SYNOPSIS: Endettés jusqu’au cou et promis à la saisie, Tom et Linda Leroy (Lucas Meister et Bérangère McNeese) montent un plan pour repartir à zéro loin des brumeuses Ardennes belges. Mais rien ne va se passer comme prévu..

Débutée la semaine dernière sur Arte, la mini-série (on ne dirait pourtant pas non à une seconde saison, la porte scénaristique restant largement ouverte) franco-belge Des gens bien s’achève ce jeudi. L’occasion parfaite pour faire un bilan de ces six épisodes et de peut-être donner envie à celles et ceux qui auraient loupé la diffusion de se rattraper sur arte.tv puisque la série y est disponible durant six mois depuis le 5 avril dernier. L’intrigue s’ouvre et se concentre sur Tom Leroy (Lucas Meister), un policier belge. Une nuit, près de la frontière belge, Tom pousse une voiture en dehors d’une petite route forestière avant d’y mettre le feu. A l’intérieur du véhicule : une femme ; supposément la sienne. Tom appelle les secours et explique que Linda (Bérangère McNeese), sa femme, est décédée dans l’accident de voiture qu’ils viennent d’avoir à cause de sangliers. Les gendarmes constatent l’accident. Tous sauf l’un d’eux, Philippe (Michaël Abiteboul), qui a eu par le passé une liaison avec Linda. Philippe refuse de croire à l’accident et le téléspectateur n’a aucun doute sur le fait que Philippe a raison. Et pourtant…

La grande force de la mini-série c’est d’avoir une intrigue à tiroirs : à chaque épisode le téléspectateur découvre un nouvel élément ou un nouveau personnage qui remet tout en perspective. L’intrigue s’étend et l’on découvre très rapidement que Tom et Linda, endettés jusqu’au cou ont mis en scène la mort de cette dernière afin de pouvoir rembourser leurs dettes via l’assurance. Enfin rembourser leurs dettes…surtout les oublier pour partir démarrer une nouvelle vie en Thaïlande. Sauf que ce postulat de départ va entraîner des catastrophes en chaîne toutes plus succulentes les unes que les autres (car déjà il y avait bien un corps dans la voiture…celui de qui ?). Des gens bien est indéniablement une série ingénieuse et drôle qui a l’art de créer des personnages ravagés, saugrenus et piquants. Mais c’est aussi parce que la série a parfaitement su caster ses membres. Outre le couple principal, interprété par un Lucas Meister et une Bérangère McNeese habités, la mini-série regorge de pépites. C’est d’abord le cas de Peter Van den Begin qui joue Serge, le cousin de Linda. Serge est un personnage qui va prendre de l’importance au fil des épisodes tout en étant une égérie de choix. Complètement à l’ouest, fraîchement sorti de prison, extrêmement opportuniste pour gagner de l’argent facile, Serge n’a que très peu de bon sens. Chacune de ses actions est à la fois réfléchie et totalement stupide, ce qui fait de son aplomb une force apparente mais surtout une forme de suicide permanente, laissant au début supposer qu’il sait ce qu’il fait alors qu’il manie une théorie rudimentaire et impulsive sans être capable de mettre cela en pratique de façon raisonnée (on comprend pourquoi il a fini en prison…). Comme lors de ce merveilleux moment au sein de la gare où il attend bêtement et sans aucune gêne un train partant pour l’étranger pour s’y délester du téléphone d’une victime, tout en narguant allègrement la guichetière jouée par Corinne Masiero. On retrouve aussi avec une agréable surprise François Damiens dans le rôle du succulent Michel Chamfort : un régal du début à la fin. Michel est un expert des accidents de voiture, qui débarque en prônant haut et fort qu’il n’est plus du genre à boire régulièrement, avant de s’enfiler des Leffe en toute tranquillité quelques minutes plus tard devant ses interlocutrices. Un génie.

Cette galerie de personnages farfelus est accompagnée d’autres plus raisonnés mais tout autant aveuglés. C’est le cas de Roger (toujours un plaisir de retrouver Dominique Pinon) qui perdu sa femme dans un accident de voiture et qui croit aveuglément Tom, ou encore de Stéphane (India Hair) qui est persuadée que Philippe se fourvoie à cause de la liaison qu’il a eu avec Linda. Des gens bien est basée sur tout un tas de quiproquos qui font évoluer l’intrigue au fur et à mesure de découvertes minutieusement orchestrées par les scénaristes pour faire souffler le vent dans des directions qui peuvent au choix mettre tout le monde dans la panade, ou encore offrir un salvateur répit après une avalanche de péripéties. Déjà à la tête de la série La trêve, les scénaristes Stéphane Bergmans, Benjamin d’Aoust et Matthieu Donck proposent ici un drame burlesque lorgnant largement du côté de la comédie et pas linéaire pour un sou dans la mesure où la narration prend le temps d’explorer « l’accident », l’avant accident mais aussi l’après. Chaque partie est importante car le basculement de ce qu’on pourrait appeler des » gens bien » ne s’arrête jamais. Piétinés par le système et notamment par les banques, Tom et Linda vont prendre un voyage sans retour, sans se douter qu’ils vont détruire un paquet d’autres vies au passage. La série se surpasse d’ailleurs lorsqu’elle explore des éléments vaguement teasés au début du show pour mieux en faire des moments-clés, comme ce très prenant passage au détecteur de mensonges….

Des gens bien est donc une réussite. Divertissante, drôle, perchée, absurde, avec quelques touches d’émotions savamment dosées, la mini-série a aussi le talent de nous maintenir en haleine pour mieux nous contenter ou nous piéger le moment venu. Servie par une distribution de choix on ne s’ennuie jamais et même si une saison 2 risquerait de tirer sur la corde, on se plaît à l’imaginer car on ne doute pas qu’il y a encore plein de choses à raconter sur toutes les fumisteries qui se déroulent à la frontière franco-belge…et sur tous les ahuris qui la peuplent.

Crédits: Arte