Critiques Cinéma

IMITATION GAME (Critique)

4 STARS EXCELLENT

imitation game affiche

SYNOPSIS: 1940 : Alan Turing, mathématicien, cryptologue, est chargé par le gouvernement Britannique de percer le secret de la célèbre machine de cryptage allemande Enigma, réputée inviolable.

Film à Oscar. Voilà comment, d’emblée, l’on serait tenté de caractériser Imitation Game, le biopic consacré au mathématicien Alan Turing. Morten Tyldum (Headhunters) dont c’est ici le premier film significatif, dresse un portrait tout en pleins et déliés de celui que l’on considère encore aujourd’hui comme le père fondateur de l’informatique moderne. Précurseur dans ses travaux audacieux sur l’intelligence artificielle, génie de l’arithmétique et véritable visionnaire en matière de programmation informatique, il a récemment été révélé comme un acteur décisif dans la lutte contre le régime nazi lors de la Seconde Guerre Mondiale. Car si le film fouille dans divers pans de son existence, c’est bel et bien son goût prononcé pour la cryptographie qui est mis en exergue ici, durant les années classées secret défense passées à Bletchley Park pour casser la fameuse machine Enigma, atout numéro un des forces ennemies lors du conflit. Inspiré de la biographie de Andrew Hodges (Alan Turing : The Enigma), le film prend certaines libertés avec les faits pour en livrer une version plus romancée et, finalement, rendre un hommage appuyé à un homme de talent que ses aptitudes exceptionnelles et sa personnalité complexe ont mis au ban de la société. Hommage ou réhabilitation d’ailleurs, le point de vue adopté met clairement l’accent sur une empathie acérée à l’égard de Turing pour lequel, malgré des problèmes d’adaptabilité sociale évidents lorgnant vers un syndrome d’Asperger souvent évoqué, on prend instantanément parti. Ces interactions sociales compliquées font d’ailleurs tout le sel du récit, comme autant d’embûches aux conséquences souvent poignantes dans le cheminement délicat des travaux menés par un Turing entier, absorbé à outrance par ses calculs, au point de se couper du monde. C’est pourtant un aspect plus sensible encore d’Alan Turing qui prend aux tripes, lorsque son homosexualité – qu’il dissimule au mieux dans le film, mais dont il ne faisait nul mystère dans la vie – devient une composante malheureusement capitale, bientôt inextricable du récit, et qui précipitera sa fin. Une démonstration criante des lois discriminantes de l’époque, qui trouve un écho encore bien trop fort dans nos sociétés actuelles.

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Mais la véritable trouvaille de Graham Moore (auteur du sympathique 221b Baker Street) est d’avoir puisé dans la biographie de Hodges de quoi livrer un thriller dramatique rondement mené. Car, si l’on peut trouver à redire aux incessants allers et retours narratifs entre passé passé, passé présent et présent passé – flash-back alternés sans transitions entre l’adolescence de Turing, Bletchley Park et les dernières années de sa vie – le découpage quant à lui se révèle plutôt efficace, bien que manquant singulièrement de cohésion par moments. Si, en effet, la tension autour du cambriolage du domicile de Turing en 1951 est palpable, dans un contexte de Guerre Froide prêtant des velléités d’espionnage à n’importe quel quidam, et si, en 1939, le contexte historique et la teneur des travaux de Turing (Benedict Cumberbatch), Alexander (Matthew Goode), Cairncross (Allen Leech) et Hilton (Matthew Beard) sous les ordres du commandant Denniston (Charles Dance) placent de facto les protagonistes dans une implacable course contre la montre – les souvenirs convoqués de sa scolarité chahutée n’ayant pour but que d’éclairer certains aspects de sa personnalité introvertie – les deux cadres temporels peinent à se répondre avec fluidité, une cassure trop marquée se produisant presque à chaque fois que l’on passe de l’un à l’autre avec, parfois, un sentiment de frustration. De la même manière, et bien qu’il soit difficile d’expliquer pourquoi, n’ayant pas d’effet d’annonce, les événements s’enchaînent de façon extrêmement prévisible, même pour quelqu’un ne sachant rien d’Alan Turing. Des impressions qui, si elles se font effectivement ressentir, ne gênent finalement qu’en bien peu de choses le visionnage d’un film de qualité, traité avec beaucoup de délicatesse. On retiendra par exemple ce passage lourd en émotions lorsque le collège doit décider si oui ou non ils doivent empêcher une attaque imminente à l’encontre d’un navire transportant vivres et civils à destination de l’Angleterre… Une émotion largement dispensée (aussi) par le score consommé d’Alexandre Desplat.

IMITATION GAME 2

L’interprétation est un régal. Et le casting réuni pour l’occasion, un sans-faute. Qu’il s’agisse du sémillant Matthew Goode, de l’inflexible Charles Dance ou de Keira Knightley, tout en charme discret, les performances ne déçoivent à aucun moment, à l’image d’un Mark Strong toujours impeccable. Sans surprise, c’est Benedict Cumberbatch qui emporte le morceau avec, une fois encore, une interprétation de haute volée, à la fois toute en nuances et néanmoins d’une incroyable précision. On l’avait déjà vu à l’œuvre dans la peau d’un détective aux aptitudes hors normes et à l’égo démesuré ou, plus récemment, dans celle d’un dragon à la fureur vénale, impérial rien qu’à la voix. Il démontre ici encore toute l’étendue de son talent, tour à tour brillant, touchant, à fleur de peau, dévoré par une ambition impérieuse de « faire mieux ». Impossible de détourner son regard de l’acteur, captivant. Une performance remarquable qui mérite peut-être, si le film lui, ne se montre pas à la hauteur de cette aspiration, une récompense de taille.

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Titre Original: THE IMITATION GAME

Réalisé par: MORTEN TYLDUM

Casting: Benedict Cumberbatch, Keira Knightley,Matthew Goode,

Allen Leech, Matthew Beard,Charles Dance, Mark Strong…

Genre:  Biopic, Drame

Sortie le: 28 janvier 2015

Distribué par: StudioCanal

4 STARS EXCELLENTEXCELLENT

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