Critiques Cinéma

EDWARD AUX MAINS D’ARGENT (Critique)

SYNOPSIS: Edward Scissorhands n’est pas un garçon ordinaire. Création d’un inventeur, il a reçu un cœur pour aimer, un cerveau pour comprendre. Mais son concepteur est mort avant d’avoir pu terminer son œuvre et Edward se retrouve avec des lames de métal et des instruments tranchants en guise de doigts.

L’esthétisme au service du fantastique et réciproquement. C’est ici cet art de conteur à nul autre pareil de Tim Burton, probablement au sommet avec Edward aux mains d’argent, qui sera la première collaboration entre le cinéaste et Johnny Depp. Sept autres suivront.  Edward aux mains d’argent est un parfait prolongement des influences et du parcours de Tim Burton. Qu’il s’agisse du cinéma fantastique de son enfance ou du cinéma expressionniste allemand, il joue sur la palette du gothique et de l’onirisme, avec possiblement des légères inspirations de ses débuts chez Disney dans les années 70. Avec Tim Burton, tout est toujours possible, et déjà le film n’a pas commencé, qu’il neige sur les lettres initialement dorées de la 20th Century Fox… Puis le générique d’intro, avec la musique fantasmagorique qui fait magiquement frissonner de Danny Elfman, s’inspirant de Tchaïkovski sur des images en noir et blanc d’un château pas forcément hanté, mais drôlement équipée d’inventions de machineries bizarroïdes et robotiquement protéiformes, avec au casting Johnny Depp et Winona Ryder… Pas de doute, on est chez Tim Burton, le film n’a pas commencé et on est déjà merveilleusement plongé dans tout un univers qui va nous captiver durant 1h45… Les décors sont de suite somptueux, l’image folle, la photographie chimiquement et chirurgicalement colorée. C’est une mise en scène en forme de sorcellerie. Ce quartier impeccable aux couleurs hurlantes et pétaradantes, avec planté là, en son sommet le sombre château d’Edward… Histoire d’un contraste autant fascinant que poétique. Le jardin tellement inventif et créatif. 10 minutes de films et l’on devine, comprend et sait que chaque scène va être une orgie de rêveries, chaque vignette un voyage comme un infini onirisme, chaque minute un émerveillement, chaque seconde un enchantement. Bienvenu chez le génie Tim.


Dès que Johnny Depp apparaît sous les traits primo angoissants mais surtout bouleversants d’Edward, avec cette petite voix qui ne demande qu’à entrer en relation humaines, l’on comprend que la puissance de l’altérité et l’apologie de la tolérance vont irradier délicieusement le message et l’arc narratif du film. Les lames de métal à la place des doigts s’imposant ici comme la métaphore fantasque de toutes les universelles différences. Ce mécanisme mortifère de la peur de ce qu’on ne connaît pas, qui génère les pires des décadences d’une humanité mourante. Un digne héritier d’Eléphant Man (1980). Tout résonne et tout rayonne dans le cinéma de Burton en général et dans Edward aux mains d’argent en particulier. Avec cette perfection formelle et cette puissance du discours, c’est comme si chaque seconde à l’écran était un peu l’histoire du cinéma. Si le déroulé dans son entièreté devient un peu convenu, la force de l’ensemble en fait de toute façon un film culte.


Les mains d’Edward sont aussi coupantes que son âme est belle et que son cœur est pur. Contrairement aux lames, ses larmes ne sont pas en métal. Il vient ainsi se confronter à un village uniformisé et terriblement symétrique, qui semble incarner une Amérique moyenne, très peu ouverte sur l’autre malgré la proclamation théorique de valeurs généreuses. La dimension politique d’Edward aux mains d’argent est incontestablement puissante.  Ha oui, il y a les dialogues, tout aussi prodigieux que le reste. Choisi complètement au hasard, tant on peut extraire tant de pépites, quand dans la famille qui accueille Edward, face à la première réaction hystérique de peur de Kim (Winona Ryder), le papa tout en ironie affectueuse dit à notre héros :

« Tu es resté trop longtemps là-haut, tu ignores tout du monde merveilleux des adolescentes, elles sont toutes toquées. »

On entend vite fait Tom Jones, It’s not unusual (1965) qui va tant servir Mars Attacks (1996) quelques années plus tard. Et tant de moments hilarants comme toutes ses mémères à toutous qui vont utiliser les improvisés talents d’Edward le toiletteur, puis le coiffeur de ses dames et bien sûr le jardinier sculpteur. La magnificence extravagante des mains ciseaux de l’artiste Edward.  Sauf que marre d’être une bête de foire, et des simples envies de banalité, qui viendront se heurter au cynisme des habitant-e-s bien vicieux et banalement humains. Tim Burton durant son adolescence parlait ainsi de ce qu’il observait : « Il y avait quelque chose d’étrange qui planait dans cette ville (Burbank). Les gens étaient amicaux, mais uniquement en surface. Comme s’ils étaient forcés à l’être. » Johnny Depp, qui aurait pleuré à la lecture du scénario sera comme habité dans cette composition. L’acteur aura revisité son Charlie Chaplin pour travailler le rôle et humaniser sur son regard et ses silences, pour un personnage en effet quasi muet. L’acteur fera passer tant d’émotions et viendra habilement casser son image de beau gosse, idole adolescente de la série 21 Jump street (1987-1991). Émergence d’un talent fou, qui va tellement compter ensuite.


Winona Ryder dans un rôle plus classique, aura largement le mérite de rendre une copie émouvante, dans cette belle histoire avec Edward sans doute magnifiée par la véritable histoire d’amour entre les deux acteurs au moment du tournage.  La magie ne prend pas de rides. Avec l’enfant le plus proche de vous, un dimanche matin, on éteint les lumières, on invente un cinéma à la maison, on rejoue l’émerveillement, car ce cinéma-là se partage et se transmet, c’est un cadeau sacré, un trésor ultime, un bonheur inépuisable. Edward aux mains d’argent, c’est du cinéma en or massif.

Titre Original: EDWARD SCISSORHANDS

Réalisé par: Tim Burton

Casting : Johnny Depp, Winona Ryder, Dianne Wiest…

Genre: Fantastique, Comédie, Romance

Sortie le: 10 Avril 1991

Distribué par: 20th Century Studios

CHEF-D’ŒUVRE

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