SYNOPSIS : André Laurent, capitaine du remorqueur Le Cyclone, assiste avec son équipage à la noce d’un de ses marins, avant d’être appelé en urgence pour secourir les passagers d’un cargo, dont Catherine, l’épouse du commandant. Alors que sa femme lui dissimule sa maladie et le supplie de prendre sa retraite, André tombe follement amoureux de Catherine, avec laquelle il débute une liaison…
A l’origine, Remorques est un roman de Roger Vercel, publié en 1935. Le réalisateur de Remorques, Jean Grémillon est un cinéaste fou de la mer, auquel on doit les remarquables Gueule d’amour (1937) et Lumière d’été (1942). Remorques réunit à nouveau le couple iconique de Quai des brumes (1938), Jean Gabin et Michèle Morgan. Autre poésie filmique avec un certain Jacques Prévert aux dialogues. Remorques, Un film qui aurait pu être maudit, un tournage qui aura duré deux ans, avec des interruptions dues à la deuxième guerre mondiale et à l’occupation. Remorques, c’est tout de suite la beauté magnétique et le charisme fou de Jean Gabin. Il écrase l’espace. Le regard de Michèle Morgan sur lui est un miroir de celui du spectateur. Celui de Jean Gabin sur elle est pas mal non plus !! Surtout au moment où il comprend le mépris qu’elle nourrit pour son mari. Le trouble du capitaine face à elle est d’autant évident que sa virilité jusque-là volcanique fond comme neige au soleil. La tempête est autant sur les mers que sous les crânes et dans les cœurs. Les métaphores et le symbolisme sont permanents dans Remorques. La mer, c’est la vie qui soudainement décide de se soulever, nous agiter et emporte tout sur son passage. La tempête, c’est l’amour qui vient faire chavirer les navires et les cœurs dans son caractère immuable et irrémédiable.
D’ailleurs, ces scènes d’avarie, de tempête, de mer déchainée témoignent de la passion intense du réalisateur pour l’immensité bleue. C’est une affaire d’absolu réalisme, de quasi-documentaire et d’infiniment grand. Face à la nature, l’homme n’est plus rien. Au même titre que face à l’amour, Gabin se mue, se tasse, n’est plus le même homme. Vrai lui ou pas, cette mutation est confondante, sidérante. Remorques, c’est aussi une affaire de contrastes dans la mise en scène entre les tourments marins, la quiétude terrestre et la passion amoureuse naissante. La force des dialogues du poète Prévert, quant à la fenêtre, évidemment vue sur mer, elle lui dit : … « Ceux qui sont simples ne font pas tant de bruit pour cacher ce qu’ils pensent. Vous n’êtes pas simple, vous êtes comme les autres, comme les hommes, vous êtes plein de scrupules, de délicatesse, et vous n’arrêtez pas de réfléchir, et en ce moment, vous pensez des choses que personne ne saura jamais ». Il en est de l’anthropologie amoureuse dans Remorques. De Musset n’est pas si loin.
Et puis, on est dans le cœur du Finistère, là où tout commence, avec cet ancrage de la poésie et où il existe comme en permanence un temps d’avance, notamment dans des questionnements d’avant-garde sur les liens femmes-hommes. « Ce qu’il y a entre deux êtres, ça regarde pas les autres ». A hauteur de l’évolution de l’amour impossible et interdit de Catherine et d’André, les éléments se déchaînent… « Si tu savais ce que j’ai changé depuis que je t’ai rencontrée » lui dit-il, à mesure que l’orage dehors se déchaîne. Elle lui répondra : « Je t’ai amené par l’orage, rappelles toi, et maintenant il revient me chercher ». Tout est dit et tout est vu dans ce noir et blanc puissamment mélancolique où Morgan et Gabin partagent les mots des amoureux, les gestes des amants et le sentiment que la tragédie est inexorable.
Gabin le magnifique, tout en contrastes et en juxtapositions, dans cette dureté du capitaine, ses homériques colères et cette douceur de l’amoureux transi, avec en commun cette authenticité des plus grands, ce pouvoir comme surnaturel de captation de la caméra et de l’œil du spectateur. Michèle Morgan, ici, ce sont des yeux. Son regard nous envahit et incarne l’inconditionnalité d’un sentiment amoureux de celle prête à s’oublier et à disparaître pour un soupir de son amant, ce celui qu’elle aimera plus que tous les autres. Ses yeux nous le disent et incarnent la folie amoureuse comme rarement le cinéma offre à contempler. Un chef-d’œuvre de passion dans tout ce qu’elle dit et fait. Remorques joue en permanence sur ce qui agite les éléments autant que ceux qui les occupent ou tentent de les apprivoiser. L’universalité et l’intemporalité demeurent partout, et au-delà de donner l’envie de pouvoir ressentir ne serait-ce qu’une seconde l’envie d’aimer comme eux, cette version restaurée est à ne pas manquer pour accentuer la sensorialité d’un film qu’on ne peut oublier.
Titre original: REMORQUES
Réalisé par: Jean Grémillon
Casting: Jean Gabin, Madeleine Renaud, Michèle Morgan …
Genre: Drame, Romance
Sortie le: 27 novembre 1941
Ressortie le : 19 avril 2023
Distribué par : Carlotta Films
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 40