SYNOPSIS : Des mois qu’Antoinette attend l’été et la promesse d’une semaine en amoureux avec son amant, Vladimir. Alors quand celui-ci annule leurs vacances pour partir marcher dans les Cévennes avec sa femme et sa fille, Antoinette ne réfléchit pas longtemps : elle part sur ses traces ! Mais à son arrivée, point de Vladimir – seulement Patrick, un âne récalcitrant qui va l’accompagner dans son singulier périple…
Antoinette dans les Cévennes faisait partie de la Sélection Officielle Cannes 2020. Les Césars 2021 sont également passés par là en récompensant Laure Calamy comme meilleure actrice. Et il figurait également dans la rétrospective du Festival du Film Francophone d’Angoulême 2022. Le film de chevet de la réalisatrice, Caroline Vignal n’est rien d’autre que Le Rayon vert (1983) de Rohmer, qui vient nourrir sa passion pour les films initiatiques. Pour Antoinette dans les Cévennes, c’est ici la marche en thérapie. La médiation animale est une salutaire pratique assez répandue, mais avec un âne c’est peu courant, surtout quand celui-ci s’appelle Patrick !!! Effet comique garanti, la réalisatrice, dans son enfance, en vacances avec ses parents, ayant été marquée par un âne de ce prénom, lui rendant ainsi un sacré hommage. C’est aussi le faux plan par excellence : son amant n’est pas là ; En tant que sorcière du triangle amoureux, elle se fait bien juger par les bobos marcheurs pas si libertaires que ça. Elle se retrouve avec… Patrick… ; La marche à la base n’est pas forcément son truc. Bref, une accumulation de galères qu’elle va tenter de surmonter une à une, aidée par les Cévennes et par Patrick. Forcément, Patrick va devenir son compagnon d’infortune. L’un comme l’autre se demandant sûrement initialement ce qu’ils font là… Cet âne sera bien plus qu’« un lapin devenu grand » comme le théorisait avec malice Jules Renard. Laure Calamy est solaire dans ce road movie animalier. Patrick va beaucoup entendre, et même, voir, l’étendue du désastre de la triangulation sentimentale… On aimerait tellement qu’il nous dise ce qu’il en pense… Bon à un moment, il braie c’est vrai, mais il n’est pas totalement audible dans sa pensée !!!
« L’important, c’est pas le but, c’est le chemin » souffle-t-on à l’oreille d’Antoinette. On apprend alors avec elle la véritable histoire de Stevenson et Antoinette est un peu réhabilitée quand elle comprend que son périple est véritablement celui qui s’approche le plus de l’écrivain écossais, car comme lui, elle le fait avec un âne (bon, pour lui c’était une ânesse), et comme lui, le cœur en confettis, du fait d’un dépit amoureux. Elle va devenir au fil de ses épiques randonnées, une forme d’icône du GR des Cévennes, et ça, ce n’est pas rien. Respect Antoinette !!
Et clairement, elle va le manger son pain noir, grâce à ce chemin rédempteur, dans un film d’initiation qui, créatif et drolatique à souhait, s’érige comme un OVNI dans les banalités navrantes habituelles et tellement toutes semblables du genre. Une ode évidemment naturaliste en hommage aux Cévennes, dans ce vert à n’en plus finir, sous une chaleur souvent écrasante, doublement propice à la plus profonde des introspections. A ce sujet, Caroline Vignal : « On pense bien sûr aux westerns, aux grands films d’aventure ; peu de régions en France offrent cela… Cette beauté aride, sauvage, nous lave les yeux, et elle guérit Antoinette ».
La rythmique du film, sa mise en scène, ses plans, son écriture, la bande son, offrent une énergie jamais béate et toujours très dynamique. Car « Nous sommes tous des voyageurs » écrivait Stevenson. « Ce que nous trouvons en route c’est un loyal ami » en parlant de l’âne. Antoinette découvre façon mise en abîme ce récit pendant son périple. Patrick, du fait de l’authenticité de son jeu, son épure, sa simplicité n’avait scandaleusement pas été nommé aux Césars 2021. Sauf que…. Il y avait en fait… deux Patrick… « Pour jouer Patrick, nous avions deux ânes, l’un très vif, très technique, qui faisait toutes les cascades ; l’autre beaucoup plus lent, plus expressif, très Actor’s Studio, qui avait en charge les scènes d’émotion » confie dans un sourire la réalisatrice. Laure Calamy, paumée, est envoutante en amoureuse résiliente. Si dans A plein temps (2022), elle doit affronter une autre forme de transport, le combat ordinaire en tous cas, lui va si bien. Il faut reconnaître que quand elle confie à Patrick, son âne qu’avec son amant Vladimir, « c’était pas juste du cul », il y a de la tragédie hilarante, émotions contrastées que Laure sait incarner à merveille. Caroline Vignal était depuis Dix pour cent (2015-202) totalement fan de Laure, disant de sa muse qu’elle « a été comme une fée dans le film« . Au final, Antoinette dans les Cévennes est un bonbon très frais, un tendre portrait par et pour une actrice qui se révèle au monde de plus en plus, et Dieu que c’est bon…
Titre Original: ANTOINETTE DANS LES CÉVENNES
Réalisé par: Caroline Vignal
Casting: Laure Calamy, Benjamin Lavernhe, Olivia Côte…
Genre: Comédie, Romance
Sortie le: 16 Septembre 2020
Distribué par: Diaphana Distribution
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020