Le tweet de sortie de projo
SYNOPSIS: Dan, Kelliah et Louis sont trois étudiants d’une des meilleures écoles de commerce de France. Ils sont formés pour devenir l’élite de demain et sont bien décidés à passer rapidement de la théorie à la pratique.
Alors que les lois du marché semblent s’appliquer jusqu’aux relations entre garçons et filles, ils vont transformer leur campus en lieu d’étude et d’expérimentation.
La crème de la crème de la jeunesse française s’amuse et profite pleinement de ses privilèges : tout se vend car tout s’achète… mais dans quelle limite ?
En deux films seulement (le barré Sheitan, véritable film de genre, et le viscéral Dog Pound, plongée brutale dans l’univers carcéral d’une prison pour mineurs), le cinéaste Kim Chapiron, fondateur du collectif Kourtrajmé à 15 ans seulement, s’est affirmé de force au sein du cinéma français, au gré d’une authentique personnalité d’auteur. Son cinéma singulier, souvent tiraillé, est l’instrument de la culture populaire dans toute sa splendeur. Aujourd’hui, le cinéaste s’attaque à un troisième long-métrage ambitieux, fièrement nommé La Crème de la Crème. Après avoir fait parler de lui en offusquant les étudiants de l’école de commerce HEC – mécontents qu’on les caricature ainsi – le film sort enfin en salles. Casting alléchant (les jeunes révélations Alice Isaaz et Jean-Baptiste Lafarge), pitch original – décrire les aventures de trois élèves montant un réseau de prostitution au sein d’une grande école de commerce et filmer depuis l’intérieur les mécanismes pervers de cette institution – le projet La Crème de la Crème avait de quoi intéresser, même si les plus téméraires arguaient déjà une bande-annonce racoleuse afin de créer le buzz, ainsi qu’un propos connu d’avance (en gros, tous des petits cons).
La Crème de la Crème est à la clé un produit bizarre, dont on ne pourra certainement pas sortir indemne, qui n’a finalement rien du pamphlet moralisateur attendu. Premier bon point : Kim Chapiron filme avec une beauté formelle évidente la gloire éphémère de ces jeunes, avides de transgressions et testant sans cesse leurs limites. Cadrages maîtrisés, photographie élégante et léchée, bande-son pop bien ajustée aux images (Justice, Kavinsky …), la forme de ce métrage est tout à fait renversante. Sur le fond, le metteur en scène, manifestement lucide sur son sujet, étonne également. Sans jamais verser dans la complaisance ou offrir au contraire un regard entomologique bêtement moralisateur, Chapiron s’en tire avec les honneurs. En ce sens, La Crème de la Crème diffère largement de ses alter-egos américains, The Bling Ring et Spring Breakers, car là où Sofia Coppola et Harmony Korine posaient en effet un regard quasi attendri sur ces « sales gosses de riches » totalement inconscients de la gravité de leurs comportements, Kim Chapiron dresse quant à lui avec une justesse d’écriture méritante un portrait froid et clinique de la génération Y et des élites d’aujourd’hui, même si l’on a parfois un peu de mal à saisir ce qu’il cherche à raconter.
Difficile en effet d’être parfaitement au clair sur les genres traversés et sur ce que le film cherche à prouver ou montrer. Au départ teen-movie frénétique et potache abordable façon Supergrave à la française, La Crème de la Crème bascule rapidement, dès qu’il fait place à l’affaire du réseau, dans la satire insaisissable de l’économie de marché mordante poussée à son paroxysme, martelée à coups de métaphores économico-sexuelles abstraites, de pensées statistiques tout aussi sophistiquées et d’archétypes antipathiques. Si l’on cherche le lien, on pourrait reconnaitre là dedans la « patte » Romain Gavras, fils du célèbre réalisateur Costa-Gavras (on peut aisément deviner que Romain ait été biberonné aux satires de son papa, Le Couperet et Le Capital par exemple), ami de Chapiron (ils ont fondé Kourtrajmé ensemble) et crédité ici dans un micro-rôle. La trame devient alors le fruit d’enjeux dramatiques complexes, qui égareront certainement plus d’un spectateur en chemin, mais pourtant, force est de reconnaître qu’un certain charme opère malgré tout.
Peut-être en partie grâce à une autre influence majeure évidente : Bret Easton Ellis et ses personnages qui tiennent de spectres déshumanisés (Les Lois de l’attraction), déambulant dans une espèce de purgatoire dont l’aspect excessif (les beuveries, l’argent, le pouvoir, le sexe) cache en réalité des interactions abrasées et dénuées d’émotions. Autrement dit, La Crème de la Crème lorgne plus du côté du conte dépressif que du film fêtard et joyeux promis dans la bande-annonce. Du moins jusqu’au dernier acte, surprenant lui aussi, en forme de récit initiatique amoureux, au cours duquel l’un des personnages s’éprend d’une prostituée lorsque jaillit chez un autre un émoi grandissant pour la jeune et jolie Kelly, vénale du groupe. Si La Crème de la Crème est réussi, c’est aussi grâce au talent de Chapiron pour dénicher les perles rares face caméra : la révélation XX Alice Isaaz (aperçue dans l’abominable Fiston), très froide dans le rôle de la fille mystérieuse, ainsi que les jeunes et talentueux Jean-Baptiste Lafarge et Thomas Blumenthal. Un cancre hélas : Karim Ait M’Hand, qui surjoue chaque réplique, chaque scène, dommage. Le cru 2014 Kim Chapiron a divisé les critiques. Brillant pour les uns, coquille vide pour les autres, La Crème de la Crème frappe pourtant d’un coup de massue la conscience collective en dressant un tableau d’une justesse décapante et sans hypocrisie des jeunes d’aujourd’hui.
Titre Original: LA CRÈME DE LA CRÈME
Réalisé par: KIM CHAPIRON
Casting: Alice Isaaz, Jean-Baptiste Lafarge, Karim Ait M’Hand,
Thomas Blumenthal, Marianne Denicourt, Mouloud Achour…
Genre: Comédie dramatique
Sortie le: 02 Avril 2014
Distribué par : Wild Bunch Distribution
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma
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