Fin mars 2020, le Premier Ministre britannique Boris Johnson est hospitalisé en urgence. Atteint de la COVID-19, le leader du Royaume-Uni passe plusieurs jours en soins intensifs. La série retrace les actions de Boris Johnson et de son gouvernement face à la première vague de la pandémie mondiale.
Les créateurs de la série, Michael Winterbottom (Jude) et Julian Jarrold sont notamment connus pour avoir collaboré à la saison 4 de The Crown (2016-2022). Dans This England le travail de recherche documentaire est très précis sur la gestion de la crise sanitaire, par le biais de la stratégie délirante de l’immunité collective qui va s’avérer meurtrière. Il faudra, comble ubuesque, que Boris Johnson soit lui-même affecté par la maladie, pour qu’il consente à ouvrir les yeux. Une telle série sur un tel sujet s’ausculte aussi sur les réactions qu’elle a engendrées outre-manche, chez nos cousins préférés, ceux qu’on adore détester et qui nous le rendent si bien. A ce jeu-là, force est de constater que les critiques sont assez froides… Il est notamment reproché à la série une forme de complaisance avec BoJo, où encore de déployer trop d’images chocs sur la COVID-19 alors que l’on manquerait trop de recul et de distance pour analyser, car trop humainement touchés par cette tragique pandémie. Toujours est-il que This England, si pour la presse britannique paraît comme tiède, vu d’ici honnêtement, Boris Johnson et son gouvernement prennent quand même super cher. En effet, le prisme de mise en scène assez captivant au démarrage sur la différenciation d’espace et de temps, entre les souffrances hospitalières et la vie au 10 Downing Street, souligne au bas mot la légèreté de Boris Johnson face à ce que les décideurs savent être comme une pandémie qui nous fonce dessus avant même qu’elle ait réellement commencé. Les médecins eux-mêmes, sur le terrain, dans l’héroïsme de leur sacrifice, face à la lenteur des décisions, à leurs caractères de plus en plus absurdes et éloignées de la réalité, qualifient les décideurs, et leur chef en tête « d’abrutis ». Pendant ce temps-là, Johnson se prend pour Churchill, mais Boris incarne en réalité l’antithèse caricaturale de Winston. Dans les réunions avec ses conseillers, il paraît le plus minuscule, tant, accablé par le poids des responsabilités, il se tasse ridiculement sur sa chaise.
Là, où il faudrait être pragmatique, l’ex premier ministre se prend pour un poète… et un mauvais… Bojo devient Bozo. Il ne reprend finalement pas l’adage de son idole et de l’icône de toute une nation : » Du sang, du labeur, des larmes et de la sueur » en comprenant, épousant et faisant corps avec sa population plutôt que de chercher à tout surplomber. La série nous dit aussi que Boris était à Winston ce que les Worlds Apart étaient aux Beatles. Autre contraste, et clairement le plus saisissant tant il est mortifère entre d’une part l’accumulation de situations individuelles poignantes de toutes celles et ceux qui perdent un parent, un mari et d’autre part, la désinvolture coupable, la légèreté crasse et l’amateurisme terrifiant du pouvoir britannique à l’image de ce redoutable compteur aux lettres rouges sang, qui donnent plusieurs fois par épisode l’impressionnant delta, le macabre écart entre les cas estimés par les autorités et la réalité au cœur de la population.
Au moment où la population se meurt, BoJo se demande « Comment on va payer tout ça?« . Non définitivement, les politiques ne sont pas des penseurs structuralistes mais des comptables froids et austères. Au-delà de changer les dirigeants, c’est comme si Johnson voulait changer de peuple… Au travers des moments singulièrement émouvants, notamment dans les EHPAD ou l’hôpital, nous revivons des moments douloureux… Poignant dans la vraie vie des vrais gens, pitoyable au 10 Downing Street. Et clairement, au fil des épisodes, le fossé grandit au rythme hallucinant de la progression de la pandémie. Le dévouement des soignants jusqu’au sacrifice noue les gorges… Rien que pour la glorification des héros anonymes, This England peut se regarder avec beaucoup d’attention. Mais, il existe un grand mais… Car le problème dans cette alternance est qu’elle devient au bout du 5ème épisode et peut-être même avant pour les plus impatients, particulièrement rébarbative. Une fois que nous avons compris l’idée force, on ne sait plus au final où nous amène This England, et quand même, c’est un sacré problème.
Si l’idée originelle est excellente et l’empreinte so british so good, on finit assez épuisé de l’épuisement des soignants, en overdose de toutes ces images de respirateurs, et d’une surenchère de situations individuelles tellement nombreuses, que l’empathie est au final trop éphémère. C’est un peu comme si la série se voulait choc à tout prix, peu importe la lourdeur et la massivité de son message, qui pourtant devient gênant et frôle par moment le risque de décrochage. Clairement, Kenneth Branagh dans le rôle de Boris Johnson écrase l’ensemble. On est comme à mi-chemin d’un mimétisme qui nous ferait confondre le réel et la fiction, façon Val Kilmer/Jim Morrison dans The Doors (1991) et une imitation qui parfois frôle la caricature plus qu’une interprétation. Mais la frontière est toujours ténue pour ce type de rôles, et la formation théâtrale de Sir Branagh donne tout de même un relief fascinant et captivant à son personnage et forcément à toute la série. Le reste du casting, malgré cette omniprésence de Kenneth/Boris est largement à la hauteur, avec notamment Ophélia Lovibond, drôlement convaincante dans le rôle de Carrie, la girlfriend du Prime Minister et Simon Paisley Day, parfaitement sec de cynisme en jouant le sulfureux conseiller Dominic Cummings. Au final, This England revient avec un sens assez sidérant de l’authenticité sur la froide déconnexion et l’immense incompétence des autorités britanniques face au pire, Boris Johnson en tête blonde de gondole. Si elle se regarde par moment véritablement avec passion, un effet de masse nuit parfois. C’est vraiment à tout point de vue une série de contrastes….
Crédits: Canal+