RESPIRE (Critique)

Par Fred Teper le novembre 12, 2014 • ( 1 commentaire )

SYNOPSIS: Charlie, une jeune fille de 17 ans. L’âge des potes, des émois, des convictions, des passions. Sarah, c’est la nouvelle. Belle, culottée, un parcours, un tempérament. La star immédiate, en somme. Sarah choisit Charlie.

Et bim! Celui-ci on ne l’attendait pas, du moins pas comme ça, pas avec cette intensité, cette force, cette manière formidable de mettre dans un shaker les sentiments les plus variés, l’amitié, l’amour, la haine, et voir Mélanie Laurent secouer le mélange et en ressortir la substantifique moelle. Une déflagration émotionnelle qui emporte tout sur son passage, faisant céder les digues les plus solides et vous laissant au bout du compte sonné dans votre fauteuil, comme un boxeur après un KO. Tout démarre pourtant comme un teen-movie on ne peut plus classique. La rencontre de deux jeunes filles qui se trouvent et se reconnaissent dans ce monde de solitude, deux gamines qui, ensemble, ne vont plus faire qu’une, pour le meilleur et pour le pire. Après Les adoptés, un premier long métrage qui démontrait déjà un réel talent et une vraie personnalité, Mélanie Laurent passe la seconde avec brio et livre un film ramassé, dont l’intensité dramatique monte crescendo du début à la fin. Avec l’air de ne pas y toucher, la réalisatrice filme l’adolescence et ses tourments avec une justesse de ton exemplaire et portée par ses deux héroïnes, elle peut laisser son récit se dévider jusqu’à son terme sans craindre d’anicroches en cours de route. Elle parsème son histoire, librement inspiré d’un roman de Anne-Sophie Brasme, d’une BO tout à fait à propos et peut se targuer d’explorer la psyché complexe de l’adolescence féminine en faisant se télescoper les différents liens que les personnages nouent.

Tour à tour, ce sont l’admiration, l’amitié, la jalousie, le manque, la peur ou encore l’effroi que chacune des deux jeunes filles va nous faire ressentir. Un grand huit émotionnel qui vous prend dans sa toile 1h30 durant et qui finira par vous laisser exsangue. A la fois récit initiatique, drame existentiel, histoire d’une amitié hors normes dont la toxicité va peu à peu envahir l’écran, Respire brasse les thématiques les plus diverses sans jamais perdre de vue son intention de départ, qu’on ne pressent pas un instant et qui arrive subrepticement avec un art consommé de la mise en scène. Autour de Joséphine Japy et de Lou De Laâge qui irradient l’écran, Isabelle Carré en mère déprimée, Claire Keim en tante méfiante ou encore toute la bande de lycéens dont le très juste Thomas Soliveres qu’on voit de plus en plus (Les Gamins, A toute épreuve), forment une distribution homogène d’un film qui laisse son empreinte sur son spectateur longtemps après l’avoir vu. On l’a dit, si la force du récit est la pierre angulaire d’un projet dont on ne soupçonnait pas la claque qu’il serait, c’est aussi parce que ses deux actrices principales sont remarquables. Joséphine Japy, en ado troublée et perturbée est remarquable, parvenant à jouer sur une gamme d’émotions extrêmement large et elle confirme un talent déjà entrevu, mais poussé ici très très haut. Lou De Laâge, à la fois, sensuelle et troublante parvient elle aussi sur un registre différent, à arpenter le spectre le plus large de sa palette de jeu. Elles sont les deux faces d’une même pièce d’un mélodrame que n’aurait pas renié Clouzot et qui, au-delà de vous laisser à bout de souffle, vous laissera bouche béé. Si Mélanie Laurent continue d’administrer des baffes de cet acabit, sa carrière de réalisatrice n’est pas prête de s’arrêter. Et ce n’est pas nous qui nous en plaindrons.