UN ILLUSTRE INCONNU (Critique)

Par Fred Teper le novembre 17, 2014 • ( Poster un commentaire )

SYNOPSIS: Sébastien Nicolas a toujours rêvé d’être quelqu’un d’autre. Mais il n’a jamais eu d’imagination. Alors il copie. Il observe, suit puis imite les gens qu’il rencontre. Il traverse leurs vies. Mais certains voyages sont sans retour.

Comment rebondir après un triomphe public? Comment repartir sur de nouvelles bases, se réinventer et proposer quelque chose de totalement différent? Voici le challenge à la fois diablement excitant et casse-gueule auquel étaient confronté les auteurs du Prénom, théâtre et cinéma, Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière. En partant totalement dans une nouvelle direction, ils prennent non seulement le risque de désarçonner ceux qui ont adhéré sans réserves à leur précédent opus mais ils arpentent des territoires beaucoup moins balisés et confortables. Sur la base du pitch et des premières images, il n’était pas aisé de savoir quel aspect aurait cet Illustre Inconnu. Le début du film n’aide d’ailleurs pas franchement à se faire une idée plus précise et la première demi-heure ne fait que renforcer cette impression de flou. On ne sait pas où l’on va, mais on emprunte finalement le même chemin que Sébastien Nicolas qui avance tel un équilibriste, perdu dans sa propre vie et obligé de s’approprier celle des autres pour ne pas lâcher. Si ses premières usurpations nous confirment ce sentiment, la vie qu’il va tenter de faire vraiment sienne, va faire plonger son destin dans un thriller machiavélique, glaçant, un puzzle vertigineux qui va nous emmener dans les méandres de l’esprit de ce quidam, qui pour devenir quelqu’un doit être un autre que lui-même.

A l’écriture ciselée du duo, répond un film aux indéniables qualités formelles et aux teintes majoritairement grises comme l’est l’existence de Sébastien Nicolas. En abordant des thématiques comme l’usurpation d’identité, la solitude dans nos sociétés pourtant multi-connectées, la difficulté à concilier son apparence extérieure avec sa propre psyché, les deux auteurs livrent un film littéralement tortueux. En mettant cet homme incapable d’aimer, aux prises avec des sentiments qu’il appréhende avec perplexité, l’angle du scénario fait basculer le film d’un questionnement identitaire à un thriller psychologique haletant, le tout avec naturel et fluidité. Dès lors, le film déroule son intrigue de bout en bout, délaissant la répétition initiale des vols d’identité pour une surprenante enquête autour d’un homme insaisissable et dont les rebondissements parviennent à être toujours inattendus. Mise en scène et écriture maitrisées, Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière poursuivent leur travail de symbiose dont on ne peut être qu’admiratif. Portée également par une remarquable musique de Jérôme Rebotier qui contribue à développer une atmosphère angoissante, Un Illustre Inconnu est une ingénieuse et atypique réussite. Si le casting est très convaincant (de Marie-Josée Croze à Eric Caravaca en passant par le trop rare Philippe Duclos), toute la réussite de l’entreprise repose sur la performance de Mathieu Kassovitz. Tantôt sous ses véritables traits, tantôt sous des couches de maquillage saisissantes de réalisme, le comédien réussit une performance exceptionnelle. En faisant passer la frustration rentrée de Sébastien Nicolas, sa froideur, sa méticulosité et en passant à l’envie de l’une à l’autre des composantes émotionnelles d’un personnage riche et fascinant, Kassovitz démontre, une fois n’est pas coutume, qu’il est un comédien remarquable. Illustre, sa performance l’est! Indubitablement!