L’ASTRONAUTE (Critique)

Par William François le février 14, 2023 • ( Poster un commentaire )

SYNOPSIS : Ingénieur en aéronautique chez ArianeGroup, Jim se consacre depuis des années à un projet secret : construire sa propre fusée et accomplir le premier vol spatial habité en amateur. Mais pour réaliser son rêve, il doit apprendre à le partager…

L’Astronaute est la deuxième incursion du comédien Nicolas Giraud derrière la caméra, après avoir réalisé Du Soleil dans mes Yeux en 2018. Et l’ambition est toute présentée dès le pitch du film car la France s’apprête à vous mettre la tête dans les étoiles. Le film suit le brillant Jim Desforges, un ingénieur en aéronautique dont la passion pour l’espace lui a été transmise par son défunt grand-père. Le scientifique entreprend alors de réaliser son rêve d’une façon particulièrement singulière : fabriquer sa propre fusée, et être à l’origine de la première sortie extravéhiculaire en amateur de l’histoire de l’astronomie. Mais Jim, d’un naturel solitaire, va devoir apprendre à partager son projet avec une équipe hétéroclite qui se forme petit à petit autour de lui pour espérer réussir sa mission. Car, bien conscient d’être – à l’instar de son protagoniste, qu’il interprète également d’ailleurs – bien en dessous des moyeux financiers nécessaires à la conception d’un blockbuster spatial qui rivaliserait avec les immenses standards hollywoodiens du genre, Giraud concentre son tir sur le déroulement de ce projet sur la terre ferme. Son film d’espace sert alors de prétexte pour esquisser le portrait de ces humains brillants mais profondément solitaires qui s’unissent pour réaliser le plus grand rêve de l’humanité : propulser un amateur hors de la stratosphère – et le faire revenir. Le projet s’avèrera évidemment complexe (étonnamment), et occasionnera au sein du récit bon nombre de retournements de situation, de paris perdus et de déchirements émotionnels.

Car sa petite ribambelle de personnages qui vont et viennent autour de Jim servent habilement l’ambiance intimiste du long-métrage, dans l’unique but de concevoir un joli film d’équipe. Giraud campe ainsi le rêveur, leader malgré lui. Mathieu Kassovitz prend la place du vétéran désabusé. Bruno Lochet se glisse dans la peau du scientifique improvisé et Ayumi Roux devient la jeune rookie brillante. Cette galerie de personnages, hétéroclite s’il en est, porte le ton du film avec douceur au milieu de ces rêves brisés qui cherchent à se reformer.

Car L’Astronaute, tout en ne révolutionnant pas le film d’espace, propose à sa façon de rentrer dans ce petit cercle fait de bric et de broc, qui s’affairent dans une jolie ode à l’artisanat et au DIY (le « Do It Yourself ») en gardant la tête dans les étoiles – même sur le plancher des vaches. Nicolas Giraud déploie alors une mise en scène sobre et sans artifices (à l’exception de ses quelques effets spéciaux obligatoires) pour rester à hauteur de ses personnages et des complications constantes qu’implique la mission. On s’attache alors facilement à eux, à leurs rêves improbables et à leurs objectifs absurdes, conférant à cette mission « Fabrique Ta Fusée » une vraie portée inspirante et touchante. Car, bien loin des élans de physique quantique d’Interstellar ou des vertiges spectaculaires de Gravity, L’Astronaute se rapproche presque dans son approche du First Man de Damien Chazelle, centrant sa caméra sur un homme, doux rêveur mis à mal par la vie, qui trouve dans sa mission la possibilité d’une catharsis, d’un accomplissement, d’une revanche sur le cours des évènements. Et Giraud ferme son film sur une séquence particulièrement impressionnante, autant visuellement que thématiquement, qui conclue intelligemment tous les points abordés par le film.

S’il pêche parfois par son léger manque de rythme et la naïveté de certains dialogues (qui se positionnent en phase avec la naïveté affichée de la mission), L’Astronaute est une jolie bulle de création et d’imagination, proposant à ses humains solitaires de se lier par le cours des choses à un rêve impossible commun. Une jolie ode à la débrouille qui marche autant sur l’écran que par ce qu’elle tente d’apporter au cinéma français. En tentant de l’amener dans l’espace sans le budget pharaonique nécessaire à ce genre de production, Nicolas Giraud propose un portrait réussi et attachant qui mérite bien quelques étoiles.