Critiques

JEUX D’INFLUENCE – LES COMBATTANTES (Critique Saison 2) « L’issue du combat manque clairement de panache… »

SYNOPSIS: Face aux dérives criminelles d’une multinationale de l’agroalimentaire et à la passivité de l’État, une journaliste pugnace (Alix Poisson) et une activiste écologiste (Marilou Aussilloux) incarnent deux faces de la résistance.
 
Alix Poisson est de retour dans la peau de la journaliste Claire Lansel, toujours sous la direction de Jean-Xavier De Lestrade, pour une seconde saison de Jeux d’influence, d’ailleurs assortie du sous-titre (peu inspiré) Les Combattantes. La première saison (qui remonte déjà à 2019) avait apparemment marqué les esprits grâce à sa capacité à questionner les rouages des écœurantes ficelles qui régissent nos alimentations, nos vies et bien sûr nos morts. La nouvelle fournée d’épisodes continue sur la même lancée avec une ambition certaine de coller au mieux à la réalité via un cadre aussi réaliste et immersif que possible. D’une indéniable utilité publique, cette suite souvent maladroite continue dans la mouvance du film Goliath (où était aussi présent Laurent Stocker, décidément…mais on ne va pas s’en plaindre car il est extraordinaire) sorti en mars 2022, qui se révélait d’ailleurs être l’un des meilleurs longs métrages de l’année écoulée. Mais un bon sujet fait-il nécessairement une bonne saison ?
 

Déjà répondons tout de suite à la question que vous pourriez vous poser : si vous n’avez pas vu la première saison, vous ne partirez pas avec une épine dans le pied en découvrant Les Combattantes : le récit est accessible, les personnages bien réintroduits et les événements antérieurs largement évoqués pour aisément recoller les morceaux et saisir les éventuelles motivations et aspérités des uns et des autres. Ne vous privez donc pas d’un visionnage en pensant être perdus, cela ne sera guère le cas. Cette suite nous a d’ailleurs donné envie de voir la première saison, ne serait-ce que pour étudier sous quel angle elle attaquait, même si des pistes sont largement dessinées à ce sujet dans Les Combattantes. Nous ne comparerons donc pas cette saison à sa sœur aînée. La série joue sur plusieurs tableaux afin de ne pas traiter les sujets mis en avant de façon linéaire : activistes, Ministre de l’agriculture, lobbyistes, journalistes, employés contaminés, mères de famille qui veulent obtenir justice pour leurs enfants malades… le spectre d’intervention de Jeux d’influence est aussi large que documenté et c’est sa deuxième force. Oui la deuxième : sa première force c’est son casting.
 
 
Bien sûr tout le monde y excelle, y compris les seconds rôles et les troisièmes couteaux. Il faut impérativement le souligner car au-delà du scénario ce sont bel et bien eux qui apportent la puissance nécessaire à l’ensemble et qui subliment même des passages pourtant tout à fait basiques en apparence. Laurent Stocker. Que dire d’autre si ce n’est qu’il crève littéralement l’écran ? D’une aisance et d’une crédibilité incroyables, y compris lors d’interactions pas toujours évidentes à assumer (face-à-face avec Léa Salamé, discussion avec des agriculteurs excédés, discours politiques…), Laurent Stocker incarne sans nul doute le personnage le plus intrigant et le plus intéressant de la série. Sans lui le rôle n’aurait sûrement pas cette épaisseur et cette réalité dans laquelle il s’inscrit. Petit aparté en parlant de Léa Salamé : le dernier échange entre elle et Guillaume Delpierre (Laurent Stocker) n’a pas pu nous empêcher de sourire, nous ramenant tristement (ou pathétiquement, au choix) aux risibles déclarations qui avaient suivi le retrait de Nicolas Hulot il y a quelques années. A côté de ça, dans les performances de haute volée, nous retrouvons des têtes bien connues, à commencer par Noam Morgensztern, autre acteur d’exception qui mériterait des rôles majeurs puisqu’il crevait déjà l’écran en Tony Meilhon dans l’excellente mini-série Laëtitia et s’illustrait également dans Paris Police 1900. Du côté des crapules (pour rester polis), ce sont Jean-François Sivadier et Guillaume Marquet qui se glissent dans leurs souliers. Et ils brillent. Guillaume Marquet a cette facilité naturelle à devenir aisément détestable tout en apportant un relief au personnage qui est tout à fait salvateur pour ne pas tomber dans la caricature. Bien sûr difficile de ne pas évoquer aussi Alix Poisson qui incarne tout de même le personnage principal. N’y allons pas par quatre chemins : nous n’avons pas aimé le personnage de Claire Lansel. Largement antipathique et égoïste, elle ne manque certes pas de ténacité mais elle irrite régulièrement, nous obligeant à y voir une sorte de « mal nécessaire » puisqu’elle soutient un vrai combat, qui n’est rien d’autre que celui de vivre sans avoir à ingurgiter tout un tas d’immondices pour satisfaire des plus hauts intérêts. Mais Claire est loin d’être le pire personnage. Nous le disions précédemment : la série explore plusieurs angles afin de tisser une toile plus ou moins exhaustive des parties concernées par une telle quête de vérité et de non-vérité. L’un des arcs repose sur le personnage de Chloé Forrest (Marilou Aussilloux) rescapée de la saison 1 et bien décidé à faire toute la lumière sur le décès de son père. Nous comprenons bien ses motivations mais…le personnage est infect et tout bonnement imbuvable à chacune de ses apparitions. En termes d’antipathie, de dialogues inutiles et de passages tantôt ridicules, tantôt « je brasse du vent », Chloé remporte aisément la palme et plombe clairement la dynamique du show qui n’est déjà pas toujours parfaite. Sans conteste l’arc et le personnage les plus mal écrits de cette saison. 
 
