Critiques Cinéma

MAD GOD (Critique)

SYNOPSIS : Un Assassin surgit des abysses dans une cloche à plongée et s’enfonce au cœur d’un univers infernal peuplé de créatures mutantes et de scientifiques fous. Bientôt capturé, il devient la victime du monde qu’il est chargé de détruire… 

Face à des œuvres comme Mad God, on en vient à sérieusement se poser la question de l’utilité de la critique ciné. Un texte écrit en à peine une paire d’heures peut-il décemment côtoyer le sens du détail et la profusion de la création artistique d’une production fruit d’une gestation aussi longue qu’une trentaine d’années ? Car c’est le temps qu’il a fallu à Phil Tippett, maître ultime des effets visuels en stop motion (qui a ancré son talent dans les images mémorables de Star Wars, Jurassic Park, Robocop ou encore Willow), pour réaliser son premier long-métrage, une œuvre démiurgique complètement hallucinée dont la dimension expérimentale rend le voyage d’autant plus surréaliste. A tel point qu’il est impossible de pitcher ce Mad God, piochant dans l’esthétique du film de guerre, des décors cyberpunks, du body horror et des représentations infernales pour raconter le parcours d’un soldat en descente vers un monde aux confins du réel. C’est là que ce pose le principal problème pour nous, dont l’objectif continuel est de pointer les qualités et les défauts d’un produit en en grossissant les traits pour donner envie ou pour émettre des réserves personnelles. Mad God nous colle dans les pattes un dilemme démoniaque, quasiment à l’image des icônes qu’il décharne à tour de bras pendant son heure vingt surchargée. Car s’il s’avère être une œuvre à la narration extrêmement brouillée qui rend la tâche ardue à son spectateur, il est surtout un immense travail de fond qui surpasse tout ce qui n’a jamais été fait dans le genre. Alors faisons la part des choses, autant qu’il est possible, et parlons de la dernière création abominablement extraordinaire de Phil Tippett.



Mad God est un produit labyrinthique, faisant converger un nombre incalculable de techniques et de textures à son image pour donner vie à ce monde en constante mutation qui absorbe autant l’obscurité des abysses que les quelques lumières divines qui pointent parfois le bout de leurs rayons sur ces monstrueuses créatures. Phil Tippett conçoit, tel le démiurge dérangé appelé par le titre du film, un monde en bouteille en forme d’Enfers, dont chaque couche renferme un nouveau degré d’invraisemblance, d’absurdité et d’horreur. Son goût pour les corps décharnés, démembrés, les créatures visqueuses, démontables, violentes, autodestructrices, mutilées et maudites donne la place à un bestiaire sans aucune limite, autant visuelle que sonore, pour emmener le spectateur toujours plus au bord du précipice. Son approche de la fantasy, qui justifie la maestria minutieuse des décors et la fluidité dérangeante de l’animation, donne lieu à un assemblage difforme et malsain d’un mini-monde en tiroirs, qui semble très hermétique à toute sorte de narration. A tant vouloir ressembler à un cauchemar apocalyptique, Mad God se refuse à la logique en préférant s’abandonner à l’expérimental dans sa succession de saynètes en tout genre passant d’une exploration monstrueuse à une opération chirurgicale à corps ouvert.


Phil Tippett, qui signe la mise en scène, le scénario, les décors et la photographie (en collaboration avec Chris Morley) de ce Mad God, propose un film indéfinissable, à la forme intangible, constamment en mouvement et profondément chaotique. C’est une œuvre nihiliste, passionnante à regarder mais très peu évidente à vivre tant elle ne cherche absolument pas à raconter par le sens. Ce sont les images, les mouvements décousus, les sonorités terrifiantes et confuses et la galerie de personnages improbables à n’en pas finir, qui parlent à la place, remplaçant une quelconque histoire par un défi visuel qui dépasse tout ce qui se fait dans le style. Mad God est incritiquable, dans un sens comme dans l’autre. C’est pour cette raison, qu’en dépit de tout, la note de 2,5 sur 5 trône en haut de cette critique. Pas par mépris ou par esprit d’opposition opportuniste, mais par pure valeur médiane et par un aveu d’échec qu’on admet volontiers.


Mad God est une œuvre complètement démiurgique, qui se balade à travers l’histoire de l’art et celle du cinéma (l’évocation au 2001 L’Odyssée de l’Espace de Kubrick sonne comme une évidence) pour proposer une aventure jamais vue qui tient autant la critique en échec que le spectateur venu par curiosité. Quoi qu’il en soit, quelle que soit la note que vous lui attribuerez en fin de parcours, il est absolument certain que ce Mad God vous restera profondément en tête et continuera de vous poursuivre longtemps après la salle comme une expérience unique aux confins de notre monde par un maître de l’art.

Titre Original: MAD GOD

Réalisé par: Phil Tippett

Casting : Alex Cox …

Genre: Animation, Fantastique, Expérimental, Epouvante-horreur

Sortie le: 26 Avril 2023

Distribué par : Carlotta Films

MOYEN

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