Critiques Cinéma

TALE OF TALES (Critique)

4 STARS EXCELLENT

THE TALE OF TALES AFFICHESYNOPSIS: Il était une fois trois royaumes voisins où dans de merveilleux châteaux régnaient rois et reines, princes et princesses : un roi fornicateur et libertin, un autre captivé par un étrange animal, une reine obsédée par son désir d’enfant… Sorciers et fées, monstres redoutables, ogre et vieilles lavandières, saltimbanques et courtisans sont les héros de cette libre interprétation des célèbres contes de Giambattista Basile.

Des sorcières, des dragons, un ogre, des rois, une reine, une fée, des princesses, des bouffons … aucun doute, Tale of Tales, le long métrage de Matteo Garrone sélectionné en compétition officielle à Cannes, baigne bien dans l’univers du conte. Pour construire son nouveau film, après les très acclamés Gomorra et Reality (Grand Prix du Jury en 2008 et 2012), le cinéaste italien s’est inspiré du Conte des Contes, recueil réputé culte de Giambattista Basile, qui regroupe pas moins d’une cinquantaine de contes différents et source d’inspiration majeure dans la culture populaire puisque ayant influencé ni plus ni moins Charles Perrault, les Frères Grimm, Le Seigneur des Anneaux, ou bien encore Harry Potter. Matteo Garrone s’est par ailleurs entouré d’un casting international (Salma Hayek, Stacy Martin, John C. Reilly, Toby Jones et Vincent Cassel) – logique au vu de l’universalité des contes – et de techniciens prestigieux (Alexandre Desplat à la musique, Peter Suschitzky, le chef opérateur attitré de Cronenberg, à la photo). Difficile de jauger Tale of Tales en sortie de projection : sa singularité en fait indéniablement une œuvre fantastico-médiévale à part – à la fois belle et obscène – au sein du paysage cinématographique actuel, et même si on a parfois un peu de mal à suivre Matteo Garrone dans son délire (il est par moments difficile de savoir où il veut en venir), il faut avouer que Tale of Tales possède une identité visuelle forte, ainsi qu’une puissance narrative et un scénario plus construit qu’il n’y paraît.

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Tale of Tales combine en fait trois histoires (piochées parmi les 50 contes de Basile) qui permettent à Garrone de développer un propos, lui-même articulé autour de thématiques communes et motifs récurrents. Il est question de trois royaumes distincts, gouvernés par des dirigeants conspuants : un roi barjo (Toby Jones, weirdo) qui se lie d’amitié avec une puce et cherchant à tout prix à marier sa fille, une reine incapable de se séparer psychiquement et physiquement de son albinos de fils (Salma Hayek, convaincante) et enfin, un souverain fornicateur obsédé par les femmes (Vincent Cassel, cabotin comme jamais). Là dessus, première surprise, le montage du film est suffisamment malin pour laisser chaque personnage exister et évoluer. Autour de la haute sphère sociale précédemment décrite gravitent en effet quelques troubadours, des saltimbanques, et d’autres figures incontournables de la Comedia Dell’Arte, l’ensemble venant former une galerie de freaks attachants ou rebutants (effet désiré). On passe d’un récit à un autre avec fluidité, la photographie est somptueuse, la composition de Desplat délicieuse, le style gore et érotique surprenant, les décors naturels merveilleux, les costumes extravagants, quoique parfois un peu kitchs. À cet égard, Garrone lorgne d’ailleurs facilement du côté de Terry Gilliam (Les Frères Grimm et le Baron Munchausen en tête) et L’Histoire sans fin de Petersen. Pour l’esthétique, on pense aussi fortement à David Cronenberg (à son body horror et ce n’est probablement pas un hasard si Suschitzky est crédité à l’éclairage).

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Ce cachet formel se marie à un fond WTF – en surface – composé de scènes bien déjantées où s’entremêlent une partie de cache cache dans un labyrinthe entre une mère et son fils (passage obligé du conte), le destin d’un homme deviné à travers la transparence d’une eau de source issue d’un arbre, une princesse prisonnière d’un ogre et délivrée par un funambule, une bestiole en pleine métamorphose kafkaïenne, un ours qui joue de la trompette pour divertir, une reine qui avale le cœur géant d’un dragon, des sœurs à la peau disgrâcieuses etc etc. Mais si on gratte en profondeur, on pourra alors déceler un sous-texte acerbe sur la société, sur fond de dualités. En faisant se côtoyer l’ordinaire et l’extraordinaire, le magique et le quotidien, l’imaginaire et le réel, le royal et l’obscène, la beauté et la monstruosité, l’homme et la femme, le cruel et le tendre, le naturel et l’articiel, Garrone tend à dégager des interrogations sur notre monde (celui d’hier et de demain), à l’instar des grands auteurs. Il passe ainsi en revue les codes du genre (personnages archétypes, le château, la féérie…) pour les réactualiser et questionner des angoisses très modernes (la crainte de la vieillesse, le mariage précoce). Enfin, on peut féliciter le metteur en scène pour avoir abordé, avec une certaine acuité, le thème de l’émancipation (à travers la lutte des enfants face aux désirs hypertrophiques de leurs parents) et là encore parlé de sujets contemporains. Tale of Tales est une proposition de cinéma dense, généreuse, osée, loufoque et baroque, maîtrisée et surtout jusqu’au-boutiste, qui mérite amplement sa place en compétition officielle.

THE TALE OF TALES AFFICHETitre Original: IL RACCONTO DEI RACCONTI

Réalisé par: Matteo Garonne

Casting: Salma Hayek, Vincent Cassel, John C. Reilly

Toby Jones, Stacy Martin, Hayley Carmichael  …

Genre: Fantastique

Sortie le: 1er juillet 2015

Distribué par: Le Pacte

4 STARS EXCELLENTEXCELLENT

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