SYNOPSIS : Dans un monde en proie à une vague de mutations qui transforment peu à peu certains humains en animaux, François fait tout pour sauver sa femme, touchée par ce mal mystérieux. Alors que la région se peuple de créatures d’un nouveau genre, il embarque Émile, leur fils de 16 ans, dans une quête qui bouleversera à jamais leur existence.
Le Règne animal est le deuxième long métrage de Thomas Cailley après sa première réalisation, légitimement très remarquée, Les Combattants (2014), qui récoltera 3 Césars en 2015. Nous retrouvons ici au casting Romain Duris et Adèle Exarchopoulos, et autant dire que tout devient très vite alléchant, dans ce que l’on devine comme une profonde réflexion philosophique sur nos racines animales, le retour à la terre, dans une ambiance post-apocalyptique, mais qui va bien sûr s’intéresser au drame de l’intime de ses principaux personnages. Clairement, on ne peut que s’attendre à du lourd. Le règne animal est entre autres une attaque en règle bien sentie et légitime sur la folie humaine dans sa barbarie la plus crasse, faisant vivre avec force l’assertion de l’homme loup pour l’homme. C’est pour certains le besoin primal et instinctif de domination, y compris et surtout sur ce qu’ils ne maîtrisent pas. Pas besoin d’un certificat diplômant d’éthologie pour entrer au cœur du sujet. Mais point de catégorisation ou de binarité chez Thomas Cailley, car il déclare aussi son amour à l’humanité quand celle-ci est portée pas le cœur battant des héros discrets. Car Le règne animal, c’est aussi du grand spectacle visuel, auditif, bestial et quasi olfactif !! Croisement foisonnant et parfois délirant des genres, entre typiquement justement le film de genre, en mode univers SF totalement assumé et décomplexé, de la bonne grosse vanne au moment où l’angoisse nous étreint le plus, avec en supra la quête maternelle, le besoin de se renifler et une quête d’affection toujours dramatiquement inassouvie. Nous sommes ainsi ramenés à notre condition animale de bipède social, dans cette magistrale démonstration Darwinienne.
Le plus parfait exemple en est la scène de la voiture avec le « moment Pierre Bachelet « et l’anthologique Elle est d’ailleurs (1980). Un véritable délire père/fils que de rouler à tombeau ouvert dans une forêt hantée par des créatures hybrides homme/animal, en cherchant la femme, la mère, avec « Et moi je suis tombé en esclavage « qui hurle dans le poste. Au-delà de l’atypisme de la situation et du jeu extrême du contraste, c’est un grand moment de cinéma. François embarque son fils au préalable sceptique sur la quête de la femme de leur vie à tous deux. N’en disons pas d’avantage sur pourquoi Pierre Bachelet à ce moment-là, mais simplement que l’on hurle de rire et qu’on pleure chaudement dans la même minute. Là, c’est du prodige, et tout le film est un peu dans cette scène époustouflante.
Au-delà du traité didactique sur la condition humaine, Le règne animal, c’est un geste, une intention, une mise en scène. La forêt ici filmée, c’est le monde. L’homme, le locataire dégénéré. La démonstration est visuellement magistrale sur l’homme et l’animal qui ne font qu’un. Le message est poétique, avec cette aspiration du retour à la terre, la prédominance du retour à notre condition première et une ode onirique où le cinéaste laisse exploser toute la brillance de son inventivité, le glauque de sa créativité.
L’ensemble surprend un peu et renverse beaucoup. Paul Kircher livre une interprétation très animale et ce n’est pas un vain mot. Le personnage d’Émile est mis à l’épreuve à toutes les scènes, et l’acteur s’emploie chaudement dans une magistrale prestation physique, sensorielle, dans un jeu où son corps est l’objet principal. Romain Duris, décomplexé comme on l’aime, en mari et père aimant, prêt à tout pour sauver sa tribu. Le mode pétage de câble permanent lui va comme un gant, avec son air hirsute, cheveux et barbe en batailles, il est habité, de plus en plus impressionnant et toujours beau, solaire et charismatique !! Adèle Exarchopoulos passe par là et comme à chaque fois, c’est un bonheur. Tout en subtilité et introspection, même si on la voit peu, il se passe toujours autre chose quand elle est là. Expérience méta de cinéma, Le règne animal est un film pop et sa catégorisation dans les inclassables en fait un vrai moment de cinéma : rare, précieux, ample et finalement assez indispensable.
Titre original: LE RÈGNE ANIMAL
Réalisé par: Thomas Cailley
Casting: Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos …
Genre: Science fiction, aventure, drame
Sortie le: 04 octobre 2023
Distribué par : StudioCanal
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma, Festival de Cannes 2023, Les années 2020
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