférée à l’Hôtel et a 45 jours pour trouver l’âme sœur. Passé ce délai, il sera transformé en l’animal de son choix. Pour échapper à ce destin, un homme s’enfuit et rejoint dans les bois un groupe de résistants ; les Solitaires.

On s’en doutait fortement avant le début du Festival de Cannes, on a désormais la confirmation : The Lobster, le film de Yorgos Lanthimos sélectionné en compétition officielle, est un véritable OVNI, un objet de cinéma qui vaut largement le coup d’œil pour sa folie, son absurdité, sa radicalité et son jusqu’au-boutisme. Le pitch zinzin (dans un futur proche, toute personne célibataire est arrêtée, transférée à l’hôtel et a 45 jours pour trouver l’âme sœur, le cas contraire, il sera transformé en animal de son choix et lâché dans les bois) et le casting international (Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux, John C. Reilly, Ben Wishaw) laissaient envisager un film assez unique. Promesse tenue après 2h de séance. Dès le premier plan (fixe), le ton est posé : une femme, manifestement excédée, quitte une voiture sous la pluie pour aller abattre un âne quelques mètres plus loin dans un champ. L’idée est absurde et cocasse, la suite des festivités est tout aussi tarée et jouissive : on découvre un Colin Farrell bedonnant, moustachu, flegmatique, voire neurasthénique (résurrection totale pour l’acteur, qui campe là à la perfection un personnage-cousin lointain de Joaquin Phoenix dans Her mais nous y reviendrons) qui se voit proposé dans un hôtel étrange de trouver une partenaire avant une date butoire, sous peine d’être transformé en homard. A l’heure de Tinder, Twitter, des smartphones et du all-connected, il paraît évident que sous ses airs de comique mordant (le film est vraiment très drôle), Lanthimos cherche avant tout à travers sa dystopie (ou utopie, qui sait) à critiquer notre société totalitaire qui pète de trouille, asphyxiée par le principe de précaution, la normalisation forcée des comportements et l’hyper contrôle abject des affects (pleurer est ici prohibé). Le sujet du long-métrage, toujours bien tenu, apparaît à cet égard totalement en phase avec notre monde virtuel.

the lobster 1Mais analyser The Lobster par sa portée politique serait réducteur tant le film regorge de nouvelles pistes (sociologiques) et de différents niveaux de lecture. A l’instar du sublime Her de Spike Jonze, The Lobster propulse en effet l’Amour comme la grande quête de l’humanité, condamne la haine du couple (Farrell tire des fléchettes tranquillisantes sur sa promise) et s’aventure volontiers du côté de la métaphore élégiaque de la moderne solitude en transmettant abondamment les angoisses du protagoniste central. On respire l’air qui l’entoure, on tombe amoureux à ses côtés de la splendide Rachel Weisz et on redoute avec lui de devenir un animal damné. La menace liée à la transformation finale est d’ailleurs constante, le ton glacial, voire mal aimable, fait sens et c’est paradoxalement par cette froideur que The Lobster s’incarne. L’horreur est là, le malaise s’installe. L’écriture est dense, subtile et sophistiquée, la réalisation au plus près de Lanthimos et l’originalité visuelle collent au propos et à l’ambiance (ralentis, inserts et détails physiques, utilisation de la musique en tant qu’outil de désamorçage, précision extrême des cadres : alignement des tables face aux couples qui s’embrassent langoureusement sur des canapés, décor géométrique de l’hôtel, scènes de chasse brillamment tournées..).

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Tout ceci est recommandable, et la distance ironique pince-sans-rire qui a toujours habité le cinéma de Yorgos Lanthimos est appréciable. Face caméra, Colin Farrell est bluffant de sensibilité, ses pairs ne déméritent pas, se montrant tous convaincants, aussi bien Léa Seydoux que Rachel Weisz, Ben Whishaw ou le toujours excellent John C. Reilly. Seule ombre au tableau : le dernier acte peut-être, plus faible, avec un dispositif qui finit un peu par lasser bien que Lanthimos tente des choses et explore des contrées inconnues. Fort de son pitch imparable et de son cadre précis, le grec Lanthimos propose une dystopie tragicomique drôle, inventive et mélancolique dans laquelle on rit avant tout de nous-mêmes. The Lobster se positionne comme un sérieux concurrent pour le prix de la mise en scène ou du scénario.

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Titre Original: THE LOBSTER

Réalisé par: Yorgos Lanthimos

Casting: Colin Farrell, Rachel Weisz, Jessica Barden,

John C. Reilly, Léa Seydoux, Ben Whishaw…

Genre: Science Fiction, Drame, Comédie

Sortie le: 28 octobre 2015

Distribué par: Haut et Court

4 STARS EXCELLENTEXCELLENT

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