SYNOPSIS: Deux journalistes du New York Times, Megan Twohey et Jodi Kantor, ont de concert mis en lumière un des scandales les plus importants de leur génération. À l’origine du mouvement #Metoo leur investigation a brisé des décennies de silence autour du problème des agressions sexuelles dans le milieu du cinéma hollywoodien, changeant à jamais la société américaine et le monde de la culture.
Alors que Me too a profondément bouleversé l’industrie cinématographique et que l’affaire Harvey Wenstein a servi de détonateur pour libérer la parole des femmes, il n’est pas étonnant de voir cinq ans après ces révélations en cascade une cinéaste s’emparer de ce sujet brûlant. C’est la réalisatrice Maria Schrader (I’m your man) qui se colle avec She Said, à l’adaptation du livre de deux journalistes du New York Times, Jodi Kantor et Megan Twohey, She Said, les dessous de l’enquête qui a révélé l’affaire Weinstein. Les deux jeunes femmes obtinrent avec d’autres collègues la plus haute distinction journalistique pour leur enquête, le Prix Pulitzer. Écrit par Rebecca Lenkiewicz (Désobéissance, Colette) She said permet à la réalisatrice allemande de raconter le mécanisme de l’enquête qui a fait tomber le mogul de la société Miramax, qui fut tout puissant durant des années, le sentiment d’impunité en bandoulière. En décortiquant, le modus operandi du producteur, en découvrant les accords de non-divulgation extorqués contre des sommes rondelettes, les deux journalistes ont cherché et trouvé de nombreuses femmes (actrices, ex-employées de Wenstein…) et les ont persuadées de témoigner. Dans le film, Maria Schrader appose le canevas du film enquête, popularisé par le maitre-étalon du genre, Les hommes du président en 1976 ou par Spotlight en 2015 et force est de constater qu’elle a fait sienne les vertus de ses modèles.
Si on est loin du film d’action, le sujet du journalisme d’investigation, se doit, sans pouvoir recourir au mouvement, de maintenir l’attention et de faire avancer des enquêtes par de multiples rebondissements narratifs et autres fausses pistes. C’est l’une des difficultés de l’entreprise, que ses devanciers sont parvenus à résoudre, sans jamais déroger à leur note d’intention initiale. She said y parvient également, et si l’enquête est connue, ses dessous, ses magouilles, ses rebondissements, le sont moins et le film dévoile avec moult détails la manière dont le célèbre producteur, a commis ses forfaits sans être inquiété des années durant.
Si She said fait la part belle aux deux reporters, le film ne les idéalise pas. Elles sont faillibles, n’ont rien de super-héroïnes (leur vie quotidienne est souvent très banale, entre dépression post-partum pour l’une et jonglage entre mari et enfants pour l’autre). Leur association n’a rien d’une évidence au départ mais leur entente, leur complicité et leur complémentarité vont en faire un redoutable tandem. Leur pugnacité devant le mutisme de victimes qui ne parviennent pas à se libérer du poids des maux va leur permettre d’accomplir des miracles. Zoe Kazan et Carey Mulligan leur prêtent leur talent et c’est loin d’être facile tant les occasions de se distinguer sont rares. Non pas que les deux comédiennes soient neutres, bien au contraire, mais c’est dans leur précision et la rigueur de leur enquête qu’elles sont formidables, qu’elles s’inscrivent dans la droite lignée des personnages incarnés par Redford, Hoffmann ou Ruffalo et que, longtemps après la projection, on repense à leurs prestations impeccables. On va surtout s’inscrire définitivement au fan-club de Zoe Kazan qui nous a totalement renversés.
Difficile aussi pour Maria Schrader d’user d’une mise en scène spectaculaire avec force mouvements d’appareils. La réalisation est souvent statique, discrète et laisse le sujet au premier plan et surtout elle fait place au courage déterminant des victimes de Wenstein. Le tout peut parfois sembler plutôt illustratif mais c’est pour une bonne raison. L’une des vraies bonne idées de cinéma est de ne pas montrer le visage de Wenstein en le filmant de dos pour le faire retomber dans l’anonymat auquel son statut de condamné va le ramener. Et le faire tomber pour de bon dans les oubliettes d’où il n’aurait jamais dû sortir. Au final, She said est un vrai plaidoyer pour les victimes, qui à la force du poignet se sont extraites de leurs conditions pour enfin trouver le répit que la condamnation de ces crimes leur accorde à minima. She said se hisse à la hauteur de ses prédécesseurs car il n’est jamais dans l’esbroufe et toujours prêt à laisser aux victimes la place qui leur est due sans jamais leur renier ce droit.
Titre original: SHE SAID
Réalisé par : Maria Schrader
Casting: Carey Mulligan, Zoe Kazan, Patricia Clarkson …
Genre: Drame
Sortie le: 23 Novembre 2022
Distribué par : Universal Pictures International France
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020