THE FALL GUY (Critique)

Par William François le avril 29, 2024 • ( Poster un commentaire )

SYNOPSIS : C’est l’histoire d’un cascadeur, et comme tous les cascadeurs, il se fait tirer dessus, exploser, écraser, jeter par les fenêtres et tombe toujours de plus en plus haut… pour le plus grand plaisir du public. Après un accident qui a failli mettre fin à sa carrière, ce héros anonyme du cinéma va devoir retrouver une star portée disparue, déjouer un complot et tenter de reconquérir la femme de sa vie tout en bravant la mort tous les jours sur les plateaux. Que pourrait-il lui arriver de pire ?

Si l’on peut aisément trouver que la période cinématographique actuelle tend vers l’asseoiement du monopole des effets spéciaux conçus par ordinateur et des développements technologiques toujours plus ambitieux, il reste pourtant une branche d’irréductibles cinéastes à Hollywood qui, depuis quelques années et probablement en réponse aux multiplications de fonds verts sur les plateaux de cinéma, ont décidé de raconter des histoires en hommage aux artisans du 7e art. Tom Cruise et ses missions toujours plus impossibles filmées en conditions réelles, le propos au cœur de l’action dessiné par le dernier volet de Top Gun, les cascades et entreprises pyrotechniques ultra-inventives de la saga John Wick… Chaque pierre venant rappeler que le cinéma peut encore être humain au plus proche de ses racines, c’est désormais au tour de David Leitch de venir réquisitionner Ryan Gosling et Emily Blunt pour mettre en lumière un métier de l’ombre à qui les projecteurs siéent pourtant à ravir : les cascadeurs.

The Fall Guy ne débarque pourtant pas de nulle part, on pourra même se permettre de dire qu’il tombe à pic. En piochant dans les influences des séries américaines 80s (le film est une adaptation du feuilleton télévisé L’Homme qui tombe à pic) en le déguisant au goût du jour, Leitch se nourrit de sa riche carrière de cascadeur/coordinateur cascades pour faire une véritable déclaration d’amour aux hommes et aux femmes qui risquent leur vie pour nourrir le charisme des comédiens qu’ils doublent. Le film raconte l’histoire de Colt, un cascadeur miraculeusement rescapé d’un accident provoqué par une erreur technique pendant une prise. Après le drame, il s’est coupé du monde et des plateaux, notamment de Jody, l’assistante mise en scène dont il était épris. Lorsqu’il apprend qu’elle a enfin atteint son rêve de réaliser son premier long-métrage et qu’elle le veut dans son équipe cascades, Colt réenfile la combinaison. Mais le tournage de Metalstorm (une odyssée pulp-rock aux vrais airs de Dune-bis) s’avère bien plus chaotique que prévu : sa tête d’affiche, Tom Ryder, a disparu sans laisser de trace. Colt n’a plus qu’une chose à faire : ramener Ryder sur le plateau pour sauver le film de Jody…

Il ne faudra pas chercher dans The Fall Guy la finesse d’un scénario découpé sur mesure, ni la précision d’un récit malin emballé par un message précis : l’écriture du film s’avère purement fonctionnelle, voire même simple prétexte, ayant pour seule utilité de concevoir étape après étape des scènes d’action en tout genre. Drew Pierce, qui signe le script, a alors pour mission de profiter des codes du cinéma de cascade, jouant avec un malin plaisir à distiller courses-poursuites, bagarres esthétisées, explosions pyrotechniques et pirouettes mécaniques, chacune servant une exécution sans faille de la part de ses artificiers. The Fall Guy semble presque écrit par un cascadeur à qui l’on aurait demandé ce qu’il rêverait de faire sur un seul et même tournage, et livrant un catalogue de cabrioles ultra impressionnantes qui donnent au film sa raison d’être. Car il va sans dire que David Leitch et son équipe signent un projet passion, conçu pour le plaisir de son spectateur autant que pour l’éclate et le dépassement d’ambition des techniciens qui l’entourent, justifiant sa présence sur les écrans par un attachement violemment sincère aux métiers derrière la caméra, à ces petites mains qui s’affairent à fabriquer des moments de bravoure dont les lauriers seront in fine ramassés par leurs comédiens. The Fall Guy vient réparer l’injustice en incluant ces héros casse-cous au cœur de son intrigue en en faisant des protagonistes au premier plan, donnant lieu à un étalage ébouriffant du champ d’action de la cascade à Hollywood, que ce soit sur terre, sur mer comme dans les airs. On prend alors un pied certain à suivre les aventures de Colt, propulsé malgré lui dans une enquête policière où chaque situation est prétexte à la castagne et à de la destruction de biens publics.

The Fall Guy est alors une spectaculaire réussite au charme indéniable, laissant briller ses équipes cascades avec le concours d’un excellent parterre de stars qui se lâchent au milieu des péripéties racontées par le film. L’atout charisme et sympathie est garanti par le lead hilarant de Ryan Gosling, toujours au top de sa forme dans un rôle pas si loin de The Nice Guys, et par les excellents Emily Blunt, Aaron Taylor-Johnson, Winston Duke, Hannah Waddingham et Stephanie Hsu. Leitch compose alors un divertissement bougrement efficace, aux pointes spectaculaires brillamment fabriquées (la bagarre sous néons ou encore celle en équilibre dans une benne traînée par un camion lancé à toute allure, sans parler de la montée épique de son climax ensablé) et au sens de l’humour diablement affuté. The Fall Guy semble taillé pour le plaisir du public, offrant aux métiers de l’équipe cascades une déclaration d’amour flamboyante jusqu’à son générique de fin « Making Of » qui raconte le plaisir que l’on a à continuer à faire des films. Même s’il est loin d’être exempt de défauts (notamment une esthétique globale un peu plate et un scénario anecdotique), il est difficile de refuser la catharsis ambitieuse et délirante offerte par The Fall Guy, qui vaut bien, au bout du compte, au moins un pouce en l’air.