Critiques Cinéma

STRAIGHT UP (Critique)

SYNOPSIS: Todd, gay d’une vingtaine d’année et bourré de TOC, est inquiet de mourir seul au point de remettre en question sa sexualité. Quand il rencontre Rory une jeune actrice débutante aussi drôle qu’énergique et avec son lot également de névroses, les deux vont nouer une relation forte basée uniquement sur le dialogue et pas sur le sexe.

L’auteur, réalisateur et acteur James Sweeney livre une comédie romantique aiguisée et moderne qui montre l’étendue des définitions de l’amour et de la sexualité et aime ainsi définir la genèse de son projet : « J’aime dire que cette histoire est très personnelle, mais pas du tout autobiographique ». Straight up a reçu aux Indépendant Spirit Awards le prix du meilleur premier scénario en 2021. Ici, on parle sexe, en mode cash et sans détour, ici une pipe rapide est une pipette. Mais ce n’est justement jamais vulgaire, tant modernité sur le questionnement des genres et l’intelligence sont partout, parfois en mode un peu brutasse, mais c’est une pelleteuse qui dépose un œuf dans sa coque, c’est Coluche en gants de boxe qui joue du violon. Un humour corrosif et incisif, des contrastes fous de créativité entre un vocabulaire très direct mais où tout amène à la finesse. C’est la première grande réussite de Straight Up, et c’est loin d’être la seule.  Il y a aussi cette mise en scène délirante, prodigieuse, qui nous bouscule. C’est détonnant, changeant, hyper coloré et en permanence surprenant, avec des transitions totalement inattendues entre chaque tableau. Straight Up, c’est ce genre de film où non seulement on se marre à intervalles super réguliers, mais en fil rouge, on sourit un peu tout le temps. Ce film est une vraie salle de sports pour nos zygomatiques.

C’est tout à la fois burlesque, flashy et pop, ça enchaine avec une acidité, avec le rythme d’une jubilatoire persécution. Ça enchaîne et ça fuse comme pas possible. Quand, face à sa psy un peu hilare, Todd demande « Ne riez pas je paye« , la thérapeute rectifie : « vos parents payent« . Intelligent, subtil et drôle, le film se construit au fil des échanges robotiques et frénétiques de Rory et Todd. Tous les deux bien décalés, en marge. Les dialogues claquent, nous éclatent et nous épatent, dans ce foisonnement de l’inventif, de la générosité et la déclinaison chirurgicale de l’absurde et du politiquement incorrect. C’est certes ultra dialogué, c’est même le fondement originel de l’œuvre, mais justement jamais verbeux. Ils ne parlent pas pour ne rien dire ces deux-là. Todd et Rory sont dans un mood machines de guerre mais en une discussion de huit heures sur l’exacerbation de leurs névroses respectives, ils font en quelque sorte le tour de l’humanité. La mise en scène est singulièrement hypnotique. Comme chaque séquence est un peu un nouveau monde, le déploiement des plans dans une folle multiplicité est également pléthorique, avec une caméra elle très souvent statique. Finalement, dans ce tout ce qu’il dit, dans tout ce qu’il est, Straight Up est totalement vertigineux. Tous deux dissertent, dissèquent, discourent et philosophent avant même de respirer. On est quelque part entre Rousseau et Sartre, on est hyper stimulés, on se fait bien remués et c’est très jouissif. Ce qu’on n’aime pas chez les autres, ce sont nos problèmes. Ça balance ce genre de monumentaux steaks tous les minutes 30 en moyenne. Nos neurones plussoient, se régalent et dansent sous les étoiles.


Ils se connaissent depuis huit heures et ont discuté pendant huit heures en continu. Sorte de coup de foudre de la cérébralité. Ils font l’amour verbalement. Serait-ce comme un mécanisme de défense par peur de créer un lien autrement plus charnel. A découvrir la puissance de tout ce qui se jouer entre Rory et Todd. Avec eux, l’amour c’est un peu la guerre. C’est d’une immense splendeur formelle, d’une symétrie amoureuse parfaite, qui dans le jeu d’images et la façon de cadrer est comme un hommage constant à tous les plus grands classiques du genre. Straight Up, c’est une forme de mini prodige. Les joutes avec sa psycho continuent. On pense qu’elle s’intéresse à son patient :

« -Vous passez Thanksgiving avec vos parents ?
-Oui et j’amène Rory
-Formidable (silence). Dites-leur qu’ils doivent me payer Septembre, je leur ai envoyé la facture. »

Les cerveaux sont en ébullition et en émulation inaltérable. Là où les autres, avec leur excès de normalité vont venir les mettre à mal, Straight Up, sur un mode fascinant et captivant vient poser un triple questionnement assez existentiel. Une âme-sœur, est-ce un amour ou un jumeau du sexe opposé, qui vient juste dire à quel point on s’aime soi-même ? A l’inverse, peut-on aimer l’autre, si on ne s’aime pas soi ? Peut-on aimer véritablement sans sexe ? Une série de questions qui n’est pas inédite, mais ici, point de stéréotypes mais plutôt une réelle émotion et surtout une totale poésie. Rory et Todd, des âmes tendres, qui clivent le sentiment amoureux de la pratique sexuelle, qui viendrait salir plus que de prolonger. Leurs intelligences, cette propension exagérée à l’analyse permanente les tétanisent dans leurs corps. James Sweeney est un Todd tendrement autistique et jamais caricatural. Analyste et pas tactile, amoureux en mode surmultiplié, il aime follement et totalement et donne vie à l’assertion de Josef Schovanec (écrivain, philosophe) sur la malchance des non autistes. L’acteur offre ici à son personnage une pudeur, une grandeur d’âme, une rationalité, mais justement tellement humaine. Il a pris tous les tics et les tocs de son personnage. C’est comme un statisticien de l’émotion. Impressionnant. Elle…. Katie Findlay est une Rory, qui est juste son double parfait. Elle est fascinante. Ses blessures, son évolution, son décalage, sont pleinement imprégnées par l’actrice qui envahit l’écran et livre une prestation aussi bluffante que poignante. Elle nous envoûte et nous maraboute. On en redemande et on a tellement déjà envie de la revoir là maintenant et tout de suite. Au final, Straight Up, bijou de cinéma indépendant, est une variation d’1H33 d’intelligence et d’émotion. Il faut courir en salle, tant ce film nous surprend sans arrêt, sait où il va, tout en étant un peu fou. Ça tombe bien car on fait des choses un peu folles quand on aime.

Titre Original: STRAIGHT UP

Réalisé par: James Sweeney

Casting: Katie Findlay, James Sweeney (III), Cayleb Long…

Genre: Comédie, Romance

Sortie le: 26 Octobre 2002

Distribué par : L’Atelier Distribution

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