Cher Harrison Ford,

KEYSTONE/AP/REBECCA BLACKWELL
On ne s’adresse pas à un Dieu, à une divinité, à l’un des héros les plus mythiques de l’Histoire du cinéma comme au premier venu. A l’instant où vous allez tirer votre révérence en tant qu’Indiana Jones, un de vos personnages les plus iconiques qui vous a valu l’amour de millions de personnes à travers le monde, il m’a semblé opportun de vous dire l’admiration et l’affection indéfectible que j’éprouvais à votre égard. Car on se connait depuis longtemps, vous savez, ou plutôt non vous l’ignorez, mais depuis ma plus tendre enfance et ce mois d’août 1980 où du haut de mes huit ans je vous ai rencontré sur le grand écran. Vous étiez Han Solo et dans L’Empire contre-attaque vous étiez mon héros bien plus que votre copain Luke Skywalker. J’ai instantanément eu pour vous un coup de foudre, les yeux ronds en constatant votre charisme démentiel qui débordait de l’écran et me mettait -déjà- en transe. Je n’étais qu’un petit garçon mais je me souviens de cet engouement instantané pour votre gouaille, votre coolitude, votre assurance et votre indéniable talent, que, même si je n’étais pas en mesure de l’analyser, je le ressentais avec force.
Quand une histoire d’amour entre un artiste et un spectateur démarre sur ces bases-là vous pouvez être sûr qu’il va falloir se lever de bonne heure pour retrouver de telles cimes. Et pourtant, dans notre histoire commune, ces cimes ont été atteintes et même dépassées plus d’une fois. C’était incroyable comme votre décennie 80 et la mienne se sont télescopées, comment vous êtes parvenu avec une facilité déconcertante à enchainer des films avec lesquels je me sentais instantanément en phase, comme si ils avaient été faits exprès pour moi et que vous étiez leur plus digne représentant. Dès 1981, vous êtes devenu Indiana Jones et je vous ai adoré en sachant que ce sentiment ne s’éteindrait jamais. J’ai tout aimé des Aventuriers de l’Arche perdue et de ces scènes mythiques dans lesquelles vous démontriez une facilité à jouer aussi bien le professeur émérite que l’aventurier chevronné. Avec Spielberg et Lucas, en deux ans, vous aviez trouvé vos guides pour entrer dans le cœur des spectateurs et ne plus jamais en sortir. Bon je l’avoue, à dix ans je suis passé à côté de Blade Runner, découvert des années plus tard et que j’ai eu du mal à apprivoiser. Mais Le retour du Jedi et Indiana Jones et le temple maudit sont arrivés derrière et retrouver Han Solo et Indiana Jones suffisait à ma joie. Vous étiez mes héros, cher Harrison Ford, j’avais des étoiles dans les yeux quand je vous voyais dans ces films, du reste je les ais encore quand je les revois aujourd’hui. C’est aussi ça la magie du cinéma, ne pas avoir de prise sur le temps et pouvoir s’émerveiller comme au premier jour du talent, non, plutôt du génie d’un acteur. Witness, Frantic, Working girl c’était un bonheur à chaque nouveau film, chaque nouveau rôle, chaque nouvelle incursion dans des domaines différents. Puis est arrivé Indiana Jones et la dernière croisade, et alors là, mon cœur a fait un boum retentissant, vous l’avez forcément entendu quand j’ai découvert les aventures de mon héros favori aux prises avec son père bougon interprété par rien moins que Sean -James Bond – Connery. C’était Disneyland sur l’écran, tant les attractions que nous offraient tonton Spielberg étaient mirifiques et excitantes. Ce troisième Indiana Jones, je m’en souviens comme une des meilleures séances de ma vie, j’ai pris un pied gigantesque et oh surprise, vous y étiez tout bonnement génial.
Dans les années 90, je vous ai suivi encore évidemment, de Présumé innocent à Jeux de guerre (mais vous étiez encore meilleur dans Danger Immédiat entre vous et moi, encore plus Jack Ryan que celui écrit par Tom Clancy), en passant par Ennemis rapprochés ou Air Force One, mais votre rôle phare à mes yeux à ce stade de votre carrière c’est incontestablement celui de Richard Kimble dans Le Fugitif. Ce film, c’était un bonheur comme je les aime, un kiff de bout en bout, sans la moindre fausse note où vous jouiez avec un naturel étourdissant ce médecin pourchassé par le marshall Gerard, le plus opiniâtre chasseur de fugitif de l’histoire du cinéma. Je passerais plutôt sous silence la suite car je vous ai un peu perdu, mais peut-être est-ce moi qui à ce moment-là me suis trouvé d’autres amours, d’autres révélations et que je vous ai conservé dans ma mémoire où était nichés tous ces moments inoubliables que vous m’aviez offert avec votre générosité coutumière. Dans Le réveil de la force, le premier volet de la nouvelle trilogie Star Wars, je vous ai retrouvé avec tout l’amour que j’avais emmagasiné pour vous voir dérouler un dernier tour d’honneur sous les traits de ce bon vieux Han Solo et ce fut une expérience formidable, n’en déplaise aux pisses-froids qui y sont restés insensibles.
Là, Cannes s’apprête à vous dérouler le tapis rouge pour votre baroud d’honneur dans le costume de ce bon vieux Indy. Et j’attends, le cœur battant de retrouver mon héros, celui qui m’a fait me sentir comme une midinette des années durant et dont je ne peux croire qu’il s’éclipse sans le panache, la classe et la distinction qui lui vont si bien et que vous lui conférez avec toujours ce supplément d’âme qui fait toute la différence. Je ne vais pas encore en faire des tartines, je m’en voudrais de vous gêner, vous que j’imagine sensible aux honneurs mais dont vous préférez sans doute qu’ils soient plus discrets, à votre image. En tout cas, vous pouvez vous vanter de m’avoir fait vibrer plus souvent qu’à votre tour et que votre œil qui brille, votre sourire, votre maladresse, votre tendresse sont des biens si précieux que je les garde en moi pour toujours, comme votre portrait, ancré dans ma mémoire, comme le témoin de nos années communes, passées à s’aimer éperdument, comme un artiste et un spectateur se rencontrent et se foudroient, sans que le premier le sache et que le second ne puisse l’ignorer.
Avec émotion, je conclus ici cette missive, qui vous arrivera peut-être par-delà les internets. Sait-on jamais, vous sourirez à ces quelques mots venus d’un admirateur qui vous voue une reconnaissance éternelle d’avoir un jour croisé son chemin.
Votre dévoué Fred Teper.
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