 
D’ailleurs il manque quelque chose aux Combattantes. Un équilibre, ou un bout d’âme. Peut-être que cette âme aurait dû être incarnée par Claire, peut-être par Chloé, peut-être par quelqu’un d’autre, qui sait ? En tout cas Les Combattantes principales sont paradoxalement les personnages les plus vides et inintéressants de la saison. Un comble. Heureusement que les valeurs morales défendues par ces dernières vont bien au-delà pour le téléspectateur d’une simple incarnation par les interprètes et permettent malgré tout de rentrer facilement dans les sujets au centre du scénario : un scandale sanitaire causé par du grain impropre et du lait contaminé. Pourtant la série regorge aussi de qualités scénaristiques. Ainsi l’arrivée de Claire dans la vie des agriculteurs (mais pas que) violents et récalcitrants, bien qu’un peu répétitive (mais le répétitif est ici nécessaire puisqu’il est décourageant pour la protagoniste) est parfaitement brossée : violence verbale, jeu du chat et de la souris, vents à répétition…dès le début nous sentons que l’enquête sera rude et tourmentée.
 

C’est peut-être aussi en cela que la saison déçoit un peu : l’issue du combat manque clairement de panache. A contrario d’un film comme She Said où deux journalistes remuaient ciel et Terre pour faire sortir du silence ne serait-ce qu’une ou deux victimes afin de faire éclater un immense scandale, pour finalement y arriver et provoquer un déferlement d’émotions, Jeux d’influence nous emmène avec un encéphalogramme presque plat au bout du chemin sans que nous ne sachions trop si c’était le but voulu ou non. Certes le combat à mener a de quoi rendre pessimistes et la série souhaite davantage se rapprocher du documentaire que du conte de fée mais il n’empêche que le chant du cygne retombe un peu comme un soufflé. Une absence d’émotion et d’intensité parfaitement résumée par Claire et Chloé
 
Chloé : « C’est bizarre, je vois ça et je ressens rien« .
Claire : « Moi non plus, pas grand-chose« .
 
Avec le recul, c’est peut-être justement le souci majeur de cette saison : on n’a pas ressenti grand-chose, si ce n’est la sensation de voir notre curiosité attisée par le traitement d’un sujet traité aussi consciencieusement et surtout ressentir du plaisir en admirant une magnifique brochette de comédiennes et comédiens jouer impeccablement. Si jamais vous loupez la diffusion télévisée, n’oubliez pas d’aller sur arte.tv (la saison y sera disponible jusqu’au 14 juin). De notre côté nous allons de ce pas rattraper la saison 1, que nous espérons mieux équilibrée. 
 
Retrouvez la critique de la saison 1 signée Stéphanie Gaillard ici
 
Crédits : Arte

1 réponse »

  1. J’ai eu la chance de faire saison 1 et 2 dans la foulée. Peut-être est-ce pour cela que je mittigerais cette critique. Effectivement, dans la saison 2, certains personnages manquent clairement d’épaisseur, même au bout de 6 épisodes. Maintenant, cette saison est extrêmement ambitieuse par le nombre d’angles qu’elle intègre.
    Dans cette dernière j’ai adoré: le côté « house of cards » de Matignon, le jeu des journalistes ainsi que les désespoirs et combats des « gens du peuple ».
    Cette saison fait le job et ce toujours dans la veine (toute fraîche) de la saison 1. L’empathie prend et le sujet traité comme un docu, porte au but. Elle ne laissera pas indifférent le spectateur face à tous les défis masqués par nos indifférences.

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