SYNOPSIS: Flingues à la main, gros cylindres et bombes atomiques entre les jambes, Pistoléro et ses potes, les grandes gueules cassées des Victors, n’ont qu’un seul but : écumer les terres sauvages d’Amérique pour venger la douce du big boss, brûlée vive par le gang de motards des 666. Une seule façon d’y parvenir : suivre la route qui mène droit en enfer…
On ne le dira jamais assez : parmi tous les merveilleux apports de ce cher Quentin Tarantino à notre art préféré, sa faculté à s’imposer en DJ de la référence cinématographique à l’image des professionnels du sampling vis-à-vis de la musique aura eu quelque chose de fièrement révolutionnaire, ouvrant la voie à l’ère du postmodernisme le plus éclatant. Hélas, tout le monde n’a pas son groove ni son tour de main pour prétendre mériter une part du gâteau aussi grosse que la sienne, et en l’état, un certain Larry Bishop n’a pas eu assez de recul pour s’en rendre compte. Le bonhomme n’est pas du tout un inconnu pour le cinéphile lambda puisqu’en plus d’être le rejeton de l’acteur Joey Bishop, on lui doit une solide carrière d’acteur dans un paquet de séries B plus ou moins oubliables (dont un panel de films de bikers post-Easy Rider) et un petit détour par la réalisation via l’improbable mais très réjouissant Mad Dogs, sorte de parodie de films noirs hollywoodiens au casting vertigineux sortie en 1996. Mais pour le bouffeur de popcorn lambda (ou tout du moins celui qui reste jusqu’à la fin des films afin de retenir le générique en entier), il y a fort à parier que seule sa prestation-éclair au début de Kill Bill 2 aura été un tant soit peu remarquée (c’était lui, le propriétaire râleur et pas cool du bar miteux où bossait Michael Madsen). Toujours est-il que le tournage du diptyque tarantinesque aura vu la gestation en parallèle d’un film de Hell’s Angels contemporain, chapeauté de loin par l’ami QT, où Bishop, déjà réalisateur et scénariste de la chose, aura fini par coller son nom et son visage sur l’affiche et en tête du casting, en lieu et place d’un Bruce Willis démissionnaire. Et c’est là que les choses se gâtent…
Il faudra au spectateur le plus tolérant une suspension d’incrédulité plus affûtée que la moyenne pour admettre que Bishop était l’acteur adéquat pour incarner le rôle principal. Parce qu’ici, le chef d’une bande de bikers badass qui fait régner la loi sur les routes texanes en chevauchant son destrier de métal (et aussi un paquet de bimbos muy caliente !), ça ressemble à quoi avec la tronche de Larry Bishop ? A un gringalet aussi moche qu’un furoncle, avec une petite taille qui contraste avec l’imposante posture mastoc de ceux qui lui servent d’hommes de main, un faciès de psychopathe aux yeux exorbités qui fixent le vide, des lunettes de soudeur en lieu et place d’une paire de Ray-Ban, une barbichette de poils pubiens, une permanente à rendre jalouse Rachida Dati, une peau over-carbonisée que l’on imagine due à un mauvais réglage lors d’une séance UV, et bien sûr, un charisme en-dessous du zéro. On s’effare aussi de sentir l’homme-orchestre pas du tout étonné que les jolies pépées du casting (Leonor Varela, Julia Jones, Laura Cayouette, Cassandra Hepburn : excusez du peu !), pour la plupart réduites à un défilé de jolis popotins et de nichons bien remplis, passent tout le film à enfiler devant lui les déhanchés les plus lascifs et à lui réclamer un arrosage rapide pour éteindre l’incendie sur leur entrejambe (désolé pour la métaphore…). Un plaisir de cinéphage bisseux bien vicelard qui, avouons-le, ne se propage jamais de l’autre côté de l’écran, tant le résultat ne cesse de nous faire passer par tous les états possibles du mot « frustration ».
Frustration terrible, d’abord, de se retrouver face à un pompage littéral du puzzle narratif de Kill Bill et d’un paquet de séquences recyclées de l’univers tarantinesque, le tout géré avec opportunisme et fainéantise. Bishop a beau donner l’impression d’ouvrir le champ des possibles en matière d’errance nihiliste à force de refuser tout curseur géographique et d’infuser ici et là des percées d’existentialisme bas de plafond (c’est le subconscient crypto-chamanique d’un biker qui guide ici toute la narration !), tout tombe systématiquement à plat. Hell Ride passe ainsi du statut de bis vénère à celui de ratage plus artificiel qu’autre chose, à peine digne d’une pièce de théâtre amateur où l’on miserait sur la vulgarité crasse et le roulage de mécaniques dans l’espoir perdu d’avance de meubler du néant intégral. Le petit budget du film se fait même cruellement ressentir, comme en témoigne ce « bar » en plein cagnard – en réalité une vieille grange où l’on a juste collé deux tables, trois chaises et une nuée de callipyges qui se battent à poil dans une piscine d’huile ! Et comme il faut bien donner l’impression qu’il se passe quelque chose dans cette histoire où le vide et le creux s’envoient des bouteilles vides de whisky à la gueule, on y cale vite fait mal fait un petit enjeu de vendetta absurde (pourquoi le héros a-t-il attendu plus de vingt ans pour se venger du salaud qui a zigouillé sa dulcinée ?) et une histoire de chasse au trésor censée alimenter une quête de filiation à deux centimes. On s’en fout ? Oui, complètement.
Comme l’ensemble semble avoir été entièrement fagoté par un gros cynique qui n’aime pas vraiment la série B (au mieux) ou qui l’exploite n’importe comment dans le seul but d’avoir l’air cool après cinquante piges (au pire), il fallait bien s’attendre à ce que l’intégralité du casting emboîte le pas à l’ami Bishop, histoire de mimer paresseusement la bad boy attitude en attendant de toucher son chèque et d’écluser toutes les bouteilles d’alcool lors de la fête de fin de tournage. Retrouver ce cher Michael Madsen en roue libre totale, qui agite bêtement les bras et balance de la punchline frelatée par paquets de douze, nous rappelle juste que Reservoir Dogs souffle cette année ses trente bougies. Revoir le légendaire Dennis Hopper en vieux de la vieille garde biker nous renvoie surtout au fait qu’Easy Rider n’est plus aussi tendance qu’avant et qu’un caméo peut s’avérer franchement pathétique s’il consiste juste à exhiber ses fausses dents. Voir le regretté David Carradine ligoté à une chaise pour l’un de ses derniers rôles au cinéma ne fait que nous rappeler la façon bien tragique par laquelle il a fini par casser sa pipe quelques années plus tard. Quant à ce pauvre Vinnie Jones, une fois encore réduit à surjouer la brute épaisse pour la 261ème fois avec l’aura d’un carburateur rouillé, on en viendrait presque à oublier avec quelle aisance il avait su nous faire chier de trouille par un simple jeu de regard dans le terrifiant Midnight Meat Train de Ryuhei Kitamura. Tous ces grabataires de la série B grognent donc leurs répliques sans desserrer les dents, au service d’une scénographie inexistante et d’un scénario digne d’une route toute cabossée en plein cagnard désertique. A ce stade, il n’y a rien d’autre à rajouter sur ce très oubliable Hell Ride.
Titre Original: HELL RIDE
Réalisé par: Larry Bishop
Casting : Larry Bishop, Léonor Varela, Michael Madsen…
Genre: Action, drame, thriller
Sortie en DVD le: 4 Juin 2009
Distribué par: –
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2000