Critiques Cinéma

JOE (Critique)

4 STARS EXCELLENT

joe afficheSYNOPSIS: Dans une petite ville du Texas, l’ex-taulard Joe Ransom essaie d’oublier son passé en ayant la vie de monsieur tout-le-monde : le jour, il travaille pour une société d’abattage de bois. La nuit, il boit. Mais le jour où Gary, un gamin de 15 ans arrive en ville, cherchant désespérément un travail pour faire vivre sa famille, Joe voit là l’occasion d’expier ses péchés et de devenir, pour une fois dans sa vie, important pour quelqu’un. Cherchant la rédemption, il va prendre Gary sous son aile…

Après avoir surpris tout le monde l’an dernier avec le lancinant et insondable Prince of Texas, signant ses retrouvailles avec les films indé Malickiens de ses débuts après s’être longuement aventuré sur le terrain de la comédie potache (Baby-sitter malgré lui, Délire Express, Votre Majesté), le prolifique David Gordon Green est de retour cette année avec Joe, œuvre noire et cruelle présentée au dernier Festival du film américain de Deauville. Au générique : l’expérimenté Nicolas Cage et le jeune espoir Tye Sheridan, aperçu dans The Tree of Life et Mud.

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Mud, parlons-en. Le chef-d’œuvre de Jeff Nichols est évidemment sur les lèvres après visionnage des premières minutes de Joe : même façon de filmer les grands espaces américains, partage d’influences littéraires (Twain, Faulkner) et cinématographiques (Charles Laughton, William Friedkin, Michael Cimino, les Frères Coen), présence à l’identique d’une scène impliquant des serpents et surtout caractérisation semblable d’un personnage robuste, complexe et sauvage, prêt à apprivoiser un adolescent égaré. Une parenté indéniable avec le film de Nichols donc, corroborée par le fait que ce dernier et David Gordon Green ont bûché sur les mêmes bancs de fac avant de devenir amis et fiers collaborateurs (Green a produit Shotgun Stories, le premier long-métrage de Nichols).

JOE 2Joe est un drame gothique fort, qui s’attache à dépeindre intelligemment et en prenant son temps une Amérique oubliée, traversée par une dure réalité où la misère socio-économique est hélas reine et où le seul moyen de s’en sortir est de travailler à la sueur de son front au sein d’une forêt aride. Une Amérique déliquescente aussi proche que celle des Brasiers de la Colère, grosse surprise rurale sortie en début d’année. En adaptant le roman éponyme de Larry Brown, le réalisateur de L’Autre Rive signe une œuvre majeure donc, dédiée à la force unique de ces travailleurs et au combat pour la survie d’habitants désespérés, rendant grâce de fait aux notions de mérite et de rédemption. Tantôt sombre et destructeur, tantôt poétique, Joe a également le mérite d’être délicat dans son sous-texte. Preuve : sous ses airs de simple peinture de l’Amérique profonde – poisseuse et suintante – il porte aussi un regard étroit sur le passage de l’adolescence à l’âge adulte à travers le personnage interprété par Tye Sheridan. A la manière d’un Wes Anderson, David Gordon Green nous rappelle au passage à quel point les enfants comprennent souvent étonnamment plus rapidement que leurs pairs adultes les événements dramatiques auxquels ils font face. Dans ce paysage cafardeux, Joe, ex-taulard à l’allure débonnaire, fait figure d’attachement pour le jeune héros perdu, le film prenant alors la dégaine d’un récit initiatique admirable.

joe 3La mise en scène, à la fois dure et intimiste, concentrée sur un réalisme percutant, demeure à distance suffisante pour laisser la place aux personnages. Aussi haletant que splendide (très bel éclairage de Tim Orr), Joe prend aux tripes et emporte grâce à l’interprétation nuancée de Nicolas Cage, qui prouve qu’il en a encore dans le pantalon entre deux nanars en signant l’une des meilleures prestations de sa carrière d’acteur. Touchant en ouvrier mal aimé par la société, le neveu Coppola engage toute la palette d’émotions dont il est capable. A ses côtés, le jeune Tye Sheridan, comédien à la maturité saisissante, est excellent dans un rôle assez proche finalement de celui qu’il tenait dans Mud. Quant au regretté mais néanmoins performant Gary Poulter, ancien SDF alcoolique repéré et engagé à la volée par David Gordon Green – réputé pour travailler régulièrement avec des amateurs pour les rôles mineurs de ses films – il fait preuve d’un savoir-faire épatant dans la peau de Wade, père dépravé battant son fils et prostituant sa fille pour une bouteille d’alcool. En deux mots, Joe, réalisé par le talentueux David Gordon Green, culmine en qualité par son scénario naturaliste émouvant dans la lignée de Mud et le jeu au cordeau de ses comédiens.

Titre Original: JOE

Réalisé par: DAVID GORDON GREEN

Casting: Nicolas Cage, Tye Sheridan, Adriene Mishler,

Heather Kafka, Sue Rock, Gary Poulter…

Genre: Drame

Sortie le: 30 avril 2014

Distribué par : Wild Side Films/ Le Pacte

4 STARS EXCELLENTEXCELLENT

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