SYNOPSIS : Dans la petite ville de Calder Valley, dans le Yorkshire, la sergente Catherine Cawood va bientôt déposer l’insigne. Sept mois, une semaine et trois jours la séparent de la retraite. Mais d’ici-là, elle va devoir affronter un quotidien toujours aussi âpre. Rien ne lui est épargné ; surtout pas le pire, lorsqu’elle est appelée sur les lieux d’une découverte macabre ; des ossements ont été retrouvés dans un réservoir d’eau en maintenance.
Ça y est nous y sommes, comme nous l’évoquions la semaine dernière en revenant sur ses deux premières saisons, Happy Valley touche à sa fin. Ce baroud d’honneur qui débarque après une longue diète de plusieurs années (même si nous ne sommes pas directement concernés puisque nous n’avons découvert la série que récemment) s’avère assez magistral. Non seulement le show n’a rien perdu de sa superbe mais en outre il emmène ses personnages plus loin qu’il ne l’a jamais fait, vers une apogée pleine de sens et d’émotions, plus redoutable que jamais en termes d’écriture, de caractérisation et de développements psychologiques. Retour sur une saison pleine de symboles qui débute sur le prochain départ en retraite de notre puissante et attachante Catherine Cawood, toujours interprétée par une hallucinante Sarah Lancashire (cette dame est tout simplement brillante).
Même si une grosse ellipse le sépare de la saison précédente, ce troisième volet d’Happy Valley poursuit sur sa lancée initiale en reprenant les ingrédients qui ont fait les belles heures de la série. Nous retrouvons ainsi les mêmes personnages quelques années plus tard, mais ces derniers sont loin d’être débarrassés des fantômes du passé. D’ailleurs quelque chose est différent lors de cette nouvelle salve d’épisodes : Catherine va partir à la retraite et Tommy Lee Royce (James Norton) refait parler de lui. Nous comprenons rapidement, même si nous savons d’avance qu’il s’agit d’une saison finale, que cette fournée a vraiment été pensée comme une conclusion définitive avec la vocation primaire d’apporter enfin la paix aux protagonistes qui avouons-le en ont bien bavé. Les traumatismes de la famille Cawood et de son entourage prennent donc une place de choix au sein de l’intrigue à tel point, et comme nous le confirmera le final, que les intrigues secondaires apparaissent parfois un peu superflues. Comme dans les saisons précédentes, des personnes ordinaires vont ainsi se retrouver au centre d’évènements criminels où leur vie va basculer du jour au lendemain. Des storylines sur lesquelles la série s’attarde assez longuement avant de totalement les délaisser lors de son final, pour ne les conclure qu’en deux coups de cuillère à pot au cours de ses dernières minutes. Cela n’apparaît pas choquant mais démontre tout de même une ambition légèrement couronnée de déséquilibre sur cet aspect. Pour l’intrigue principale, par contre, c’est une réussite totale.
Catherine se retrouve donc une nouvelle fois à devoir gérer les facéties de Tommy Lee Royce, l’homme qui a détruit sa vie et qui se trouve pourtant derrière les barreaux depuis son arrestation. Les blessures du passé, jamais guéries, vont se réanimer plus vives que jamais. C’est tout l’entourage de Catherine qui va se reprendre de plein fouet la réapparition de Tommy : Ryan (Rhys Connah) tout d’abord qui cache à sa grand-mère un secret par rapport à son père mais aussi la pauvre Ann (Charlie Murphy), séquestrée et longuement violée à plusieurs reprises par Tommy au cours de la première saison. Plus que jamais la série aborde des thématiques hautement pertinentes, toujours avec justesse, afin d’achever son idée de départ. Nous le disions la semaine dernière, Happy Valley n’est pas une série ordinaire. Malgré des affaires criminelles comme étendard, ces dernières ne sont finalement qu’en arrière-plan. Depuis son premier épisode la série s’évertue davantage à raconter comment faire le deuil d’un être cher sans s’engouffrer dans une haine viscérale et à envisager un pardon en apparence inaccessible. D’autant plus ici que Ryan a grandi et souhaite connaître ses origines. Mais Catherine a peur. Elle craint que son petit-fils lui tourne le dos, voire qu’il ait hérite des mêmes gènes que son père. Si l’on doit reconnaître une immense qualité à la série c’est son écriture. Les personnages sont intelligents, ils réfléchissent, ils progressent, ils posent les bonnes questions au bon moment, ils se déchirent et au milieu de tout ça on arrive parfaitement à saisir tous les points de vue et les dilemmes moraux qui les rendent si sensibles et versatiles. C’est brillant car Happy Valley ne meuble jamais son propos, elle développe pas à pas ses personnages, propose des dialogues extrêmement ciselés ; il faut alors reconnaître que rares sont les séries qui atteignent un degré d’humanité et de maturité aussi profond. Happy Valley est une série qui sonne vraie et à laquelle on croit.
Dotée d’une écriture de haute volée, d’une protagoniste incroyablement profonde et charismatique, d’une galerie de personnages secondaires touchants et d’un développement psychologique qui pousse tous les personnages dans leurs retranchements, Happy Valley nous amène jusqu’à un climax qui nous a donné les larmes aux yeux. La confrontation tant attendue est enfin arrivée mais la série sait nous prendre à revers en sortant des sentiers battus. La violence est toujours de mise mais elle est ici davantage présente dans les mots que dans les actes, chaque phrase assenée aux uns et aux autres étant souvent d’une brutalité inouïe. Toutefois cette violence n’a pas vocation à être racoleuse ou gratuite, jamais, elle est toujours constructive et pleine de sens pour tenter d’accéder à une forme d’apaisement. Seul petit bémol comme nous l’évoquions concernant les intrigues secondaires de la vente de pilules, de l’homicide qui en découle et du prof de sport de Ryan : nous ressentons assez flagramment que la saison n’avait pas la place de tout traiter comme il aurait été nécessaire de le faire, et qu’elle a finalement été obligée de sacrifier quelques pions en chemin. Cela n’est pas bien grave, cette conclusion est dans tous les cas une réussite et ne fait que confirmer qu’Happy Valley est une série à découvrir absolument qui arrive à achever son œuvre sur l’une de ses meilleures saisons. Catherine nous manquera : c’était vraiment un grand personnage de série télévisée.
Crédits: Canal+