SYNOPSIS : Jeanne Vaubernier, fille du peuple avide de s’élever socialement, met à profit ses charmes pour sortir de sa condition. Son amant le comte Du Barry, qui s’enrichit largement grâce aux galanteries lucratives de Jeanne, souhaite la présenter au Roi. Il organise la rencontre via l’entremise de l’influent duc de Richelieu. Celle-ci dépasse ses attentes : entre Louis XV et Jeanne, c’est le coup de foudre… Avec la courtisane, le Roi retrouve le goût de vivre – à tel point qu’il ne peut plus se passer d’elle et décide d’en faire sa favorite officielle. Scandale : personne ne veut d’une fille des rues à la Cour. 

La réalisatrice Maïwenn, dont on sait toute l’émotion vibrante et fiévreuse dit être tombée amoureuse du personnage de Jeanne Du Barry et de l’époque : « Je me sens immédiatement en connivence avec elle, elle me manque dès qu’elle quitte l’écran. Jeanne du Barry me séduit car c’est une looseuse magnifique. » Elle dira que pour Jeanne Du Barry, elle a cassé tous ses codes, ce qui fait de ce film présenté en ouverture du Festival de Cannes 2023 une plus grande curiosité encore : « Habituellement, chez moi la technique s’adapte aux comédiens. Là, ça allait devoir être l’inverse. Je voulais que la star du film soit la caméra ! La lumière ! Le chef opérateur ! Il se trouve aussi que j’ai découvert sur le tard Barry Lyndon (1975). Ça a été un choc titanesque. Et cela m’a confortée dans l’idée de ne pas casser les codes du classique pour en faire une mise en scène moderne. « 

La réalisatrice est habituée à enchanter et délicieusement bousculer le festival de Cannes avec notamment l’inoubliable et poignant Polisse, qui en 2011 avait obtenu le prix du jury. Notons que le tournage de Jeanne du Barry a en partie eu lieu au Château de Versailles. Autre star après le château, Maïwenn ne pensait pas franchement que son rêve se réaliserait avec la présence folle de Johnny Depp au casting, qui a pourtant accepté tout de suite. Jeanne du Barry est un grand film d’époque et de ce point de vue-là, le pari de Maïwenn est pleinement réussi. C’est visuellement d’une grande splendeur avec les ors de la cour sur grand écran. Un vrai film de cinéma, et toujours une fierté hexagonale de revisiter ainsi notre histoire avec cette symétrie du drame de l’intime qui va traverser notre héroïne dans ce cheminement de fille de rien que rien ne prédisposait à un tel destin, et la grande Histoire de France. Les deux s’alimentent avec le délicieux bonus de la sensibilité d’une cinéaste à fleur de peau. Si la forme écrase parfois le fond, comme une inextricable équation, de faire vivre l’ébranlement des ressentis des personnages et le bouillonnement historique, on pourrait presque regretter que la Du Barry ne soit pas davantage montrée dans son altérité, avec ce qui a pu la traverser en termes de combats de ses démons internes. C’est un peu en cet objet que le film peut poser problème ne soutenant pas toujours la comparaison avec des pairs illustres. Il existe cette désagréable impression, malgré une fois de plus la singularité du geste de la cinéaste qui sauve au final l’entreprise, d’avoir un peu déjà vu disséquer la transgression de codes pourtant si figés.

On pensera bien sûr à Marie-Antoinette (2006) de Sofia Coppola. Avec Jeanne du Barry, on est comme à la frontière de la tentative mais du classicisme et on peine à choisir son camp, avec parfois des véritables fulgurances cinématographiques, notamment une fin singulièrement bouleversante et le poids de codes convenus et attendus comme le veut le genre. Les intrigues et les perfidies sont bien sûr au rendez-vous et sont jouissives à contempler sur l’universalité du message du refus de l’autre dans sa différence, et sur le danger de l’uniformisation. Maïwenn fait passer son message avec grâce en cet endroit. Le casting est fou, on le savait. Johnny Depp est une véritable énigme dans ce film. Le problème est aussi une solution. Le fait qu’il parle français mais avec un accent prononcé en fait un Louis XV tellement silencieux qu’il en devient comme un roi autiste, ce qui n’est pas sans poser problème, on sent qu’il n’est pas né à Versailles. Pour autant, le revers doré de la médaille royale est qu’il fait donc tout passer par le non verbal, et à ce jeu-là, c’est Johnny Depp !! Les regards, la complicité qui passe avec Jeanne sont troublants de modernité et nous touchent. Maïwenn est amoureuse de la Du Barry, on le sait, elle l’a dit. Si son émotion est palpable à chaque scène, c’est comme si par moment cette passion de la cinéaste pour son icône desservait sa cause avec une impression de trop parfois. Mais à nouveau, comme pour la réalisation, la singularité est omniprésente et rend son interprétation totalement originale.

Il existe en revanche une mention sous forme de confirmation de révélation !! C’est Benjamin Lavernhe dans le rôle du fidèle La Borde. On dirait du Jean Rochefort !!! Cette classe, ce swag tout en discrétion et loyauté à la cause royale est sidérante de justesse, d’humour et d’une forme de dévotion de chaque instant. Il crève le grand écran, c’est un régal absolu. Clairement, on sort partagé de Jeanne Du Barry. Entre un spectacle intense qui remplit son office, mais aussi des excès qui peuvent agacer plus qu’ils ne surprennent véritablement. Une chose est sûre, c’est qu’il est à voir impérativement beaucoup plus sur le grand écran que sur le petit !!

Titre original: JEANNE DU BARRY

Réalisé par: Maïwenn

Casting: Maïwenn, Johnny Depp, Benjamin Lavernhe …

Genre:  Drame, Historique, Romance

Sortie le: 16 Mai 2023

Distribué par : Le Pacte

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