MEURTRES SANS ORDONNANCE (Critique)

Par Pierre Chamb le novembre 3, 2022 • ( Poster un commentaire )

SYNOPSIS: Amy, infirmière attentionnée et mère célibataire souffre d’un grave problème cardiaque et se retrouve poussée à bout par des gardes nocturnes éreintantes dans l’unité des soins intensifs où elle travaille. Par chance, elle finit par trouver de l’aide auprès d’un nouveau collègue prévenant et empathique, Charlie. Passant de longues nuits ensemble à l’hôpital, les deux soignants se lient d’une amitié solide et dévouée. Pour la première fois depuis des années, Amy se remet à croire à un avenir pour elle et ses filles. Cependant, quand une série mystérieuse de décès de patients déclenche une enquête qui désigne Charlie comme suspect principal, Amy est obligée de risquer sa vie et la sécurité de ses enfants pour découvrir la vérité.

Ces derniers temps Netflix met l’accent sur la vie des serial killer, avec notamment Dahmer, retraçant le parcours sanglant de Jeffrey Dahmer. En cette fin du mois d’octobre, la plateforme décide de sortir un nouveau film, racontant cette fois-ci un passage de la vie (l’arrestation pour être précis) du meurtrier Charles Cullen. Le film commence en 1996 dans l’hôpital de St Aloysius, où un patient est en train de faire un arrêt cardiaque, la première personne arrivant à son secours est un jeune infirmier qui semble très perturbé par cette urgence. Dès la deuxième scène on se retrouve en 2003 au sein d’une équipe de nuit qui travaille à l’hôpital de Parkfield Memorial. On découvre une infirmière compatissante et attentionné du nom d’Amy Loughren (Jessica Chastain), mère célibataire, elle subit beaucoup de pression au travail, et est sujette aux évanouissements, se battant dans le plus grand secret contre une maladie cardiaque potentiellement mortelle. Pour pouvoir obtenir des prestations convenables et soutenables par son budget, elle doit encore travailler quelques mois. L’hôpital, et plus particulièrement le service d’Amy, manque cruellement de personnel, l’infirmier Charlie Cullen (Eddie Redmayne) est une aubaine pour eux puisqu’il est engagé dans le service de nuit, personne très calme, sociable, attentionné et efficace dans le travail, il est tout de suite adopté par ses collègues. Tout en partageant de longues nuits à l’hôpital, il va développer une amitié forte et dévouée avec Amy, en lui donnant un coup de main avec ses enfants, en respectant son secret et même en la soignant avec affection, volant des médicaments dans le stock de l’hôpital. Pour la première fois depuis des années, Amy retrouve confiance en elle.

Après que des patients décèdent mystérieusement, une enquête menée par deux détectives va être ouverte. Celle-ci va dévoiler que les autorités hospitalières sont très mal à l’aise par ces décès inexpliqués mais ne veulent pas l’admettre, comme tous les précédents employeurs de Cullen, et conspirent ainsi pour entraver l’enquête. Celle-ci désigne Charlie comme le principal suspect et soupçonnant le pire, Amy décide de travailler avec la police pour le faire tomber. Elle sera ainsi forcée de risquer sa vie et la sécurité de ses enfants afin de découvrir la vérité. Le réalisateur Tobias Lindholm est un cinéaste qui voit avec un méfiance le monde d’Hollywood et le considère comme un endroit où certains de ses pairs se sont égarés, il a notamment déclaré : « J’avais vu beaucoup de cinéastes scandinaves géniaux disparaître dans le système de studios américains et ne pas finir par faire le film qu’ils voulaient faire. » Il n’en reste pas moins fasciné par les exportations culturelles américaines comme le jazz et le hip-hop. Après trois premiers films purement danois, R, Hijacking et A War, il se lance avec ce fillm dans la réalisation de son premier projet en anglais.

Accompagné pour l’écriture de la scénariste Krysty Wilson-Cairns qui a conçu un thriller procédural basé sur le véritable cas de crime de Charles Cullen, l’infirmier du New Jersey, arrêté en 2003, après avoir apparemment tué des centaines de patients au fil des ans. Pour l’interpréter c’est Eddie Redmayne qui prête ses traits au tueur en série discret, calme et stratégique. Il le dépeint efficacement, donnant une performance incroyablement inquiétante en tant que meurtrier réservé dont le visage fade devient un masque étrange d’apitoiement sur soi et de déni, à l’exception d’une explosion permettant au comédien de montrer ses talents psycho-dramaturgiques mettant l’accent sur les forts problèmes psychologiques de Charlie. Sa collègue infirmière surmenée est interprétée par Jessica Chastain. Après un 355 en demi-teinte, on la retrouve à l’opposé de son rôle oscarisé dans The Eyes of Tammy Faye, où elle composait une performance haute en couleurs. Ici elle projette subtilement l’amour, la dignité et l’empathie, en donnant vie à Amy, une sensibilité particulièrement brillante dans les petits moments du film en tant qu’âme vive mais vulnérable tout en voulant empêcher son ami de causer davantage de tort.

Le duo de détectives est tenu par Nnamdi Asomugha et Noah Emmerich qui font une bonne impression et qui sont plutôt solides, même si le scénario ne leur permet pas d’exploiter totalement leurs rôles d’enquêteurs. Ils complètent néanmoins la mécanique procédurale qui lutte contre Kim Dickens qui enfile le costume antagoniste de l’hôpital. Le film montre en quelque sorte une mise en accusation des systèmes américains, beaucoup d’hôpitaux (alors en pénurie d’infirmiers) ayant fermé les yeux sur les atrocités de Charles Cullen, des exigences et des prestations de soins de santé qui ont retenu Amy Loughren. Le défaut du film réside dans le fait qu’il manque cruellement de rythme, là où d’autres films policiers, suivent une enquête dans un film proche du huis clos, tout en misant sur des rebondissements, un cliffhanger ou d’autres scènes un peu plus angoissantes. Meurtres sans ordonnance passe à côté de cet aspect-là. Néanmoins il fait une impression sophistiquée grâce à son histoire pleine d’humanité, émouvante et profondément politique, rehaussée par une cinématographie plutôt claustrophobe.