Après Les Grandes gueules du cinéma français Philippe Lombard retrace la carrière de Lino Ventura dans Lino Ventura, le livre coup de poing ! publié chez Hugo Image. On lui a demandé de nous parler de la genèse de ce nouvel ouvrage sur une figure mythique du cinéma. Entretien.
Après la réédition chez Hugo Image des Grandes Gueules du cinéma français où tu abordais entre autres la carrière de Lino Ventura, qu’est-ce qui t’as décidé à replonger pour lui consacrer un livre entier ?
Mon éditeur, Pierre Beaucousin, chez Hugo ! Un « Ventura » se préparait dans la collection où j’avais déjà fait Michel Audiard, le livre petit mais costaud et il me l’a proposé, presque « naturellement » je dirais, au vu de ce que j’avais déjà écrit sur le sujet. La collection se poursuit avec un Francis Veber écrit par Philippe Durand.
Quel était le cahier des charges pour ce nouveau livre ?
Comme le Audiard, évoquer sa vie et sa carrière de façon chronologique mais aussi thématique. Le tout avec des textes courts et une mise en page qui permet de rédiger des encadrés et de placer des citations ou des répliques. C’est très « aéré », c’est assez agréable à faire. J’aime beaucoup ce genre de livre.
A tes yeux comment définirais-tu Lino Ventura comme comédien et en tant qu’homme ?
Une « masse » qui impressionnait mais qui avait au fond de lui une grande sensibilité. Ça marche pour les deux.
En procédant à tes recherches pour la rédaction as-tu découvert des choses que tu ignorais ?
J’ai découvert une chose intéressante : entre le moment où il devient vedette avec Le Gorille vous salue bien en 1958 et, disons, Les Tontons flingueurs en 1963 – c’est à dire à partir du moment où il devient star et tourne ses plus grands films, avec Enrico, Melville, Verneuil, etc. – il y a clairement une période où Ventura « se cherche ». Il accepte encore des rôles secondaires dans des coproductions européennes comme Les Mystères d’Angkor ou Le Roi des truands où il a une scène avec Ernest Borgnine ! Il apparaît en 1963 dans une adaptation de L’Opéra de quat’sous où il pousse brièvement la chansonnette avec Curd Jurgens ! Mais ma plus belle découverte, c’est La Fille dans la vitrine de Luciano Emmer en 61. Il joue un mineur qui devient ami avec Bernard Fresson. Après une première partie extrêmement réaliste se déroulant au fond d’une mine en Belgique, ils partent passer le week-end à Amsterdam avec deux prostituées. C’est assez étonnant de voir Ventura là-dedans.
Concernant les recherches, quand on s’attelle à un tel sujet, la quantité d’informations à absorber et à restituer est forcément pléthorique. As-tu pu utiliser toute la matière à ta disposition ou as-tu dû faire des sacrifices ?
La taille du livre te limite toujours. Il y a un nombre de signes à respecter. Si j’avais eu deux fois plus de place, j’aurais fait des recherches plus poussées, j’aurais consulté des scénarios, j’aurais évoqué en profondeur La Jonque chinoise, ce film dont le tournage s’est arrêté en 1984, etc. Mais je sais la place que j’ai, donc je travaille en fonction et je ne suis pas frustré au final.
On a l’impression que sa vie publique ne présentait pas l’ombre d’une anicroche. Lino Ventura était-il aussi irréprochable qu’il en avait l’air ?
Évidemment, non. La légende le concernant (sa moralité, son sens de la famille et de l’amitié, etc.), c’est lui qui l’a construite. On y croit parce que ses personnages de l’écran sont fidèles à cette image. Attention, je ne dis pas que c’était un gangster ou un tueur d’enfants !! Il n’y a rien de grave dans sa vie personnelle, rien de choquant, mais rien non plus qui nous concerne ! Je suis donc resté en surface.
Parmi tous les films de Lino Ventura, quel est ton top 3 et pour quelles raisons ?
Les Tontons flingueurs de Georges Lautner, comme une évidence. À presque soixante ans, le film fonctionne encore. Ventura ne joue pas » comique », au contraire, il est premier degré, il subit les événements, voilà pourquoi ça reste toujours aussi drôle. Le Bateau d’Émile de Denys de la Patellière où il forme un couple avec Annie Girardot. Un film magnifique avec des dialogues géniaux d’Audiard. Et La Gifle de Claude Pinoteau où il est très touchant dans ce rôle de père un peu largué et très inattendu en professeur d’Histoire-géo à Louis-le-Grand !
Au-delà des personnalités qui ont compté dans sa vie professionnelle, tu évoques aussi le combat de sa vie Perce-Neige. Est-ce que cet engagement a eu un impact sur sa carrière et comment s’y est-il attelé ?
Quand l’état de leur petite fille, les premières années, préoccupait les Ventura qui ne savaient pas de quoi elle souffrait, Lino a pas mal tourné pour se « vider la tête ». Quand il a lancé l’association Perce-Neige en 1965, il a pu faire appel à Gabin, Aznavour, Delon, etc. Son combat n’influençait pas sa carrière d’acteur mais sa notoriété lui permettait de sensibiliser le public et d’obtenir des fonds.
Après Lino Ventura, quelles seront tes prochaines aventures littéraires ?
Je sors en novembre un nouveau livre de la collection de chez La Tengo, l’éditeur de la revue Schnock, et ça s’appelle Ça tourne mal… à la télé !. J’y parle des coulisses des séries, de Thierry la Fronde à Game of Thrones. Deux ouvrages sortiront au printemps : Paris Pop chez Parigramme et Ciné Pop Corn chez Hugo.
Propos recueillis par Fred Teper
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