Critiques Cinéma

MASCARADE (Critique)

SYNOPSIS : Lorsqu’un jeune gigolo tombe sous le charme d’une sublime arnaqueuse, c’est le début d’un plan machiavélique sous le soleil brûlant de la Côte d’Azur. Les deux amoureux sont-ils prêts à tout pour s’offrir une vie de rêve, quitte à sacrifier celle d’une ancienne gloire du cinéma et d’un agent immobilier ?

Passions, crimes, trahisons… Après Monsieur et Mme Adelman et La Belle Époque, Nicolas Bedos tourne en dérision le monde cruel de l’argent roi et nous livre une nouvelle fresque sentimentale. L’envie de faire ce film vient « de mes cauchemars dans mes rapports aux autres » selon son créateur, Nicolas Bedos. S’il existait comme un incontestable vent romanesque poétique dans Monsieur et Madame Adelman (2016) et La belle époque (2019), le sujet attaqué par le cinéaste cette fois ci sur le papier, prête moins à la rêverie nostalgique, à l’échappée mélancolique. Il n’empêche –OSS 117, alerte rouge en Afrique noir (2021) mis à part, franchise qui n’est pas son bébé originel -, la façon de filmer l’amour et le temps de Nicolas Bedos est dans Mascarade toute aussi vertigineuse que dans ses deux premiers films, avec cette caméra tournoyante qui virevolte de plus belle. Il est comme insolent de talent et il y a quelque chose qui ressemble de plus en plus à une pure patte Nicolas Bedos, un regard acerbe mais récréatif. « Nicolas, il est son film ». Emmanuelle Devos comme d’habitude, tue le match. En introduction : « A sunny place for shady people » (un endroit ensoleillé pour des gens louches) de Somerset Maugham pour donner le ton, puis très vite, une scène surréaliste où Margot (Marine Vacth) impose à Adrien (Pierre Niney) de conduire une voiture de luxe sans jamais freiner, tant qu’il n’aura pas joui, pendant qu’elle se charge de l’y aider… C’est une pure illustration de ce que sera Mascarade, irrévérencieux, qui va très vite, parfois subversif, tellement ingénieux et créatif.

Mascarade, c’est aussi le sens de la formule. Si elle est parfois plus vulgaire et moins lyrique que dans ses précédents opus, c’est aussi car précisément, il situe son action dans le pire de la superficialité crasse de la Côte d’Azur, chez les ultras riches. C’est semble-t-il complètement assumé et cohérent, avec des dialogues toujours au service d’une cruelle démonstration du cynisme, voir ici des ténèbres de l’âme humaine. Les hommes sont très vite ridiculisés dans leurs multiples faiblesses et les femmes souvent perverses et manipulatrices à souhait, les ambitieux prêts à tout, les méga-argentés capables de rien. Il existe dans Mascarade comme une équité dans la façon d’allumer à peu près tout le monde. A propos des mecs, une fois mis en condition : « Je ne connais aucun homme qui ne se sente pas irrésistible« . Une invitation réflexive totalement contemporaine, pour un cinéaste qui s’il n’aime pas son époque, la dissèque avec jubilation un coup au délicat scalpel, puis dans la minute suivante à la tronçonneuse qui tache. Mascarade, c’est très puissant esthétiquement, il existe comme une couleur, Nicolas Bedos en met partout, avec un enchainement endiablé de vignettes, parfois toutes aussi délirantes les unes que les autres, un foisonnement foutraque et intense, mais clairement qu’est-ce qu’on se marre. On rit beaucoup dans Mascarade, car les répliques sont cinglantes, c’est une folie enivrante, avec comme une forme de comique haletant. On est comme pris à la gorge, mais c’est finalement une caresse. Car ce filmeur de l’amour à tous les temps, mixe les genres avec délice pour faire passer son message d’universalité de la passion.

Mascarade, malgré ses atours parfois sciemment grossiers, c’est un cinéma classe, élégant et souvent très drôle. Cette variation sur le pouvoir de l’argent est d’une brillante noirceur, même si parfois le message initial de satire se perd un peu dans une narration si ample. Mais ce n’est pas au final ce qui compte le plus, tant le réalisateur fait bruler la bobine d’un esthétisme de l’image et du verbe. Ça va vite et on ne s’ennuie jamais. Nicolas Bedos nous refile sa peur de l’ennui. Ça rebondit, change de décennie, ça filme à 200 à l’heure puis ça ralentit, mais ce n’est que du cinéma donc tout va bien. Sauf peut-être à la fin, où l’intrigue est un peu excessive, et ce n’est pas d’ailleurs pas la première fois qu’on surprend le réalisateur à ne pas être à l’aise pour terminer un film, mais peut-être justement, aime-t-il trop le cinéma… Nicolas Bedos aime surtout les acteurs, et ces derniers le lui rendent. Cet amour-là transpire sous nos yeux car c’est un collectif qui se transcende.

D’abord, il y a Marine Vacth. Elle crève le grand écran et c’est loin d’être la première fois, mais cette fois-ci, elle joue d’une blessure, d’un intime qui nous fait voyager avec elle partout où elle le voudrait. Elle est omniprésente, animale, et on aime tant être avec elle. « Quand on filme Marine Vacth, on a l’impression de faire un grand film  » dira le cinéaste amoureux autant que nous… Emmanuelle Devos ne touche déjà plus terre depuis longtemps, chacune de ses apparitions récentes est une émotion nouvelle, une grâce de chaque instant, un tel plaisir de jeu, et oui, comme François Cluzet qui ne sait plus où donner de la tête, elle aussi, on la suivrait au bout du monde. Un peu comme dans Peter Von Kant (2022), Isabelle Adjani est parfaite en drama, et ce n’est pas dommage à son âge de casser son image, d’autant qu’elle le fait avec cette inégalable sensibilité. Évidemment, Monsieur Pierre Niney, l’élève préféré de Guy Bedos au conservatoire, brulant de beauté et de ce talent hors normes, une modernité de jeu avec pourtant tout l’ancrage des grands. Il est porté par la folie de son personnage. Il s’éclate, ça se voit, et on en redemande.Et tous les autres avec notamment ce plaisir immodéré de voir à l’écran Charles Berling, qui ici joue un régal de cynisme ou Laura Morante en chef d’orchestre de coulisses, perturbante d’élégance. Au final, Mascarade est une folle farandole où un cinéaste irrévérencieux avec ses contemporains leur déclare pourtant un amour vachard, qui semble réciproque tant la grande salle de cinéma était quasi pleine et clairement conquise. Il n’y a plus qu’à se laisser séduire, ça tombe bien c’est l’objet du film.

Titre original: MASCARADE

Réalisé par: Nicolas Bedos

Casting: Pierre Niney, Isabelle Adjani, François Cluzet …

Genre: Comédie dramatique

Sortie le:  02 Novembre 2022

Distribué par : Pathé

EXCELLENT

 

 

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s