SYNOPSIS : Marseille en 1940-1941, la série s’inspire de l’histoire vraie de Varian Fry, Mary Jayne Gold et du Comité de secours d’urgence. Risquant leur vie pour aider plus de 2000 réfugiés à fuir la France occupée, dont de nombreux artistes, une bande internationale de jeunes héros et leurs célèbres protégés occupent une villa à la lisière de la cité phocéenne…
L’histoire de Varian Fry est assez méconnue, il fut le premier citoyen américain à être reconnu comme » Juste parmi les nations » au mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem. Il viendra à Marseille avec une réelle volonté, armé de ses fortes convictions antinazies. Il aura en effet aidé plus de deux mille personnes à fuir le régime de Vichy. Anna Winger, la créatrice de la série, au-delà de son indéniable talent en la matière, y appose une note personnelle peu anodine : « Il y avait diverses personnes dans l’entourage de ma famille qui avaient été aidées par Fry, mes parents étaient des universitaires et donc on a toujours entendu parler des gens qui ont fui l’Europe dans les années 1940 et sont venus en Amérique ». Quelques noms célèbres ont bénéficié de l’héroïsme de Fry, de Mary Jane Gold et de l’Emergency Rescue Committee, pour assurer leur fuite et donc leur survie. On y trouve notamment Marc Chagall, André Breton, Max Ernst ou Hannah Arendt.
Au-delà de sortir de l’anonymat ces héros de l’époque, au regard de la résonance internationale de la plateforme noire au N rouge, c’est comme une réconciliation entre Netflix et Marseille, après avoir sorti l’ultra-caricaturale série du même nom, ridiculisant quelque peu la cité phocéenne. A l’inverse, avec Transatlantique, la mise en scène est ici ultra-léchée, particulièrement colorée, entre brillante reconstitution historique d’un moment insuffisamment connu, et une forme de thriller permanent sur les actions sublimes et courageuses pour faire passer les réfugiés. Une petite musique bien mélodieuse accompagne l’action avec une belle élégance. C’est tout un subtil et malin jeu de contrastes avec la dramaturgie historique à l’écran. Une vraie singularité dans le geste sériel.
Ces jeunes héros sont si beaux à voir évoluer. Ils sont valeureux, sans finalement trop se poser de questions, sans débattre des heures sur leurs convictions. Leur courage est un ancrage. La prise de risque est permanente mais sans avoir besoin de disserter. Cette évidente flamboyance qui les guide les rend d’autant plus attachants et permet une empathie totale. On aime être avec eux, on aimerait être eux. D’autant que la série n’est pas traversée par le manichéisme ou la binarité. On y voit de près un certain nombre de relations diplomatiques au bas mot douteuses, et souvent très lâches, avec bien sûr les autorités françaises en chef de meute, mais aussi certains pathétiques diplomates américains.
Il faut ainsi à nos héros des trésors d’ingéniosité pour déjouer les pièges administratifs, pour organiser les évasions et pour ruser en anticipation. Ils le font avec un sens inné du romantisme, souvent également une bonne dose d’humour, voire de certaines loufoqueries et tout ce qu’il faut d’insouciance à l’accomplissement des justes et nobles causes. Ils font vivre l’assertion de George Orwell : « Avoir raison en ces temps de tromperie universelle est un acte révolutionnaire « . C’est aussi le statut d’apatride, les sentiments qui peuvent parcourir un réfugié qui ont attiré Anna Winger, et clairement, la façon de mettre en scène Transatlantique fait volontairement écho à ce que tant de populations vivent aujourd’hui. Le parallèle est autant flagrant que salutaire, car sans comparer les barbaries, il s’appuie sur l’ignominie de devoir quitter sa vie, pour des sombres histoires de religions, de territoires, de pouvoir de dirigeants qui en sont restés au stade anal. L’universalité est partout dans Transatlantique. C’est une histoire tragiquement moderne bien qu’elle se déroule en 1940.
Le casting est aussi brillant et multicolore que la vie des héros ici retracée. Cory Michael Smith est un Varian Fry toute en ambiguïté entre sa rigueur dans les actions forte qu’il dirige et sa propre complexité personnelle. Il se tient droit et digne face à l’ennemi, avec pourtant cette constante émotion dans l’œil. On croit en lui tant l’incarnation prend. Lucas Englander joue également un brave dont la spontanéité et la fraîcheur irradient avec délectation le petit écran. Puis c’est tout une pléiade, une chorale dans laquelle on retrouve avec un infini plaisir Grégory Montel ou Birane Ba. Mais aussi Deleila Piasko dont l’engagement, la force, nous envoûtent. Et la mention va tout droit à Gillian Jacobs, qui est éblouissante dans le rôle de Mary Jane Gold. Tourmentée et comme forte de ses doutes, elle impose sa présence à chaque apparition et on ne voit plus qu’elle. Un régal de naturel dans son jeu. Au final, Transatlantique se démarque par un très plaisant atypisme, avec un croisement permanent des genres, qui ne sombre jamais dans le mélo ni dans la caricature, mais qui retrace un héroïsme d’époque, celui de ceux qui sauvent en chantant, et juste, ça fait du bien.
Crédits: Netflix France
Petit raccourci géographique bien américain : dans la série , Banyuls est censée être à 5h de marche de Marseille….