Critiques Cinéma

LE PROCES GOLDMAN (Critique)

SYNOPSIS : En novembre 1975, débute le deuxième procès de Pierre Goldman, militant d’extrême gauche, condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes. Il clame son innocence dans cette dernière affaire et devient en quelques semaines l’icône de la gauche intellectuelle. Georges Kiejman, jeune avocat, assure sa défense. Mais très vite, leurs rapports se tendent. Goldman, insaisissable et provocateur, risque la peine capitale et rend l’issue du procès incertaine.

Le procès Goldman est présenté en ouverture à la Quinzaine des Cinéastes au Festival de Cannes 2023. Son réalisateur, également acteur, Cédric Kahn, aura débuté comme stagiaire monteur pour Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat, ça vous fixe un CV. Le cinéaste nous propose donc un film/procès, toujours propice à l’exacerbation des névroses parfois les plus puissantes. C’est aussi l’exhumation d’une époque qui va bien au-delà de l’affaire en question, en ravivant ainsi les passions françaises, avec à n’en point douter des réminiscences, attendu que l’assertion de l’histoire qui se répète inlassablement ne se dément jamais. D’autant que Le procès Goldman est présenté à Cannes au moment où Georges Kiejman vient de nous quitter, ce qui apporte une résonance et un symbolisme tout particulier à l’œuvre.  Le procès Goldman est un film de procès, à savoir que son intégralité se déroule au tribunal, ce qui pourrait potentiellement laisser craindre une impression de déjà vu tant le genre a été maintes et maintes fois exploré avec plus ou moins de succès. Sauf que la brillante réussite de l’entreprise repose sur le fabuleux film de parole qu’est Le procès Goldman. Une véritable œuvre de puissance oratoire, tant les dialogues élèvent et vu le niveau d’intelligence de chaque réplique. Chacun dans son couloir de nage, les avocats, et en particulier bien sûr Kiejman, le dandy des prétoires, se distingue par sa vivacité d’esprit, mixée à une délicieuse maitrise de l’art de la roublardise.


Factuellement, mais aussi psychologiquement, sa façon de faire tomber un à un des témoignages certes qui semblent orientés, est à chaque fois un pur moment de grâce. Il nous régale autant qu’il dézingue avec férocité et humour toutes celles et ceux qui vont tenter de faire croire au jury qu’ils ont vu Goldman au moment des faits. C’est d’une jouissive cruauté. Le réalisateur en profite pour jongler avec nos émotions, car il nous laisse plus qu’à penser que les témoignages sont autant politiques et à charge que Kiejman prend un malin plaisir à les exploser !! Et puis il y a Goldman. Insupportable d’une forme d’arrogance qui se combine avec une évidente droiture. Un provocateur né. Il ne veut pas d’effets de manche, comme quand il refuse qu’on plonge dans son enfance chaotique pour mieux comprendre comment il pourrait être le putatif meurtrier. Il démontre avec génie que le pire des salauds a toujours un fond de moralité si on fouille dans son passé traumatique, et qu’ainsi le concernant, ce jeu de dupes est parfaitement inutile. Il veut les faits, rien que les faits qui à coup sûr l’innocentent. C’est un peu tout ça Le procès Goldman, un huis clos où l’on ne s’ennuie jamais, tant c’est le règne de l’acuité cérébrale, et de la célébration du verbe. C’est aussi un film psychanalytique où les colères d’un homme sont ainsi disséquées. C’est aussi justement le rapport entre les deux, Goldman et Kiejman. Tout est dans la lettre initiale que le premier écrit au deuxième. Un véritable amour vache. Ils se décrivent l’un l’autre avec presque une forme d’admiration sadique. Ils sont interdépendants dans cette affaire et ils le savent. Les mimiques désabusées de Kiejman quand dans son box, Goldman fait son show, sont irrésistibles. Et puis Le procès Goldman, c’est une mise en scène. Au-delà d’une forme de sacre de dialogues littéraires, sans effets, sans musique, c’est aussi toute la reconstitution d’une époque. Dans un jeu de caméra d’une prodigieuse habileté, vu que tout se passe en un lieu, Cédric Kahn avec des jeux de plan fixes, d’arrières plan, où rien n’est laissé au hasard, nous replonge dans les années 70 avec une totale vérité. On est dans la salle et on se régale, on ne décroche jamais, c’est impossible. C’est tout sauf du classicisme.


La passion sociétale, politique, psychologique, qu’a suscité le deuxième procès est parfaitement retranscrite notamment quand on nous fait comprendre que Simone Signoret est dans la salle. Pour autant, c’est également une vraie intrigue judiciaire avec ses alibis, ses témoignages douteux, ses vraies ou fausses preuves. Les amateurs du genre ne pourront être déçus. Et puis bien sûr, c’est aussi une résonance terrible. Sur la passion face à l’autorité, et sur comment l’insoumission ne mène pas forcément systématiquement à la violence. Comment l’art de la contestation, poussé à un haut niveau d’exigence morale et intellectuelle défie le pouvoir. Et la violence n’en est pas toujours le corolaire, n’en déplaise précisément aux institutions ainsi contredites et remises en cause. Le procès Goldman est un vrai film d’actualité !!  C’est aussi le culte de l’altérité, tant il est ici question du regard méprisant qu’il soit conscient ou pas, porté sur le juif, le noir, l’autre… Par celui qui comme disait Coluche n’est  » ni juif, ni noir, ni belge, le normal quoi « !!  Pour porter ces grands dialogues, de grands interprètes. Un grand duo dans la vie, un grand duo dans le film. Arthur Harari pour Kiejman, qui épouse avec l’audace de son instinct l’incarnation du jeune avocat qui va devenir grand. Son non verbal, ses mouvements, sa diction, tout ce qu’il dit et fait dans un huis clos où le spectateur ne manque rien, accroche nos papilles et crédibilise le film avec une plus grande force encore. Arieh Worthalter est un Goldman fabuleux d’intériorité autant qu’il peut se mettre à hurler soudainement. Il fait vivre son personnage avec l’art des grands numéros d’acteur. Lui aussi donne l’impression d’avoir totalement épousé la cause de son personnage, avec la force des meilleurs.  Le procès Goldman, une affaire mythique, un film forcément théâtral, mais jamais dupe de l’exercice, jamais dans un excès de cabotinage qui nuirait à l’ensemble. C’est à la fois sobre et très fort. C’est à voir sur un mode jubilatoire.

Titre original: LE PROCÈS GOLDMAN

Réalisé par: Cédric Kahn

Casting: Arieh Worthalter, Arthur Harari, Jeremy Lewin …

Genre:  Drame, Policier

Sortie le: 27 Septembre 2023

Distribué par : Ad Vitam

EXCELLENT

 

1 réponse »

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s