Analyse

À LA MAISON BLANCHE : UN PRÉSIDENT CULTE


ATTENTION SPOILERS : 

Cet article révèle certains rebondissements et nous vous conseillons sa lecture après le visionnage de la série

SYNOPSIS: Entrez dans les coulisses de la Maison Blanche où l’équipe du Président des Etats-Unis est sur le qui-vive pour gérer les problèmes les plus divers. A l’ordre de tous les jours : intrigues, crises diplomatiques, chantages…

« Quoi d’autre ? », peu importe le moment, quand le Président Bartlet pose cette traditionnelle question, autour, c’est une ruche, et lui c’est un peu la reine des abeilles. Dès le pilote, les problèmes qui paraissent insolubles aux conseillers, il va les résoudre en quelques phrases bien senties. C’est le Président, C’est Bartlet.  « Alors quoi d’autre ? Rien d’autre ? Génial« … à des mauvais conseillers du début dans l’épisode 1 de la saison 2… Tout le monde dans l’aile ouest de la maison blanche est dans le « walk and talk » cher au créateur de la série Aaron Sorkin, tout le monde marche et parle en même temps, mais au final, celui qui le plus souvent est statique décidera, et c’est toujours Bartlet. L’ivresse du pouvoir, mais aussi sa solitude, ses dangers… Bartlet, licence d’histoire (mention très bien) sur son pays et sur la théologie, doctorant en économie et même nobellisé. C’est donc un brillant universitaire, un intellectuel, un humaniste, une alternative à la présidence Bush, pour un chef du monde libre idéaliste et cultivé… Antithèse à une forme de sacralisation de la médiocrité… Les républicains agacés, le traitent de snob, notamment lors de la campagne pour sa réélection et sans s’en rendre compte induisent eux-mêmes qu’ils sont stupides, là où Bartlet, lui est intelligent. (Tout le début de la saison 4). Bartlet, en 7 saisons, ce sont des moments inoubliables qui disent tout de la psychologie éminemment humaniste du Président. Pèle-mêle, évidemment ce moment culte où il explose une catholique intégriste (saison 2 épisode 3 sur lequel nous reviendrons…), le bras de fer face au Speaker, qui là aussi déploie la force mais aussi la folie du Président (Saison 5, épisode 7 et 8), la décision à prendre de faire assassiner le ministre Sharif terroriste du Qumar (Saison 3 épisode 22). La façon dont il moque les patrons de l’armée et du renseignement dès qu’il le peut ; L’invocation du 25ème amendement (épisode 23 saison 4) que lui-même organise quand sa fille est enlevée, pour ne pas avoir un jugement complètement obstrué et prendre le risque qu’il choisisse une attaque nucléaire pour sauver sa fille. L’épisode 9 de la saison 6, où il réussit une brillante négociation avec son homologue chinois, alors que paralysé et épuisé, il est au summum de sa sclérose en plaques. Enfin, le bouleversant épisode Two Cathédrals (Episode 22 saison 2) sur lequel nous allons poser nos valises quelques secondes….



Épisode épique, qui en dit tellement sur le moi profond de Bartlet… Il dialogue en direct dans une colère sourde et en confrontation avec Dieu, en écrasant une clope dans la cathédrale, suite à l’enterrement de sa dévouée secrétaire de toujours, Madame Landingham (la géniale Kathryn Joosten, que l’on retrouvera sous les traits émouvants de Karen McCluskey dans Desperate Housewives (2004-2012)), dont il était si proche et partie injustement dans un sale accident. Toute sa croyance est là, une religion sincère, totale, méticuleuse et intellectualisée comme tout ce qu’il fait, mais jamais dupe. Il se souvient de Madame Landingham, qui dans un lointain passé savait que même très jeune, quand il prenait une décision, une vraie, il mettait les mains dans les poches, regardait droit devant et souriait. S’ensuit un incroyable moment, Bartlet continue son défi avec le divin, sous la pluie battante, avec le débit de la voix brulante et la guitare vibrante de Mark Knopfler dans Brothers in Arms (1985) de Dire Straits… Il entre dans l’arène bouillante des journalistes. Tout le monde attend qu’il parle de sa sclérose en plaques qu’il vient de dévoiler, tout le monde attend de savoir s’il se représente comme Président des Etats-Unis d’Amérique. Un garde du corps arrive, CJ Cregg (Allison Janney), l’attachée de presse annonce « »Here, Now, The Président of The United States« … Les 300 journalistes se lèvent, Bartlet arrive, trempé, hirsute, un fou… CJ lui souffle quelle journaliste choisir pour la première question, il en choisit une autre, pour de suite lever l’hypothèque de sa candidature… La question est posée, sera-t-il candidat à sa réélection. Là… Bartlet, les mains dans les poches, regarde au loin et sourit… Il a donc pris une décision, prenant (presque) tout le monde à contre-pied… Scène lunaire, épisode clef, très puissamment esthétique, un grand moment de TV, un grand moment sériel. Une mise en scène qui confine au grand art avec un seul qualificatif possible : Génial. Twist à la Maison Blanche, nous ne connaîtrons sa réponse que lors de l’épisode 2 de la saison 3, même si elle fait déjà à ce moment-là en réalité peu de doutes…


Martin Sheen incarne comme un président idéal, idéaliste, romantique, littéraire, et même un peu poète. Et ça fait du bien dans ce sale moment pour les rêveurs. L’acteur est également très engagé au sein du parti démocrate et a même été emprisonné en tant que manifestant contre la guerre en Irak !! « Il est très facile à aimer une fois qu’on a appris à le connaître » de Léo McGarry (John Spencer), son fidèle ami, son mentor absolu et chef de cabinet, à Josh Lyman (Bradley Whitford), chef de cabinet adjoint sur les flashbacks de l’épisode 2 de la saison 2 quand les deux ne sont encore que conseillers du candidat Bartlet. Ce qui se passe à la 35ème minute de ce même épisode est bouleversant. Josh vient de perdre son papa au moment où avec Bartlet et toute l’équipe, ils ont gagné la primaire de l’Illinois, leur ouvrant la porte de l’investiture démocrate, leur ouvrant possiblement les portes de la Maison Blanche. Ce qui est d’ailleurs un prémisse terrible pour ce qui arrivera dans l’épisode 17 de la saison 7, Josh perdant un autre papa peu de temps avant une toute aussi belle victoire… Autre histoire… On en reparlera… Le candidat Bartlet, jusqu’à présent peu attentionné à ses conseillers sera incroyablement humain et généreux avec Josh, brisant là le tacite dévouement, comme si cet esprit sacrificiel était une composante intangible. Plutôt que de surfer immédiatement sur la vague de ce succès, de livrer aux spectateurs là maintenant de suite le discours du vainqueur, de se tenir debout dans le ring, l’odeur du sang plein les naseaux, il va se rendre à l’aéroport, auprès de Josh. « Ne croyez pas que j’ignore ce à quoi vous avez renoncé pour travailler sur cette campagne, ne croyez pas que j’ignore votre valeur  ». Il en sera de même avec Charlie Young (Dulé Hill), son aide de camp tout au long de la série, qu’avec émotion il accompagnera comme son propre fils. Let Bartet be Bartlet , au-delà d’être le titre de l’épisode 19 de la saison 1, va être comme un tournant: « tout le monde vous attend, mais je ne sais pour combien de temps encore« . De Mcgarry au Président. Les pudeurs de gazelle, la tiédeur du pouvoir, le manque de radicalisme, face à une institution composée et organisée dans la frilosité. Les enjeux d’une réélection qui pousse presque à l’inaction. Comme si finalement, sous des airs faussement révolutionnaires, au moins 51 % des citoyens préférait un rassurant immobilisme. Début d’une nouvelle stratégie à savoir libre, pure, sans craintes et qui porte ses convictions. Qui élève le niveau du débat public national.



« Bartlet for America » rédigée sur une serviette en papier dans l’épisode 10 de la saison 3 par Léo MacGarry, qui va voir Bartlet alors gouverneur du New Hampshire qui montre la force du lien entre les deux et la façon dont l’idée a germé dans l’esprit du démocrate de se porter candidat pour être le leader du monde libre… C’est toujours un peu comme ça. Un génie plus clairvoyant que les autres (ici Léo) qui va chercher et convaincre celle ou celui qu’il pense le plus armé, le plus prêt, le meilleur pour la fonction. Bien des années après, mais toujours dans ce même épisode, quand Léo, le héros sacrificiel par excellence, témoignera devant le congrès pour protéger son Président, celui-ci lui offrira un cadre avec à l’intérieur… la serviette en papier « Bartlet for America« …ponctué d’un « Je ne vous remercierai jamais assez  » en retournant dans le bureau ovale, son bureau… Il doit tant à Léo, un peut tout même… A noter que Aaron Sorkin a écrit son premier succès avec la pièce Des hommes d’honneur, écrite initialement à la fin des années 1980 sur… des serviettes en papier…  Notons également les deux premiers épisodes de la Saison 6 à Camp David : deux épisodes où en réponse à une attaque meurtrière d’un convoi présidentiel, et des morts et blessé-e-s que nous connaissions bien dans la série, Bartlet, le pacifiste, réunira dans ce lieu chargé d’histoire pour les tentatives d’accord de paix entre les deux pays (sous Carter en 1978 et en 2000 Bill Clinton), le premier ministre Israélien et son homologue Palestinien. On pourrait ici évoquer une « Diplomatie discrète et infatigable » dans le processus de paix Israélo-Palestinien qui est une terminologie très estampillée Parti Démocrate. Ce n’est pas Bartlet qui l’aura utilisée, mais l’actuel Président des Etats-Unis, Joe Biden. S’est-il inspiré de la série, celle-ci était-elle juste visionnaire ? Sans doute un peu tout ça à la fois. Ou quand série et réalité se confondent… Martin Sheen est finalement le meilleur Président des Etats-Unis que nous ayons connu, tant il aura su faire exister Bartlet. Sur ces 7 saisons, il aura été le cœur tendre, fort et battant de la série. Son interprétation est légendaire et doit demeurer une source d’inspiration aussi bien pour des comédiens que pour toutes celles et ceux qui s’engagent en politique… Dernière image du président… Épisode 22 saison 7, cadeau posthume de Léo, sa fille l’a fait transiter pour qu’il arrive à Bartlet, qui a quitté le bureau ovale… A l’intérieur, une serviette en papier…. LA serviette en papier… : « Bartlet for America »…  Merci Josiah « Jed  »Bartlet, de nous avoir offert une vision rêvée de ce que pourrait, de ce que devrait être la politique… «  Thank You Mr Président« .

Crédits : NBC

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